Accueil > Sociétés Civiles à Parlement Européen > Jeu dangereux pour François Hollande

Par Dominique Vidal

Jeu dangereux pour François Hollande

Jeudi, 2 février 2012 - 20h51

jeudi 2 février 2012

============================================

Le candidat socialiste à la présidence de la République a reçu le 25 janvier une délégation du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). Ce dernier a publié hier lundi sur son site un compte-rendu de cette rencontre, dont on trouvera ci-dessous le texte intégral. Sa lecture, en l’absence d’un communiqué de François Hollande ou de ses porte-parole, pose plusieurs problèmes :

1) Au-delà des déclarations d’amitié du candidat socialiste pour Israël, l’article du CRIF n’indique rien sur les principes de la politique proche-orientale de la France que François Hollande, s’il devient président de la République, entend développer. Qui est responsable, selon lui, de l’impasse persistante du "processus de paix" ? Condamne-t-il la colonisation accélérée de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est ? La France reconnaîtra-t-elle l’État de Palestine et œuvrera-t-elle à son admission comme membre à part entière des Nations unies, comme le prévoit pourtant son engagement n°59 ?

2) Toujours selon le texte publié par le site du CRIF, le candidat socialiste aurait fait état de sa "fermeté" face aux actes "antisémites" et - ajoute le compte-rendu - "antisionistes". De quoi s’agit-il dans l’esprit de François Hollande ? Qu’on me comprenne bien : je n’ignore évidemment pas que l’antisionisme affiché par certains camoufle mal leur antisémitisme. Mais telle ou telle provocation ne saurait amener à criminaliser toute critique de la politique d’Israël et de l’idéologie - sioniste - dont ses dirigeants se réclament. Assimiler l’antisionisme à de l’antisémitisme constitue, de surcroît, un contre-sens historique : jusqu’à la Seconde Guerre mondiale et au judéocide, les organisations sionistes étaient minoritaires dans la plupart des communautés juives à travers le monde. Plus : la majorité des Juifs - communistes, bundistes, libéraux ou orthodoxes - désapprouvaient l’idée de construire un État juif en Palestine. Et, même au sein du Yichouv, la communauté juive de Palestine, une très forte minorité prônait un fédération judéo-arabe. Qui osera les traiter d’"antisémites" ? Imagine-t-on les gaullistes exiger l’interdiction de l’antigaullisme, ou les communistes de l’anticommunisme ? Quiconque défend une idéologie et se veut un démocrate doit accepter qu’elle soit mise en cause...

3) Cette regrettable "innovation" - si elle est bien le fait de François Hollande - est d’autant plus dommageable qu’elle intervient au moment où les sénateurs socialistes reprennent à leur compte une proposition de loi de l’UMP visant à étendre l’obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et aux assistantes maternelles à domicile. Sous couvert de laïcité, cette nouvelle escalade porte atteinte aussi bien à l’égalité devant le travail qu’à la liberté de conscience - les "nounous" pourraient faire l’objet de contrôles à leur domicile pour vérifier si elles portent un voile (il ne s’agit pas, précisons-le, de la burqa) ! Mais une telle concession à l’islamophobie à la mode choque au point d’avoir des conséquences politiques inattendues. Je peux en témoigner personnellement, ayant entendu, il y a peu, dans une conférence-débat, de jeunes musulmans, renvoyant dos-à-dos la gauche et la droite, se poser la question de voter pour Marine Le Pen. Marginale à coup sûr, cette réaction est-elle pour autant isolée ? Et le Parti socialiste comme son candidat en ont-ils conscience ?

D. V.

François Hollande reçoit le CRIF

Une forte délégation du CRIF conduite par le président Richard Prasquier a été reçue le 25 janvier 2012 au Q.G. de campagne du candidat socialiste à l’élection présidentielle, avenue de Ségur dans le 7ème arrondissement de Paris.

Dans une ambiance chaleureuse, conviviale et franche, les sujets les plus divers ont été abordés : le prochain dîner du CRIF, la laïcité, l’école juive, les crèches, l’abattage rituel, les problèmes liés aux signes distinctifs religieux dans l’espace public, l’antisémitisme et l’antisionisme, le boycott d’Israël, les relations judéo-musulmanes ou encore la montée du Front national.

Richard Prasquier a rappelé que le CRIF est très attaché à la laïcité comme à la loi de 1905 et qu’il n’est pas favorable à l’idée d’Eva Joly d’un jour férié national pour le Yom Kippour. Pour ce qui est de l’antisémitisme, si, globalement, on ne constate pas d’augmentation des actes par rapport à l’an passé, il convient de souligner une multiplication par dix en douze ans.

Sur cette délicate question, le candidat socialiste a assuré le CRIF de son engagement de fermeté contre les actes antisémites et antisionistes. Il compte mener des actions énergiques dans les domaines de l’éducation, de la pédagogie et de l’information. « Je ne laisserai rien passer » a-t-il affirmé.

À propos de l’école juive, François Hollande a assuré que la loi Debré ne serait pas remise en question. Et, pour ce qui est de la violence, il se prononce pour la formation d’éducateurs spécialisés dans la prévention.

Concernant le Proche-Orient, François Hollande a souligné que si Israël est l’objet de tant de critiques c’est qu’il constitue une grande démocratie. C’est sans doute, a-t-il ajouté, au PS que l’on trouve le plus grand nombre d’amis d’Israël et du peuple juif. François Hollande, qui a confirmé la prochaine visite en Israël de Laurent Fabius, a fait part à ses hôtes de l’invitation à visiter Israël de la nouvelle présidente du parti travailliste, Shelly Yachimovitch.

Le président du CRIF était accompagné de Haïm Musicant, directeur général, d’Ariel Goldmann et Meyer Habib, vice-présidents, de Francis Kalifat, trésorier, de Roger Benarrosh, vice-président honoraire, de Nathalie Cohen-Beizerman, Jean-Pierre Allali, Yonathan Arfi, Arié Bensemhoun, Marc Zerbib, membres du bureau exécutif et d’Ariel Amar, conseiller du président.

Pour sa part, François Hollande était entouré de Pierre Moscovici et de Manuel Valls