Accueil > Sociétés Civiles à Parlement Européen > Yémen-Bahreïn : l’Arabie Saoudite fait la loi, l’Oncle Sam (...)

La poudrière (ndlr)

Yémen-Bahreïn : l’Arabie Saoudite fait la loi, l’Oncle Sam laisse faire

jeudi, 6 octobre 2011 - 9h02 AM

jeudi 6 octobre 2011

=============================================

Secoués par des vagues de manifestations depuis le début du printemps, Yémen et Bahreïn sont depuis des années le terrain de jeu politique et économique du géant saoudien qui y fait régner sa loi autoritaire, manipule les désordres, rétablit l’ordre pour mieux empêcher toute velléité démocratique qui serait préjudiciable au royaume saoudien. A part quelques communiqués, les Etats-Unis entièrement consacrés à lutter contre tous les Al-Qaïda de pacotilles laissent faire.

Hésitant dans un premier temps entre la guerre civile et une transition pacifique, malgré une trêve réclamée par le vice-président Abd Rabo Mansour Hadi, le Yémen a sombré dans le chaos. Les affrontements dans la capitale yéménite entre les troupes loyales au président Saleh, blessé dans le bombardement de son palais après dix jours d’affrontements, et les opposants ont fait 76 morts en trois jours.

Ce regain de violences survient malgré le cessez-le-feu, annoncé mardi dans les combats entre partisans et opposants au président Ali Abdallah Saleh. La « Place du Changement » de la capitale, où plusieurs milliers de personnes campent depuis huit mois pour réclamer le départ du président Ali Abdallah Saleh, a pris des faux airs de Place des martyrs. Selon Reuters, les manifestants affirment être prêts à donner leur vie pour ne pas laisser mourir le mouvement lancé en mars.

Huit mois après le début de la contestation, toute tentative de conciliation finit dans un bain de sang. Déjà au mois de mai, le président Saleh avait attaqué les demeures de ses principaux opposants. Aujourd’hui, le même scénario se répète.
Absent de son pays depuis trois mois, isolé diplomatiquement, Abdallah Saleh tient encore le pouvoir par l’intermédiaire de ses fils, neveux qui contrôle les services de sécurité du régime et quelques chefs de tribus qui lui font toujours allégeance.

A force jouer avec le feu...

Mais c’est surtout l’Arabie Saoudite pour laquelle le Yémen constitue une question de politique intérieure qui tire les ficelles. C’est notamment là que Riyad puise sa main d’œuvre, ce qui explique que le royaume a longtemps tenu les rênes d’un des pays les plus pauvres de la région. L’Arabie saoudite a eu recours à la "diplomatie du dollar" pour entretenir des rapports de bonne entente avec les chefs de tribus et influer sur le cours des événements au Yémen.

La détérioration de la situation a contraint l’Arabie saoudite à changer son fusil d’épaule.
A l’origine du plan de sortie de crise du Conseil de Coopération des Etats arabes du Golfe, engagée dans une partie de billard à plusieurs bandes, Riyad a désormais des alliés dans tous les camps. Si l’opposition civile lui échappe, le royaume entretient des relations étroites avec la famille Al-Ahmar, à la tête de la rébellion tribale, mais aussi la principale fédération de tribus des Bakil et le parti Al-Islah proche des frères musulmans.

Jusque là, l’Arabie Saoudite gardait le président Saleh au « frais », toujours disponible en cas d’un ultime retournement de situation. Alors que la violence redouble, le président Saleh a fait un retour surprise au pays ce vendredi matin. Encore un tour sorti du chapeau saoudien ? Alain Chouet, orientaliste et ancien membre de la DGSE, décrit les effets pervers des manipulations saoudiennes dans son livre Au cœur des services spéciaux, : « L’Arabie Saoudite a de tout temps joué contre le gouvernement central yéménite en s’appuyant sur les tribus sunnites de l’est et du Nord-Yémen, en stimulant leur contestation religieuse contre les familles Zaydites au pouvoir à Sanaa ; dont celle du président Ali Abdallah Saleh. A force de jouer avec les allumettes, les saoudiens ont mis le feu en créant un pôle de contestation sunnite plus fondamentaliste qu’ils le sont eux-mêmes. La créature a complètement échappé à ses maîtres au point que maintenant, non contente de se révolter contre le pouvoir central du Yémen, elle se retourne contre les Saoudiens ».

De là à penser que Riyad pourrait favoriser l’émergence d’un régime démocratique. Le Royaume n’aurait rien à y gagner sinon la perte de son influence.

Gouverné par une dynastie sunnite et peuplé à 75% de chiites, la tension est à son comble dans le minuscule royaume et ne cesse de monter à l’approche des élections partielles, que l’opposition a appelé à boycotter. Dépourvu de ressources naturelles, sinon quelques puits de pétroles en phase d’épuisement, Bahreïn puise ses richesses dans un système bancaire qui fait la joie des saoudiens qui en font leurs arrière cuisines financières.

Là non plus, hors de question pour Riyad de laisser les choses dégénérer, laisser un semblant de démocratie s’installer et prendre le risque de voir sa place financière lui échapper. Pendant que l’Oncle Sam proclame son soutien à tous les printemps arabes, l’Arabie saoudite, allié économique et stratégique indispensable des Etats-Unis dans la région, renforçait encore mercredi sa présence militaire dans le pays. Des membres des Forces spéciales et des véhicules blindés ont franchi le pont qui sépare l’Arabie saoudite à Bahreïn, en prévision des nouvelles manifestations qui doivent se tenir vendredi. Selon Intelligence Online, c’est un néo-colonialisme dinédit qu’expérimente l’Arabie Saoudite en territoire Bahreïni. Pour rétablir l’équilibre démographique vis à vis des chiites, la monarchie sunnite naturalise des Saoudiens à marche forcée pourqu’ils deviennent les nouveaux citoyens bahreïnis. Et une base militaire, principalement constituée de soldats saoudiens sera prochainement construite alors que le royaume avait, depuis mars, envoyé plus de 1000 soldats pour défendre le président Saleh. Ici, aucun Obama pacificateur, ni BHL de circonstances pour monter au front.

Les liens du pétrole sont impénétrables…

Pendant les manifestations, Washington combat les avatars d’Al-Qaïda
Tout à son obsession sécuritaire et son souci de s’implanter durablement dans la région, Washington privilégie toujours la guerre contre le terrorisme.

Le Washington Post révélait mercredi que l’administration Obama avait commencé la construction de bases secrètes de drones au Yémen et en Somalie pour mener ses opérations terroristes dans le cadre d’une nouvelle campagne contre Al-Qaïda. Le projet vise à créer un « bouclier » anti Al-Qaïda dans la Corne de l’Afrique.

L’instrumentalisation de la menace AQPA (Al-Qaïda dans la Péninsule Arabique, qui n’a aucune relation organisationnelle avec Al Qaïda en Afghanistan sinon que d’y puiser une forme de « crédibilité »), largement surestimée consciemment par le président Saleh, qui craignait bien plus les yéménites du sud, a toujours valu au Yémen une assistance massive financière et militaire de la part des Américains. Apparemment, la ressource est loin de se tarir.

Source : Marianne 2