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Palestine occupée

« Le déclin du secteur est le résultat de la poursuite de la politique d’occupation »

Vendredi, 3 février 2012 - 8h 21 AM

vendredi 3 février 2012

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Par Ahmed Madjdalani. Ministre palestinien de l’Agriculture

- L’agriculture dans les Territoires palestiniens continue de pâtir de la politique d’occupation israélienne…

Foncièrement colonialiste et expansionniste, la politique israélienne est fondée particulièrement sur la confiscation des terres, la judaïsation d’Al Qods et le monopole sur les ressources en eau.

Ceci a empêché non seulement l’urbanisation, mais aussi le développement de l’agriculture.

Le secteur continue de subir les contrecoups de la politique israélienne. Durant les années 1970, le secteur agricole représentait 27% du PIB contre 16% au début des années 1990. Ce taux a enregistré une légère hausse durant ces trois dernières années (10%) grâce à la volonté de l’agriculteur palestinien. Le déclin du secteur réside dans la poursuite de l’occupation israélienne. Le plus dangereux demeure le monopole et l’accaparement qu’exerce Israël sur les ressources en eau, destinées soit à la consommation de la population, soit à l’irrigation.

- La semaine dernière, un rapport de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française a décrit la question de l’eau comme « révélatrice d’un nouvel apartheid » exercé par Israël au Moyen-Orient. Quel est votre avis ?

Ce rapport est crédible et sérieux, il fait partie d’un autre publié par des représentants de l’Union européenne sur les territoires palestiniens. Ce rapport décrit les pratiques et les méthodes israéliennes qui visent à dynamiter le développement économique en Palestine.

Chiffres à l’appui, le rapport français évoque la confiscation des ressources en eau.

En Cisjordanie, il existe trois bassins.

Le premier, constitué d’eaux souterraines renouvelables, produit 750 millions m3/an. Nous recevons moins du quart, alors qu’Israël contrôle la grande majorité de ce bassin et pompe environ 500 millions de mètres cubes par an, destinés à la consommation de la population à Tel-Aviv et à l’irrigation.

L’autre bassin est celui de Beit Lahm, situé dans le sud. Il produit annuellement 190 millions de mètres cubes. Nous ne bénéficions que de 40 millions de mètres cubes, le reste étant confisqué par Israël.

Du dernier bassin, nous ne recevons que 25%. Nous ne parlons ici que des eaux destinées essentiellement à la consommation de la population. S’agissant du secteur agricole, l’accord intérimaire qui définissait les quotas des eaux n’a pas été respecté par la partie israélienne. Et ceci constitue un gros problème pour le développement de l’agriculture. Quotidiennement, l’armée israélienne perpètre des attaques contre les terres agricoles et détruit les puits. Israël espère ainsi exercer un monopole total sur toutes les ressources en eau.

- La question épineuse de l’eau faisait partie des Accords d’Oslo II, en 1995, qui n’ont pas été renégociés comme prévu en 2000 avec l’éclatement de la seconde Intifadha. Ces accords n’ont-ils pas pris en considération les besoins en eau d’une population qui a doublé depuis 1995 ?

L’accord intérimaire, connu sous le nom d’Oslo II, en 1995, était limité dans le temps, jusqu’à mai 1999. A l’époque, nous n’avons pu prédire que l’occupant allait continuer sa politique expansionniste et qu’il allait tourner le dos aux accords paraphés. Le texte devait être temporaire, mais n’a jamais été renégocié. Nous pensions que nous allions construire un Etat indépendant. Pour nous, il était indispensable de revoir toutes les politiques économiques à la lumière des nouvelles données. Sans doute, la répartition de l’eau est une question stratégique et constitue un enjeu de taille. Ces dix dernières années, la région du Moyen-Orient a subi de plein fouet les aléas climatiques. Il y a eu une pénurie d’eau, tandis que les besoins de la population palestinienne n’ont pas cessé d’augmenter. Nous considérons que s’il y aura à l’avenir un conflit dans la région du Moyen-Orient, ce sera autour de la question du contrôle de l’eau.

- Le Parlement européen a donné son feu vert, fin septembre 2011, à un accord commercial entre l’Union européenne et les Territoires palestiniens, autorisant l’exportation directe vers l’UE des produits agricoles et de pêche des Territoires palestiniens. Est-ce une bouffée d’oxygène pour l’économie palestinienne ?

Nous sommes des partenaires de l’Euromed et de l’Union pour la Méditerranée. Nous bénéficions également d’un traitement d’exception dans l’exportation des produits agricoles en direction de l’Union européenne. Récemment, tous les produits agricoles palestiniens ont été exemptés de toute barrière douanière. Ceci est très important pour nous. Mais nos exportations en direction de l’Union européenne sont limitées à certains produits (plantes médicinales, fraises, fleurs, tomates, dattes, etc.) Tout ceci s’explique par les restrictions que dressent les autorités israéliennes, empêchant ainsi le décollage de notre agriculture.

- Quel est l’impact du mur de séparation israélien, une fois le tracé achevé, sur la Cisjordanie ?

D’une longueur de 752 km, le mur de séparation raciste isole entièrement El Qods (Jerusalem) de la Cisjordanie. Cette dernière sera privée de 22% de ses terres agricoles, les plus fertiles de la Palestine. Ce mur va aussi conforter le monopole d’Israël sur les plus importantes ressources en eau. A ce rythme, nous allons perdre 58% de la superficie de la Cisjordanie.

- Vous vous retrouvez en Algérie à la tête d’une délégation d’investisseurs palestiniens. Quel est l’objectif de votre visite ?

Ma visite est l’expression d’une volonté politique commune entre les deux pays pour dynamiser la coopération bilatérale, particulièrement dans le secteur agricole. Nous disposons d’une expertise dans la gestion des eaux, l’irrigation et la culture sous serre. Nous pensons que l’Algérie dispose aussi d’une expérience dans divers secteurs. Nous voulons ainsi chercher à développer une coopération bilatérale via l’échange de nos expériences. Dimanche, nous avons paraphé un plan de travail commun qui s’étalera sur les années 2012-2013. Le privé palestinien tentera également de découvrir les opportunités d’investissement dans le monde agricole en Algérie et éventuellement conclure des partenariats avec ses vis-à-vis algériens. Sont prévus, entre autres, un programme commun pour la formation des Palestiniens en Algérie en matière de vulgarisation agricole ainsi que l’organisation d’un Salon des produits agricoles palestiniens en septembre prochain à Alger.