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Par Catherine Gouëset, avec AFP

Palestine : le printemps du Hamas ?

Mardi, 31 janvier 2012 - 6h24 AM

mardi 31 janvier 2012

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Publié le 30/01/2012 à 15:40, mis à jour à 15:55

Khaled Mechaal est arrivé dimanche à Amman pour une courte visite, la première officielle depuis son expulsion de Jordanie en 1999 ; un tournant dans les relations difficiles entre le royaume et le Hamas.

La visite du chef historique du Hamas, Khaled Mechaal, en Jordanie, est un signe supplémentaire des évolutions autour du mouvement islamiste. Il prend ses distances avec la Syrie et tente de se réconcilier avec le Fatah de Mahmoud Abbas.

 ?Le vent du printemps arabe souffle aussi sur le Hamas. De nombreux signes vont dans ce sens, alors que le chef du mouvement islamiste palestinien, Khaled Mechaal est arrivé dimanche à Amman pour une courte visite, la première officielle depuis son expulsion de Jordanie en 1999. Un tournant dans les relations difficiles entre le royaume et le Hamas, mouvement considéré comme une organisation terroriste par les pays occidentaux, l’Union européenne et Israël.

« Un aggiornamento du Hamas » ?

Un point pour les Frères musulmans jordaniens
Tous ces rééquilibrages auront peut-être aussi des conséquences de l’autre côté du Jourdain. Les Frères musulmans jordaniens ont en effet qualifié « d’historique » la visite de Khaled Mechaal qui devrait permettre leur rapprochement avec l’Etat Jordanien. Les Frères musulmans de Jordanie mènent, depuis un an, avec des militants pro-démocratie, un mouvement dans la lignée du Printemps arabe, pour des réformes politiques et économiques et contre la corruption.
La visite de Khaled Mechaal était d’ailleurs attendue depuis que le nouveau Premier ministre jordanien, Aoun Khassawneh, ancien juge à la Cour pénale internationale de La Haye, avait qualifié en novembre d’"erreur constitutionnelle et politique" l’expulsion des dirigeants du Hamas en 1999. Khaled Mechaal, qui détient la nationalité jordanienne, était accompagné du prince héritier du Qatar, Tamim Ben Hamad Al-Thani, qui effectue une médiation auprès de la Jordanie. La délégation du Hamas était composée de cinq membres du bureau politique, dont le numéro deux Moussa Abou Marzouk. Dans une déclaration à la presse, Khaled Mechaal a affirmé que « le Hamas rejette catégoriquement tous les projets de règlement sur la base d’une patrie alternative », en référence à la vision soutenue par des extrémistes israéliens, d’une Jordanie comme Etat de substitution pour les Palestiniens.

Khaled Mechaal, qui a annoncé le 21 janvier qu’il ne se représenterait pas à sa propre succession à la tête du bureau politique du Hamas, a longtemps été considéré comme représentant l’aile dure du mouvement. Proche de la Syrie et de l’Iran, il est pourtant à l’origine des tentatives de réconciliation avec le Fatah, que le mouvement islamiste a chassé de Gaza en 2007 au terme d’un conflit entre les deux groupes rivaux.

La réconciliation interpalestinienne

Son autorité est de ce fait contestée par des dirigeants du Hamas à Gaza, qui lui reprochent ses prises de position jugées trop conciliantes envers l’Autorité palestinienne depuis la conclusion d’un accord de réconciliation entre les deux mouvements rivaux, en avril 2011.

Depuis le printemps 2011, Khaled Mechaal multiplie en effet les déclarations conciliantes. En mai, il se dit prêt à « donner une chance » aux négociations avec Israël, récusées par le Hamas. En novembre, il se prononce pour la « résistance populaire pacifique », sans aller jusqu’à renoncer à la lutte armée, après un tête à tête de près de deux heures avec Mahmoud Abbas, « la première longue rencontre au cours de laquelle il y a un dialogue en profondeur ».

Bien que la réconciliation Hamas-Fatah tarde à se concrétiser, Khaled Mechaal et Mahmoud Abbas, le président palestinien basé en Cisjordanie, se sont rencontrés au Caire, en décembre. Ils ont entamé le chantier de la réorganisation des organes de décision palestiniens, qui doit aboutir à l’unification de tous les mouvements sous l’égide de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) - dont le Hamas, jusqu’à présent, ne fait pas partie.

Ajustements diplomatiques

Les lignes sont aussi en train de bouger pour le Hamas sur le plan diplomatique. Ankara n’a pas exclu, ces derniers jours, que le mouvement islamiste ouvre un bureau de représentation en Turquie. « Le Hamas est une importante formation politique qui a participé et remporté les élections » dans la bande de Gaza, a indiqué le président turc Abdullah Gül dimanche.

La crise syrienne aussi a des répercussions sur le mouvement islamiste. Le Hamas aurait en effet entrepris de quitter la capitale syrienne où il s’était installé en 2000-2001, après son expulsion de Jordanie, en août 1999, explique Benjamin Barthe dans Le Monde. Les dirigeants en exil du mouvement, « à commencer par Khaled Mechaal », se sont « redéployés sur Sanaa, Khartoum, Le Caire, Doha ou Amman », selon le journaliste : « Mechaal oscille entre trois capitales : Le Caire, où se joue la réconciliation interpalestinienne [et où les Frères musulmans, proches du mouvement, sont sortis victorieux des élections législatives] ; Doha, où la famille régnante a toujours été prodigue à son égard ; et Damas, où il garde un pied de manière à ne pas insulter l’avenir. »

Tous ces changements ne doivent pas être ignorés, fait valoir Zvi Bar’el dans Haaretz. L’éditorialiste rappelle que les grandes puissances ont refusé d’accepter la victoire du Hamas aux élections de 2006, alors que celles-ci découlaient des accords d’Oslo, tandis que "les offres de coopération du Hamas avec Israël - certes au niveau administratif - ont été écartées d’un revers de main. Estimant qu’on ne peut pas « prolonger l’illusion de conclure une paix séparée avec l’Autorité palestinienne tout en continuant à bombarder Gaza », il appelle l’Etat hébreu à prendre acte des efforts de réconciliation interpalestiniens et à "corriger l’erreur diplomatique commise il y a six ans.