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Le clivage va-t’il devenir abyssal ? (ndlr)

« Les pétro-monarques contre la Ligue arabe »

Mercredi, 25 janvier 2012 - 6h28 AM

mercredi 25 janvier 2012

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Par Louis Denghien, le 24 janvier 2012

Les Séoudiens avaient « tiré les premiers », dimanche 22 juin, en annonçant le retrait de leurs observateurs de la mission de la Ligue arabe en Syrie, manifestant ainsi publiquement leur mécontentement et déception des conclusions à laquelle celle-ci était arrivée, à savoir que le gouvernement syrien avait fait de réels gestes en faveur de l’apaisement, tandis que les insurgés étaient responsables de nombreux actes de violence.

Eh bien, ce mardi 24 janvier, ce sont tous les Etats constituant le « Conseil de coopération du Golfe » qui suivent ce mouvement de retrait, et rappellent leurs observateurs.

Avec l’Arabie Séoudite, ce sont en tout six pétro-monarchies, unies dans leur détestation du modèle laïque nationaliste arabe syrien et de son allié iranien – unies aussi par leur inféodation au protecteur américain – qui claquent la porte : le Qatar, bien sûr, mais aussi le Koweit, les Emirats arabes unis, le Bahrein, Oman.

Une scission virtuelle de la Ligue arabe

C’est un coup de force diplomatique, susceptible de déboucher sur une des plus graves crises qu’ait connue la Ligue arabe : car même si l’état-major de la ligue, Nabil al-Arabi en tête, joue la comédie de l’unité en s’associant à la demande « golfiste » de transfert du dossier « plan arabe » au Conseil de sécurité de l’ONU, un certain nombre d’Etats sont contre cette dérive maximaliste et la prise en otage de la Ligue par les pétro-monarques.

Il faut le répéter, le Liban, l’Irak, Le Soudan, la Mauritanie, l’Algérie, l’Egypte – peut-être aussi la Tunisie et le Yémen – ont manifesté avec plus ou moins de netteté leur réserve ou leur franche opposition à toute ingérence, même arabe, et a fortiori occidentale, dans les affaires intérieures de la Syrie. Même un pays inféodé aux Américains et aux monarchies arabes comme la Jordanie refuse d’appliquer les sanctions économiques, insupportables pour son économie.

Les réticences sont d’autant plus grandes, que tous les gouvernements arabes ont sous les yeux, après l’ »exemple » irakien, celui de la Libye qui, comme c’était prévisible, est entrée dans une période d’instabilité durable. L’échec même de l’intervention à direction américaine en Afghanistan doit aussi jouer dans une décrédibilisation des Etats-unis dans la région. Et l’escalade américaine contre l’Iran participe encore de cette perception négative de l’action de Washington et de ses relais régionaux : l’Amérique, l’Occident traînent sur eux une persistante odeur de guerre, de chaos et d’impérialisme. Et point n’est besoin d’être un inconditionnel de la Syrie baasiste pour le sentir !

Bien des questions se posent après la décision des royautés pro-américaines : quid de la mission d’observation, dont le mandat vient juste d’être prolongée part la Ligue avec des moyens accrus ?

Des Etats vont-ils faire scission de l’organisation pan-arabe, l’accusant de n’être pas assez pro-arabe ?

Quelle attitude commune possible, à plus ou moins long terme, entre la Syrie, le Liban, l’Irak et ces monarchies fondamentalistes sunnites, relais des néo-consevateurs sionistes américains ?

Est-ce que le Conseil de coopération du Golfe n’est pas un monde en soi, qui a peu à voir finalement avec le reste du monde arabo-musiulman ?

Est-ce que le caractère autocratique, sectaire, rétrograde en un mot, de ces royaumes tribaux - qui ne se maintiennent en place que par leurs pétro-dollars et les bases américaines – ne leur interdit pas, en définitive, tout leadership du monde arabe ?

A supposer même que les choses se tassent dans les semaines qui viennent, l’arrivée, fin mars, de l’Irak a la présidence tournante de la Ligue ne va-t-elle pas élargir les fissures entre ceux qui, parmi les Arabes, appellent de leurs voeux l’hégémonisme américain et tous ceux qui le refusent ?

Une chose est sûre : la Ligue arabe avait cru pouvoir subjuguer la Syrie. Et elle risque à présent de se disloquer à cause d’elle.