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Par Abdel Bari Atwan

« Que font les États-Unis dans le Golfe ? »

Lundi, 16 janvier 2012 - 7h21 AM

lundi 16 janvier 2012

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Il y a d’un côté ceux qui soutiennent que l’administration Obama, à la veille d’une bataille féroce électorale avec ses rivaux républicains et face à une grave crise économique, ne peut pas risquer un nouvel embrasement, après s’être brûlé les doigts sur les guerres perdues d’Afghanistan et d’Irak. Mais ne serait-ce pas être aussi rationnel que de conclure qu’en raison de ces éléments justement - la crise économique et l’élection présidentielle - l’administration Obama voudrait peut-être une guerre ?

Pour mieux nous faire comprendre que soutenir Israël et satisfaire à ses exigences pour une destruction des ambitions nucléaires de l’Iran sont un dénominateur commun dans toutes les campagnes électorales des deux grands partis politiques américains. Pour gagner la bonne volonté d’Israël et du puissant lobby juif, un candidat républicain a même menacé d’envoyer des avions et des missiles contre l’Iran pour protéger Israël.

Le président Obama a raccourci ses vacances du Nouvel An et a mis moins de deux jours à reprendre le travail et signer une loi imposant une interdiction de toute transaction avec la Banque centrale de l’Iran. Il a également publié une déclaration dans laquelle il appuie fortement une entente préliminaire européenne pour imposer de sévères sanctions sur les exportations de pétrole iranien. C’est comme s’il voulait, à un tel point, aggraver les sanctions en vigueur qu’il ne pouvait tolérer d’attendre la fin du mois pour signer ce document.

L’Amérique et ses alliés occidentaux ne peuvent pas survivre sans mener des guerres au Moyen-Orient, alors ils inventent des prétextes. Au cours des dix dernières années, ils ont mené trois guerres majeures, en Afghanistan, en Irak et en Libye. Maintenant il semble que le compte à rebours a commencé pour une quatrième guerre, cette fois-ci contre l’Iran, dans les prochaines semaines ou prochains mois.

Il y a trois indicateurs clés communs à chacune de ces guerres précédentes - et montrant qu’une nouvelle est en préparation :

D’abord, l’imposition de négociations israélo-palestiniennes par la force, pour donner l’impression que l’Amérique est engagée à résoudre ce problème. C’est ce que George H.W. Bush a fait quand il a convoqué la Conférence de paix en 1991 à Madrid, afin de justifier son opération « Tempête du désert » contre l’Irak. C’est ce que George W. Bush a fait quand il a lancé des négociations et parlé deux fois d’établir un État palestinien, d’abord à la veille de lancer sa « guerre contre le terrorisme » en Afghanistan, puis avant d’aller occuper l’Irak.

Et maintenant, à la demande de l’Amérique et sous l’initiative jordanienne, sans motif et sans respecter la moindre des exigences palestiniennes de stopper l’activité de colonisation, l’Autorité palestinienne est à nouveau contrainte d’ouvrir des pourparlers avec les Israéliens, alors que les colonies israéliennes connaissent une expansion sans précédent. Et pourquoi ? Parce que ce sont les préparatifs d’une guerre contre l’Iran et peut-être contre la Syrie, le Hamas et le Hezbollah.

Le seconde indicateur a trait à l’achat de systèmes d’armes modernes par les pays du Golfe. Cela équivaut à plus de 130 milliards de dollars sous la forme d’avions et de missiles - bien plus que la capacité de ces pays à les absorber. L’intention ici est de donner une impulsion à l’industrie de guerre américaine, créant des milliers d’emplois pour les chômeurs d’Amérique, ce qui est une façon indirecte de recycler les profits pétroliers des pays du Golfe.

Troisième indicateur : le siège de l’Iran se poursuit par des sanctions et des embargos visant à étouffer économiquement l’Iran et ses alliés et à affamer la population. L’expérience enseigne que tous les embargos imposés par l’Amérique ont présagé une guerre destructrice. Ce fut le cas en Irak, en Libye et en Afghanistan, et nous doutons que l’embargo étouffant imposé sur l’Iran, qui est de plus en plus strict depuis ce mois-ci, puisse être une exception.

Nous assistons maintenant à une guerre de communiqués sur les eaux du Golfe arabe. L’Iran mène des exercices navals et teste de nouveaux systèmes d’armes qui incluent des missiles à moyenne et longue portée. Washington a réagi en mettant en garde l’Iran contre de graves conséquences s’il donnait suite à sa promesse de fermer le détroit d’Ormuz, et considère la menace de Téhéran de fermer le détroit comme un signe de faiblesse - comme si les États-Unis incitaient l’Iran à aller jusque-là.

L’administration américaine, qui a certainement élaboré des plans pour mener cette guerre avec la coopération de son allié la Grande-Bretagne, est à la recherche de la « détente ». Qu’il s’agisse de plans pour mener une guerre réelle ou de plans pour une guerre d’ordre psychologique, les États-Unis sont le grand gagnant. D’une façon ou d’une autre, ils ont réussi dans leurs efforts pour augmenter la crainte dans les petits États du Golfe, dont les poches et les caves sont remplies de milliards de dollars avec lesquels ils peuvent acheter des armes pour soutenir des économies qui risquent l’effondrement, comme aux États-Unis et en Europe.

Hillary Clinton, ingénieur en chef de la politique étrangère américaine et de ses dernières guerres dans la région, affirme qu’elle ne permettra pas à l’Iran d’acquérir des armes nucléaires, afin, dit-elle, de prévenir une course aux armes nucléaires dans la région entre des pays comme l’Égypte, la Turquie et l’Arabie saoudite. Mais on peut répondre à cette justification en demandant pourquoi il n’est pas question de course aux armements nucléaires lorsque c’est Israël - plus dangereux pour la nation arabe que ne l’est l’Iran, et qui continue d’occuper des terres arabes et des lieux saints - qui s’équipe de telles armes ?

Nous pouvons même voir un certain avantage à une course aux armements dans la région en ce qu’elle coûterait beaucoup moins cher que d’acheter des armes américaines. En outre, elle constituerait un bouclier dissuasif en faveur des peuples arabes face aux menaces à la fois iraniennes et israéliennes.

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* Abdel Bari Atwan est palestinien et rédacteur en chef du quotidien al-Quds al-Arabi, grand quotidien en langue arabe édité à Londres. Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des analystes les plus pertinents de toute la presse arabe.

Source : Info-Palestine