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Contagion (ndlr)

Djibouti : répression tous azimuts

Samedi, 5 novembre 2011 - 19h31

samedi 5 novembre 2011

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La FIDH et son organisation membre à Djibouti, la LDDH, dénoncent la répression illégale de toutes les voix qui protestent contre le mode de gouvernance des autorités : multiplication des arrestations et détentions arbitraires, pratique de la torture, liberté d’expression niée...

Nos organisations exhortent les autorités djiboutiennes à mettre un terme à ces pratiques contraires aux engagements de l’État djiboutien et à relâcher dans les plus brefs délais les prisonniers politiques.

Six mois après l’élection présidentielle qui a vu le président Omar Guelleh reconduit pour un troisième mandat après une élection-mascarade, le bilan de la répression post-électorale s’alourdit de semaines en semaines. Ainsi, le 16 octobre dernier, plusieurs dizaines de jeunes diplômés chômeurs issus de l’Université de Djibouti ont été interpellés lors d’une manifestation à la Place Lagarde à Djibouti-ville appelant à une politique sociale d’emploi. Placés en garde à vue au centre de rétention de Nagad, 32 des jeunes interpellés ont été déférés devant la justice et placés aussitôt sous mandat de dépôt à la prison centrale de Gabode. Le verdict a été mis en délibéré et devrait intervenir dans les prochains jours.

« Le gouvernement djiboutien doit procéder à la libération immédiate de tous les jeunes et tous les prisonniers politiques qui sont actuellement emprisonnés à Djibouti. Le gouvernement à l’obligation de se conformer aux engagements pris en matière de protection des droits humains » a déclaré Jean-Paul Noël Abdi, président de la LDDH.

Le 18 septembre 2011, quatre prisonniers politiques, MM.Hassan Amine, Ismaël Hassan Aden dit Madheedh, Ismaël Abdillahi Doualeh dit Sitiin et Abdi Osman dit Indabuur, ont entamé une grève de la faim pour protester contre leur arrestation et détention arbitraire depuis le 8 août, sous l’accusation fallacieuse de « participation à une insurrection armée ». M. Hassan Amine, qui est membre de la direction du Parti djiboutien pour le développement (PDD), a été arrêté à son domicile à Randa [1]. Il serait en réalité poursuivi pour avoir rendu visite à des prisonniers politiques et en particulier d’avoir fourni des médicaments à Mohamed Ahmed dit Jabha, privé de soins ; pour avoir dénoncé des arrestations arbitraires et tortures de civils dans le Nord du pays ; et enfin pour avoir joué un rôle actif dans l’organisation de la manifestation de 18 février 2011. Ismaël Hassan Aden dit Madheedh, qui est militant du PND, serait poursuivi pour son rôle, très actif, dans la mobilisation pacifique contre le pouvoir. Il aurait été torturé lors de sa détention par des gendarmes. Ismaël Abdillahi Doualeh dit Sitiin, distribuait le seul journal d’opposition, La République, journal du parti PND d’Aden Robleh Awaleh. Il était constamment harcelé par la police et aurait été torturé à la Section de Recherche et de Documentation (SRD). Abdi Osman dit Indhabuur, cadre de l’Union pour la Démocratie et la Justice (UDJ), a été arrêté en février 2011 à la suite de la grande manifestation,en raison de son rôle dans cette mobilisation. Il aurait lui aussi été torturé par des agents de la gendarmerie.

Depuis les grandes manifestations de février 2011 critiquant les manipulations constitutionnelles permettant au président sortant de briguer un troisième mandat et appelant à plus de liberté, la prison de Gabode et les geôles du régime ne désemplissent pas : opposants, défenseurs des droits de l’Homme, syndicalistes et autres citoyens ordinaires sont arbitrairement arrêtés, jetés en détention et souvent torturés. Outre les 4 grévistes de la faim, la prison centrale de Gabode, est le lieu de détention d’une vingtaine de prisonniers politiques tels que :

Mohamed Ahmed Abdillahi, frère de l’opposant Mahdi Ahmed Abdillahi (mort le 14 avril 2009 à la prison centrale de Gabode), interpelé en mars 2009 à Djibouti-ville torturé et condamné à 5 ans de prison en juin 2010 ;

Mohamed Hassan Robleh, militant du Mouvement pour le renouveau Démocratique (MRD), et Adan Mahamoud Awaleh, interpellés le 25 février 2011 à Djibouti-ville et torturés ;

Hamoud Elmi Ahmed dit Gedaleh, militant de l’Union pour la démocratie et la Justice (UDJ), interpellé en février 2011 et torturé ;

Mohamed Ahmed dit Jabha du Front pour la restauration de l’unité et la démocratie (FRUD), interpelé en mai 2010 au nord du pays et torturé ;
Zakaria Awaleh, Mahdi Abdillahi, Zeinab Mohamed Robleh, Idriss Mohamed Robleh et leur père Mohamed Robleh, interpellés le 16 septembre 2011 pour avoir manifesté leur opposition en présence du président Guelleh dans la ville d’Ali-Sabieh au sud du pays où le président possède une résidence secondaire. Ils ont eux aussi été torturés ;

Ahmed Aidahis, pasteur nomade, interpellé début 2011 et accusé de soutien au FRUD a été violemment torturé et remis en liberté depuis lors ;

A ces personnes, s’ajoutent 58 autres, qui ont été interpellées le 16 septembre 2011 lors de la manifestation d’Ali-Sabieh contre le président Guelleh. Détenues au poste de police de Galilé à la frontière avec l’Éthiopie pour avoir crié spontanément « mort à la dictature » sur le passage du président de retour de la mosquée, elles ont été libérées depuis lors.

La situation des défenseurs des droits de l’Homme demeurent aussi en suspens. Ainsi, M. Jean-Paul Noël Abdi et M. Farah Abadid Hildid, respectivement président et membre de la LDDH, qui avaient été arrêtés le 5 février 2011, et accusés de "participation à un mouvement insurrectionnel", sont toujours en attente de jugement. Ils encourent jusqu’à quinze ans de réclusion criminelle et une amende de 7 000 000 Francs djiboutiens [2] M. Farah Abadid Hildid, en liberté provisoire depuis le 23 juin 2011, a été torturé entre le 5 et 9 février 2011 par des membres de la SRD.

« Cette répression systématique contre les opposants et la population doit cesser » a déclaré Me Sidilki Kaba, président d’Honneur de la FIDH. « L’usage systématique de la torture contre les opposants politiques et les défenseurs des droits de l’Homme est une honte pour Djibouti et une pratique d’un autre temps. Les auteurs de ces tortures devront être poursuivis » a-t-il ajouté.