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Opinion parue dans Ha’aretz (ndlr)

Maintenant c’est votre tour (par Avraham Burg)

Lundi, 9 janvier 2012 - 10h59 AM

lundi 9 janvier 2012

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dimanche, 8 janvier 2012 / Avraham Burg

Maintenant c’est votre tour [1]

J’ai écouté très attentivement le discours que la droite tient aujourd’hui. Certains orateurs expriment des remords, d’autres se demandent "Qu’est-ce qui nous est arrivé ?" pendant que d’autres encore se lamentent toujours : "Ils sont contre nous, ces jeunes qui se révoltent."

Ils ont un dénominateur commun : la gauche, un terrible et sombre ennemi, cause de tout ce qui a mal tourné pour eux. Un diable rusé et insaisissable qui contrôle les médias, le Bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahou et la diplomatie mondiale. S’il n’y avait pas la gauche, toutes leurs bonnes mesures auraient été comprises par tous. Ces voyous se plaignent car nous donnons d’eux une image misérables. Il serait intéressant de voir combien de temps encore ils auront peur de cet épouvantail qui n’impressionne plus que lui- même.

Pendant la plus grande partie de ces 30 dernières années, la droite a dirigé le gouvernement, le Parti travailliste ne l’ayant conduit que pour de très courtes périodes. Le Parti travailliste historique n’aurait jamais accepté que les Israéliens lui préfèrent le Likoud et ses satellites. Il n’aurait jamais accepté de renoncements pour faire partie du gouvernement et de devenir la feuille de figuier par excellence [2] , le certificat de cacherout des échecs de la droite dans tous les domaines - et le purificateur en chef de toutes ses vermines.

Très généreusement, Ehud Barak, a décidé de porter au Parti travailliste le coup de grâce et d’envoyer ses anciens collègues se rasseoir sur les bancs de l’opposition. Seul le temps dira s’ils vont y retrouver leur esprit et leurs valeurs. Une chose est claire : le gouvernement Netanyahu actuel ne comprend aucun produit dérivé de gauche, ni ne subit aucune influence d’un parti de gauche. Ils sont là, seuls. Toute cette saleté leur appartient et ils doivent la nettoyer tout seul. Voilà à quoi ressemble un parti de droite quand il n’a pas une baby-sitter fatiguée. C’est leur coalition de rêve –législation de droite, nationalisme étriqué et économie sans pitié. C’est ce qu’ils sont. C’est ce que la nation a élu et c’est ce qu’ils ont eu.

Nous ne devons pas les déranger. Laissons-les aller jusqu’au bout, jusqu’à la fin de leur législature et jusqu’au bout de leur vision politique. Qu’ils légifèrent seuls !

Non seulement il faut nous interdire d’intervenir mais on doit s’abstenir de toute sorte de rapport avec eux. Quand ils soumettront leurs lois stupides au vote, il faudra refuser de participer au scrutin. Qu’ils ne puissent pas dire qu’ils ont adopté une législation par une majorité qui l’a emporté sur une minorité. On ne doit pas collaborer avec ce spectacle de la démocratie qui consiste à se mettre un bandeau sur les yeux. Ces votes à la Knesset doivent se dérouler sans aucune présence de la minorité, seulement avec le dictat de la droite religieuse.

L’opposition ne doit plus prendre d’initiative pour la paix ; cela ne ferait qu’aggraver la situation. Cela pourrait faire croire, ici ou à l’étranger, que la situation actuelle est provisoire, qu’il est encore possible de remettre les génies engraissés dans leur petite bouteille. Mais ce ne serait qu’une tromperie cynique parce ce n’est pas possible, parce que nous avons franchi toutes les lignes rouges et tous les points de non-retour.

Jusqu’à présent, nous qui voulons la paix, errions à travers le monde, répandant l’espoir qu’il y aurait bientôt des solutions, alors que sur le terrain le gouvernement s’activait à créer des faits les rendant impossibles. Avec le temps, notre discours semblait victorieux (Netanyahu a dit « deux Etats ») alors qu’il était mort. Leurs actions l’ont remporté et ont presque tué chacun d’entre nous.

Alors finies les illusions. Il n’y a plus deux Etats entre le Jourdain et la mer. Laissons les députés de droite, les Katz [3] et les Elkin [4] , voyager autour du monde en montrant la beauté de leurs visages sans la couche de maquillage trompeuse que nous leur avons gracieusement fournie.

En attendant, nous devons examiner comment nous pouvons entrer dans le nouveau discours israélien ; il a un potentiel machiavélique. Les diplomates vont remplacer l’expression « deux Etats pour deux peuples » par une formulation de type civique : toutes les personnes entre le Jourdain et la mer ont le même droit à l’égalité, de justice et de liberté. En d’autres termes, il est tout à fait probable qu’il n’y aura qu’un seul Etat entre le Jourdain et la mer - ni le nôtre, ni le leur, mais un Etat commun. Il est très probable que ce soit un pays manifestement pas démocratique, avec des discriminations nationalistes, racistes et religieuses. Quelque chose de pas différent de ce qui existe aujourd’hui. Une entité ayant une base commune pour au moins trois partenaires : une droite idéologique déjà prête à étudier sa faisabilité ; une gauche, dont une part est en train de se libérer des illusions de « juif et démocratique », et une part non négligeable de l’intelligentsia palestinienne.

Le cadre conceptuel sera convenu - un Etat démocratique qui appartient à tous ses citoyens. Sa mise en pratique pourrait être un terrain fertile pour les conflits et pour la créativité. C’est une opportunité qui vaut le coup d’être saisie, malgré notre immense expérience à manquer chaque occasion et à en accuser tout le monde sauf nous-mêmes.

Version anglaise disponible sur : http://www.haaretz.com/print-editio...

Traduction de l’anglais et notes : MO

[1] Titre original בדרך למדינה אחת ל-2 עמים (Dans un Etat pour 2 peuples) http://www.haaretz.co.il/opinions/1...

[2] En français on dirait plutôt "une bonne poire"

[3] Israël Katz, ministre israélien des Transports (Likoud), a déclaré le 23 décembre 2011 : "Israël doit imposer sa souveraineté sur toutes les localités juives en Judée-Samarie".

[4] Le 22 septembre 2011 Ze’ev Elkin, député du Likoud a déclaré qu’Israël devait saisir l’occasion de la revendication palestinienne à l’ONU pour annexer la Cisjordanie

Source : UJFP