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Accueil > NAKBA > Le district de Haifa (n° 5 de notre série de 14 districts) > District de Haifa : Qisarya (Césarée)

Et si on parlait de la Nakba ! (numéro 5)

District de Haifa : Qisarya (Césarée)

Samedi 26 novembre 2011 - 10 h 00

samedi 26 novembre 2011

« L’ endroit s’appelle Césarée. Caesarea. Il n’y a plus rien à voir » Marguerite Duras

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al NAKBA

(la catastrophe)

Si nous ouvrons aujourd’hui une nouvelle rubrique intitulée al NAKBA, c’est notamment pour éviter que tous les pernicieux efforts de l’Etat d’Israël pour faire disparaître ce terme de la mémoire de l’humanité aboutissent. Il serait, en effet, dommageable pour l’Histoire que soient « oubliés » les moments tragiques que connut le peuple palestinien, notamment en 1947-1948, période durant laquelle se déroulèrent les événements ayant donné lieu à cette appellation qui se passe de commentaires, les faits étant là pour en témoigner.

Les faits

Faits significatifs précédant la période dénommée Nakba par les Palestiniens

1917 : Le ministre des affaires étrangères du Royaume Uni, sir Arthur James Balfour, déclare envisager "favorablement l’établissement d’un foyer national pour le peuple juif". L’armée britannique occupe la Palestine et facilite l’entrée et l’installation d’immigrés étrangers armés, créant, de fait, une situation de colonisation.

1922 : La S.D.N (Société des Nations devenue O.N.U) entérine la déclaration Balfour en confiant au Royaume Uni un mandat sur la Palestine. Cette reconnaissance provoque une intensification de la résistance des Palestiniens à l’occupation britannique et à son soutien à l’ établissement de l’Etat d’Israël.

1936-1939 : Un soulèvement majeur et massif marque le point culminant de la double résistance des Palestiniens contre l’occupant britannique et le Mouvement sioniste : "Grande grève", boycott de l’Etat, contrôle des zones rurales par des maquisards ; forte répression par l’armée britannique cantonnée essentiellement aux frontières et qui "réoccupe" plus de 700 villages.

1939-1945 : Seconde guerre mondiale et génocide nazi contre les juifs

Période Nakba

29/11/1947 : L’ONU vote un plan de partition de la Palestine toujours placée sous mandat britannique. Dès le lendemain, le 30 novembre, les affrontements deviennent de plus en plus violents entre les communautés palestinienne et juive ; cette dernière, puissamment armée et soutenue par une opinion internationale encore traumatisée par le tragique sort réservé aux juifs par les nazis, attaque, dévaste, villes et villages palestiniens, harcelant et forçant la population à fuir et c’est ainsi qu’environ 800 000 Palestiniens sont conduits à prendre la route de l’exil.

14/05/1948 : Fin du mandat britannique et proclamation de l’Etat d’Israël contre la volonté des Palestiniens et des Etats arabes voisins. Dès le lendemain, la première guerre israélo-arabe éclate mais 80% de la population de la Palestine est déjà expulsée. Israël déclarera « absents » les propriétaires palestiniens réfugiés dans les pays arabes voisins, ce qui permettra la mainmise de l’Etat sur 90% des terres et possessions palestiniennes après que plus de quatre cent villages ont été rasés.

Ces événements constituent le cœur même de cette tragédie que les Palestiniens ont dénommée Nakba et, au vu et au su de tous les crimes perpétrés durant cette période envers ce peuple martyr par l’occupant toujours présent 63 ans après l’envahissement, on comprend les raisons qui poussent Israël à tenter de faire oublier ce sinistre épisode qui d’ailleurs se prolonge sous d’autres formes plus perverses encore jusqu’à aujourd’hui.

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Les informations fournies dans les articles de cette nouvelle rubrique proviennent du remarquable ouvrage "All that remains : The palestinian villages occupied and depopulated by Israel in 1948" (ed. Walid Khalidi )- Traduction : Philippe Lewandowski.

L’ouvrage édité par Walid Khalidi et publié en 1992 (second tirage : 2006) par
the Institute for Palestine Studies (Washington, D.C.) recense, district par district,
l’ensemble des 418 villages qui ont disparu de la carte.

Nous nous proposons
d’en publier des extraits permettant de faire connaître aux lecteurs francophones
la réalité de la Nakba (c’est-à-dire la catastrophe), nom donné par les Palestiniens
à l’évènement tragique dont le gouvernement israélien, dans une vaine tentative
d’effacer l’histoire réelle, prétend même interdire la commémoration.

Pour chacun
des 14 districts traités, nous reproduirons la liste de tous les villages concernés avec
leur population estimée en 1944/45, et en traduisant entièrement l’article consacré à
l’un d’entre eux.

Les Palestiniens aussi ont droit à leurs livres du souvenir.

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Les districts de la Palestine avant 1948

Le district de Haifa

Les villages détruits du district

Abu Shusha (720 habitants) ; Abu Zurayq (550) ; ‘Arab al-Fuqara (310) ;
‘Arab al-Nufay’at (820) ; ‘Arab Zahrat al-Dumayri (620) ; ‘Atlit (660) ;
‘Ayn Ghazal (2.170) ; ‘Ayn Hawd (650) ; Balad al-Shaykh (4.120) ; Barrat
Qisarya (?) ;
Burayka (290) ; al-Burj, Khirbat (?) ; al-Butaymat (110) ; Daliyat al-Rawha’
(600) ;
al-Damun, Khirbat (340) ; al-Ghubayya al-Fawqa (1.130) ; al-Ghubayya al-Tahta
(1.130) ;
Hawsha (580) ; Ijzim (2.970) ; Jaba’ (1.140) ; al-Jalama (?) ; Kabara (120) ;
al-Kafrayn (920) ; Kafr Lam (340) ; al-Kasayir, Khirbat (?) ; Khubbayza (290) ;
Lid, Khirbat (640) ; al-Manara, Khirbat (?) ; al-Mansi (1.200) ; al-Mansura,
Khirbat (?) ;
al-Mazar (210) ; al-Naghnaghiyya (1.130) ; Qannir (750) ; Qira (690) ; Qisarya
(1.120) ;
Qumbaza, Khirbat (?) ; al-Rihaniyya (240) ; Sabbarin (1.700) ; al-Sarafand
(290) ;
al-Sarkas, Khirbat (?) ; Sa’sa’, Khirbat (130) ; al-Sawamir (?) ; al-Shuna, Khirbat
(?) ;
al-Sindiyana (1.250) ; al-Tantura (1.490) ; al-Tira (5.270) ; Umm al-Shawf (480) ;
Umm al-Zinat (1.470) ; Wa’arat al-Sarris (190) ; Wadi ‘Ara (230) ; Yajur (610).

Le district d’HAIFA

Le village de Qisarya (Césarée)

Le village avant 1948

Le village était situé sur la côte dans l’enceinte en ruine d’une ancienne ville
portuaire, originellement appelée la Tour de Strato. Qisarya est la forme arabisée
de Césarée, le nom de la ville romaine ayant succédé à la Tour de Strato. La
première ville avait été fondée par Strato, roi de Sidon à la fin du quatrième siècle
avant J.-C., en tant que colonie commerciale phénicienne. Hérode le Grand (mort
en 4 avant J.-C.) construisit la ville nommée Césarée (du nom de son souverain,
Auguste César) entre 22 et 10 avant J.-C. Elle devint un port prospère sous les
Romains et le demeura sous Byzance. (De récentes fouilles sous-marines dans le
port ont révélé qu’elle était un chef d’œuvre de construction portuaire.) Ce fut le
site de la première conversion non juive au christianisme (Actes des apôtres, 10).

Dès le troisième siècle, elle fut un centre d’études chrétien, grâce à la présence et
à la bibliothèque d’Origène (mort vers 254) . Ce fut Eusèbe de Césarée qui établit
la première liste utile des noms de villes de Palestine, intitulée Onomasticon.

Césarée passa aux mains des Arabes vers 640 et fut l’objet d’une grande
attention par les géographes et les chroniqueurs arabes et musulmans. Al-
Ya’qubi (mort en 897) dit qu’elle fut la dernière ville prise lors de la conquête
arabe. Nasir Khusraw, écrivant en 1047, la décrivait comme une jolie ville, avec
des cours d’eau, des palmiers, avec une belle mosquée depuis laquelle les
croyants pouvaient bénéficier d’une vue de la mer, et une muraille formidable.
La ville était également l’habitat de nombreuses personnalités arabes célèbres,
notamment de ‘Abd al-Hanib al-Katib (mort en 750), le fameux rhétoricien et
homme de lettres. Toutefois la fortune de Qisarya semble avoir décru par la
suite. Yaqut al-Hamawi (mort en 1228) disait qu’elle ressemblait plus à un village
qu’à une ville. Les croisés commencèrent par la piller, puis ils construisirent un
port et firent de la ville le siège d’un archevêché, jusqu’à ce qu’elle soit prise et
rasée par le sultan mameluk Baybars (1233-77).
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Césarée ne se releva qu’en 1878, lorsque des musulmans de Bosnie s’y établirent après avoir échappé à
l’occupation autrichienne de leur pays. Oliphant, un militant et mystique sioniste
anglais, dit que cinq mois après leur arrivée, les immigrants bosniaques avaient
construit vingt maisons de pierre avec des caves et des pièces d’emmagasinage.

En 1945, la population arabe de Qisarya était composée de 930 musulmans
et de 30 chrétiens . Le contour général du village était parallèle au rivage, en
s’étendant du nord au sud. Qisarya (Césarée) 140 Ses maisons étaient faites de pierres liées soit avec
de la boue soit avec du ciment ; toutefois quelques bédouins vivaient dans des
tentes dans les alentours de Qisayra. La grande route côtière passait environ 4
km à l’est. Une école primaire de garçon fut fondée dans le village vers 1884,
pendant la domination ottomane. Les habitants du village tiraient l’eau à usage
domestique de plusieurs puits. Leur économie était basée sur l’agriculture.

En 1944/45, 18 dunums (1 dunum = 919 m²) étaient dévolus aux citrons et
aux bananes, et 1.020 dunums étaient alloués aux céréales ; 108 dunums
étaient irrigués ou occupés par des vergers.

Grâce à des fouilles récentes, de
nombreuses ruines de Césarée sont maintenant visibles. Elles comprennent les
aqueducs haut et bas de la ville, le théâtre, des parties de remparts (à la fois des
périodes romaine et byzantine), l’hippodrome, des caves d’entrepôts dans le port,

et la dernière forteresse des croisés.

Occupation et nettoyage ethnique

Selon l’historien israélien Benny Morris, « Césarée fut la première expulsion
pré planifiée et organisée d’une communauté arabe par la Haganah en 1948. »

Le village fut pris par une unité du Palmach le15 février et ses habitants
« s’enfuirent ou furent forcés de partir », bien que certains se fussent déjà enfuis
par crainte d’une attaque. Lorsque vingt villageois insistèrent pour demeurer dans leurs maisons après même la prise du village, une unité du Palmach détruisit les
habitations du village le 20 février. La décision de détruire les maisons fut prise
au début février lors d’une réunion du grand quartier général de la Haganah.
Mais Morris affirme que les maisons étaient des propriétés juives louées par des
Arabes de l’Association pour la Colonisation Juive de la Palestine (Palestine
Jewish Colonisation Association, PICA), et que l’officier du Palmach à la tête des
opérations, Yitzhak Rabin, n’était pas d’accord avec la décision de détruire le
village. Un dirigeant de l’aile gauche du Mapam fit également objection, disant
que les villageois « avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir pour maintenir
la paix à l’intérieur et aux alentours de leur village… » Trente maisons furent
détruites ; six furent épargnées en raison du manque d’explosifs. Les démolitions
eurent lieu dans le contexte général de nettoyage de la plaine côtière au nord de
Tel Aviv dans les premiers mois de 1948.

Implantations israéliennes sur les terres du village

Le kibboutz de Sedot Yam fut établi sur ce qui était traditionnellement
un territoire du village en 1940, à 1 km au sud du site du village. Une autre
implantation, Or ‘Aqiva, fut fondée au nord-est du village en 1951 ; c’est
maintenant une petite ville de plus de 7.000 habitants en expansion sur les terres
du village. La localité israélienne de Qesayra fut reconnue par le gouvernement
israélien en 1977.

Le village aujourd’hui

La plupart des maisons ont été démolies. Le site a été fouillé ces dernières
années par des équipes italienne, américaine et israélienne, et s’est transformé
en aire touristique. La plupart des quelques maisons restantes sont maintenant
des restaurants, et la mosquée du village a été convertie en bar.

Pour en savoir plus : en anglais http://www.palestineremembered.com/...
en arabe http://www.palestineremembered.com/..., sur le site palestineremebered

Images : Palestineremembered.com