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Par Alain Gresh - Le Monde Diplomatique

Haditha, un massacre impuni en Irak

Jeudi, 2 février 2012 - 10h41

jeudi 2 février 2012

Médias complices du pire ? banalité quotidienne et assassine .

Michel Flament

Coordinateur

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La nouvelle a été réduite à quelques lignes dans Le Monde et à peine évoquée ailleurs.

Le quotidien du 27 janvier écrivait : « L’arrangement judiciaire qui a permis au sergent des marines américain Frank Wuterich, accusé de la mort de 24 civils irakiens (dont 10 femmes et enfants tués à bout portant) en novembre 2005 à Haditha, d’échapper à la prison a provoqué l’écœurement en Irak.

En plaidant coupable devant une cour martiale de Camp Pendleton, M. Wuterich n’encourt que la dégradation et une peine maximale de trois mois aux arrêts.

Le président de la commission des droits de l’homme du Parlement irakien, Salim Al-Joubouri a dénoncé une “atteinte à la dignité des Irakiens”. [1] »

Point final, aucun commentaire, aucun éditorial indigné, ni dans Le Monde, ni dans les autres médias. Le porte-parole du Quai d’Orsay, si prompt à s’émouvoir de toute violation des droits humains, est resté silencieux.

Rappelons les faits. Le 19 novembre 2005 à Haditha, une ville de la province d’Al-Anbar, une mine artisanale explose sur le passage d’un convoi américain ; elle provoque la mort d’un caporal. En représailles, les marines tueront un grand nombre de civils et tenteront de camoufler le crime en prétendant que la grande majorité des morts avait été provoquée par la bombe. Mais les incohérences de cette version et le travail de la presse, notamment du Time Magazine, amèneront l’ouverture d’une enquête et la reconnaissance du fait que les troupes américaines ont délibérément tiré sur des civils. En 2007, Hollywood produit même un film, Battle for Haditha (Nick Broomfield), qui raconte le massacre.

Pourtant, le procès qui s’est déroulé il y a quelques jours et qui a abouti à l’abandon des poursuites contre six marines et à une peine légère pour le dernier, montre à quel point la justice des Etats-Unis est biaisée quand il s’agit de crimes de guerre commis par ses propres citoyens. On comprend mieux pourquoi Washington, si empressé à vouloir envoyer devant la Cour pénale internationale tel ou tel dirigeant d’un petit pays, refuse d’en signer les statuts, de peur d’y voir traînés ses propres responsables, dont ceux qui ont déclenché la guerre contre l’Irak (lire « Du Liban à l’Irak, juger les criminels ? »).

Dans un article du New York Times du 27 janvier, « An Iraqi Massacre, a Light Sentence and a Question of Military Justice », Charlie Savage et Eilsabeth Bumiller écrivent : « Les informations limitées disponibles montrent que même quand les militaires ont essayé de poursuivre des soldats pour meurtre ou massacre en zone de combat, le taux d’acquittement a été bien plus élevé que pour des cas civils. » Ce taux élevé d’acquittement confirme, bien évidemment, aux yeux des Irakiens comme des peuples de la région, que le discours démocratique et humanitaire tenu par l’Occident est la couverture d’une politique cynique.