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L. Mazboudi / M. Bishara / R. Fisk

Trois réactions au discours d’Obama à l’ONU

Dimanche, 25 septembre 2011 - 9h02 AM

dimanche 25 septembre 2011

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L’outrage d’Obama et le silence des Arabes

L.Mazboudi - Al Manar

On dit beaucoup de choses sur le rejet du président américain Barak Obama de l’adhésion d’un état palestinien à l’Onu.

On dit que les Israéliens sont énormément satisfaits : qu’il n’y jamais eu un président américain aussi « sioniste »(Yediot) ; que son discours est « une médaille d’honneur » ( Netanyahou) ; que « c’est le meilleur discours qu’il n’ait jamais prononcé » (Liebermann) ; « comme s’il avait été envoyé par fax du bureau de Netanyahou... qu’il a adopté à la lettre le récit narratif d’Israël, celui d’un peuple menacé dans son existence par ses voisins, qui portent les souffrances de milliers d’années et de la Shoah » (Yediot aussi) ; qu’ « Obama a dit aux Israéliens ce qu’ils voulaient entendre » (Jerusalem Post) , qu’il est désormais « l’ambassadeur d’Israël aux Nations Unies » (le conseiller de Netanyahou, Ron Dermer) ; qu’ « il a dit aux Palestiniens que sa main est tendue vers Israël et non vers eux ».

Et puis, pour couronner le tout, il y a eu du côté du lobby sioniste américain, l’intronisation du président américain faite par le journal « New York Magazine » : « Obama le premier président juif », l’illustrant dans une photo montée avec kipa...

Et puis on dit un peu poins de choses du côté palestinien. Entre autre : que « c’est le pire discours américain sur le conflit arabo-israélien » (Zakaria AlAgha, membre du Fatah), qu’il suscite l’écœurement et la colère » (l’éditorial AlAyyam) ; que « l’Amérique est la tête de serpent (slogan des manifestants de Ramallah) ; que « 42 vetos américains à l’ONU ont permis à Israël de continuer à imposer l’apartheid dans la région » (responsable du ministère de l’information palestinien) ; qu’Obama se comporte comme " un colon israélien...

Mais force est de constater que du côté arabe, on ne dit rien.

Dans la presse, AsSafir a qualifié le discours dans les termes suivants « le plus hypocrite et le plus sournois... le plus conciliant pour Israël dans l’histoire opportuniste d’Obama...qu’Obama est un soldat dans l’armée israélienne ». Chez le journal AlHayat, l’accent a été mise tout gentiment sur « la déception arabe qui est peu dire face aux positions américaines partiales à Israël, et que les Etats-Unis doivent être conscients qu’il y a un lien entre la cause palestinienne et la dignité arabe ». Un autre article du journal pro saoudien qualifie de « blessure » la menace d’Obama de recourir au veto, et « d’humiliation », son ralliement à la position israélienne.

Mais, au niveau officiel, c’est un silence de mort. Aucun des présidents, monarques, émirs, des ministres des affaires étrangères ou des ambassadeurs, présents dans la tribune internationale ou ailleurs n’a soufflé mot à Obama .

Seule la Ligue arabe s’est prononcée, et aurait mieux fait de se taire.

Se contentant de répéter des positions aussi caduques qu’impuissantes. « La position des Etats-Unis est injuste, elle encourage l’extrémisme israélien, elle soutient la victime contre le bourreau, elle fait perdre à Washington sa crédibilité, et consolide l’extrémisme dans la région », a-t-elle dit par la voix de son vice-président, Mohammad Sobhi...on constate qu’il évite de s’adresser d’affront à Obama ! Et Sobhi ose le comble : « ce discours nous a surpris ! »

Ainsi donc, après 63 ans de soutien américain inconditionnel à Israël, d’identification entre la politique extérieure américaine et la politique intérieure israélienne, de générosité financière et militaire sans limites, de massacres israéliens défendus corps et âme, de collaboration économique, scientifique, d’intelligence entre Américains et Israéliens etc... les Arabes se permettent d’être étonnés, et déçus !

Mêmes les données récentes n’étaient pas plus encourageantes, et rien ne permettait de percevoir une position différente du numéro un américain.

Après avoir lancé sa promesse en faveur d’un état palestinien, puis lancé les négociations, Obama n’a rien fait pour empêcher les Israéliens de poursuivre leurs colonisations en Cisjordanie et à Jérusalem AlQuds. Régions qui devraient, selon l’ONU, faire partie de l’état palestinien. Preuve depuis que sa promesse n’est que parole en l’air !

Une lecture différente des positions américaines exprimées très franchement ces derniers temps, entre menace de veto et sommations aux Palestiniens de retourner aux négociations, relève de l’incrédulité dans les meilleurs cas, et de la complicité dans les pires.

Plus que jamais, l’outrage d’Obama giffle les alliés arabes des Américains, pour avoir tout bonnement misé sur ses promesses. Alors que ceux n’ont jamais cru l’administration américaine, voient une fois de plus leurs suspiscions confirmées.

« Miser sur les Américains nous mène au fiasco », le Hamas l’a si bien rappelé. Depuis 63 ans, le camp de la résistance ne cesse de le répéter... les expériences ne cessent de le confirmer... et les régimes arabes ne cessent de s’étonner !!

Source : http://www.almanar.com.lb/french/ad...

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Obama : le « premier Président juif » d’Amérique ?Marwan Bishara

- Al Jazeera

Après le discours du Président US aux Nations-Unies, notre principal analyste se demande pourquoi les dirigeants américains continuent de plier devant les exigences d’une puissance étrangère. Al Jazeera.

Obama est « le premier Président juif ». Tel est le titre de l’édito du New York Magazine, écrit par John Heilemann et citant un important collecteur de fonds d’Obama.

En écoutant Obama aux Nations-Unies mercredi, beaucoup ont hoché la tête, et pas moins en Palestine et dans le monde arabe.

Le Président US a embrassé la position israélienne de rejet de la reconnaissance internationale d’un État palestinien indépendant.

Mais ce n’est pas une position juive. C’est une position sioniste radicale. Beaucoup de juifs, dont des juifs des États-Unis et d’Israël, n’adoptent pas de telles positions extrémistes.

Mais qu’Obama ait surpassé son prédécesseur, George W. Bush, qui fut le plus radical partisan d’Israël de tous les Présidents US, cela a laissé tout le monde pantois en Israël. En écoutant le Président US sioniste, on croyait entendre les pères fondateurs d’Israël eux-mêmes.

Jamais, on n’avait entendu un Président US lire directement les papiers du gouvernement israélien.

Une propagande passant pour de l’histoire

On aurait pu penser qu’après six décennies de dépossessions, quatre décennies d’occupation et deux décennies de processus de paix, le Président Obama reconnaisse quelque désaccord politique et morale qu’il fallait régler.

Qu’il rappelle, et non qu’il sape ses propres paroles prononcées au Caire il y a un an et demi, sur la nécessité pour Israël de cesser ses colonies illégales en Palestine.

Qu’il rappelle, et non qu’il sape sa propre vision - lire sa promesse - depuis la même scène, en septembre dernier, d’un État palestinien d’ici un an, c’est-à-dire cette semaine.

Qu’il rappelle, et non qu’il sape sa propre rhétorique à propos de la liberté dans la région arabe.

Ou qu’il rappelle, et non qu’il sape sa proclamation de l’importance d’une paix basée sur un retrait, pas davantage de la même logique de guerre.

Hélas, le Président a anéanti son slogan entier, « Le changement, nous pouvons y croire ».

Son intervention s’est inspirée de la pire propagande officielle d’Israël. De fait, une grande partie est le copier-coller de la stratégie d’Israël.

Il a parlé de « faits » historiques qui ont longtemps été réfutés par des historiens israéliens, et de vérités qui ne sont rien de plus qu’une interprétation unilatérale d’une situation politique.

Obama a prétendu que les Arabes avaient lancé des guerres contre Israël. Alors qu’en réalité, c’est Israël qui est l’agresseur, lançant ou instiguant des guerres, en 1956, 1967, 1982, 2006 et 2008. Seule, la guerre de 1973 a été déclenchée par des Arabes, mais seulement aux fins de récupérer des territoires occupés et après que les USA et Israël aient rejeté les ouvertures de paix d’Anwar el-Sadat.

Il a insisté sur le travail des Israéliens pour forger un État prospère dans leur « patrie historique ». Mais le monde dans sa grande majorité, et certainement le monde arabe, a considéré la création d’Israël comme un projet colonial sous des prétextes théologiques.

La Serbie croit aussi que le Kosovo est le lieu de naissance de sa nation ; doit-elle être autorisée à forger un État prospère de sa propre initiative, un État exclusivement serbe, sur ce territoire ?

Tous les peuples occupés doivent-ils chercher à s’arranger avec leurs occupants en dehors de l’intervention de la communauté internationale ? Est-ce ainsi que les nations d’Afrique et du Moyen-Orient ont obtenu leur indépendance des puissances coloniales européennes ?

Tout un peuple doit-il vivre sous occupation jusqu’à ce que son occupant soit satisfait des conditions de sa reddition ?

C’est de la politique, stupide

Tout commentateur en fonction vous rappellera qu’il ne faut pas vous attendre à beaucoup d’actes concernant Israël d’un Président US pendant une année électorale.

Comme Heilemann l’illustre dans son article, la carrière d’Obama s’est construite sur ses relations avec les généreux donateurs juifs de Chicago.

Effectivement, le type le plus fortuné du Parti démocrate de ces dernières décennies est devenu le chef de Cabinet d’Obama, Rahm Emmanuel. Aujourd’hui, il est le maire de Chicago.

Mais ce n’est pas juste qu’une question d’argent. Cela touche aussi au soutien déterminant du Congrès sur les questions nationales pressantes qui peuvent faire le succès ou l’échec de la présidence Obama. Et le lobby israélien, l’AIPAC, peut faire un enfer de la vie du Président tout au long de l’année qui vient.

Maintenant, je comprends tout cela. Mais ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi c’est accepté comme un fait accompli ! Cela tient de la politique ! A prendre ou à laisser !

Si c’est le cas, au moins appelons un chat un chat ; et l’administration(s) US pour ce qu’elle semble tant paraître : ni juive ni sioniste, plutôt hypocrite.

Elle parle de justice mais poursuit une politique inique ; elle parle de répressions mais promeut ses propres intérêts à tout prix. Elle prêche la liberté mais soutient l’occupation ; elle parle de droits humains mais elle insiste pour confier le poulailler au loup, et seulement au loup.

Tous des dindons de la farce

Pourquoi les Palestiniens ont-ils été tenus d’être les victimes de la politique US tout en étant les otages de la politique israélienne au cours des six dernières décennies ? Pourquoi la plupart des Israéliens doivent-ils continuer à vivre dans un État garnison incapable de normaliser ses relations avec ses voisins ?

Pourquoi les Américains doivent-ils voir leurs politiciens pris en otage par une puissance étrangère et ses partisans influents ?

Le lobby juif pro-israélien, J Street, a commenté la soumission alarmante à Israël non seulement de Démocrates mais aussi de Républicains, disant : « Il n’y a aucune limite, semble-t-il, dans la façon dont les politiciens américains sont tombé ces jours-ci dans la soumission à Israël pour obtenir des gains politiques ».

Même s’il y a eu une logique stratégique dans le soutien US à Israël dans le passé, l’obséquiosité actuelle de Washington n’a guère de sens.

Washington a longtemps usé de son influence sur Israël pour qu’il soit un levier stratégique de domination sur les dirigeants arabes. Seul Washington peut empêcher Israël de partir en guerre et obtenir des concessions en matière de diplomatie, estimaient autrefois les dirigeants arabes.

Mais les dictateurs qui ont exploité la Palestine pour capitaliser un soutien national, ou qui l’ont troquée contre des faveurs occidentales, appartiennent au passé.

Les Arabes d’aujourd’hui sont amers et furieux de la complicité américano-israélienne en Palestine et ils ne seront pas aussi facilement bridés ou achetés que leurs dictateurs déchus.

Source : http://english.aljazeera.net/indept... / http://www.info-palestine.net/artic...

Traduction : JPP

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Le discours d’Obama aux Nations Unies ? Pathétique...

Robert Fisk - The Independent

Aujourd’hui devrait être le moment le plus plaisant pour Mahmoud Abbas. Même le New York Times a découvert que « un homme gris portant des costumes gris et des chaussures soignées, peut lentement sortir de l’ombre ».

Mais c’est une absurdité. L’insipide chef de l’Autorité Palestinienne, qui a écrit un livre de 600 pages sur le conflit entre son peuple et Israël sans même mentionner une seule fois le mot « occupation », ne devrait avoir aucun mal ce soir à surpasser le discours pathétique et humiliant délivré par Barack Hussein Obama devant l’assemblée générale des Nations Unies ce mercredi, lorsqu’il a mis par-dessus bord la politique des Etats-Unis au Moyen-Orient pour s’aligner sur celle d’Israël.

Pour un président Américain qui avait réclamé une fin à l’occupation israélienne de terres arabes, une fin au vol de la terre arabe en Cisjordanie - les « colonies » israéliennes comme il avait coutume de les appeler - et un Etat Palestinien d’ici 2011, la prestation d’Obama était pathétique.

Comme d’habitude, Hanan Ashrawi, la seule voix palestinienne éloquente à New York cette semaine, a trouvé le bon mot. « Je ne pouvais en croire mes oreilles » a-t-elle dit à Haaretz, le plus fin des journaux israéliens. « Cela sonnait comme si les Palestiniens étaient ceux qui occupaient Israël. Il n’a pas eu un mot de sympathie pour les Palestiniens. Il n’a fait que parler des problèmes des Israéliens... » C’est trop exact. Et comme d’habitude, les journalistes israéliens les plus raisonnables, dans leur franche condamnation d’Obama, ont montré que les princes parmi les journalistes américains n’étaient que des lâches. « Le discours mou et dénué d’imagination que le président Barack Obama a livré aux Nations Unies... reflète à quel point le président américain est désarmé face aux réalités du Moyen-Orient, » a écrit Yael Sternhell.

Et alors que les jours s’écouleront, nous verrons si les Palestiniens répondront à la lamentable prestation d’Obama avec un troisième Intifada ou par un haussement d’épaules de lassitude en voyant que les choses ne changent pas, que les faits continueront de prouver que le gouvernement des États-Unis demeure une marionnette aux mains d’Israël quand il est question du refus que les Palestiniens aient un état.

Demandons-nous comment est-il possible que l’ambassadeur des Etats-Unis en Israël, Dan Shapiro, ait voyagé de Tel Aviv à New York pour le débat sur l’Etat palestinien, dans le propre avion de Netanyahu, le premier ministre israélien ? Comment se fait-il que Netanyahu était trop occupé à tailler une bavette avec le président colombien pour aller écouter Obama ? Il a juste jeté un coup d’oeil sur le document palestinien au moment il était en face à face avec le président Américain. Ce n’était pas du « culot » [chuzpah]. C’était une insulte, pure et simple.

Et Obama l’a bien mérité. Après l’éloge du printemps/été/automne arabe, comme il voudra le nommer - courant encore une fois après tous ces actes individuels de courage des Tunisiens et des Egyptiens comme si il avait avait été tout ce temps à leurs côtés, le bonhomme n’a trouvé que 10 minutes sur son heure à accorder aux Palestiniens, les giflant au visage pour oser demander un statut de membre des Nations Unies. Et Obama - et ceci était la partie la plus drôle de son absurde discours devant les Nations-Unis - a même oser suggérer que les Palestiniens et les Israéliens étaient deux parties « égales » dans le conflit.

Un martien qui écouterait ce discours penserait, comme Mme Ashrawi l’a suggéré, que les Palestiniens occupent Israël plutôt que le contraire. Aucune mention de l’occupation israélienne, aucune mention des réfugiés ou du droit au retour ou du vol de la terre palestinienne et arabe par le gouvernement israélien en opposition complète avec le droit international... Mais que de lamentations sur le peuple assiégé d’’Israël, sur les tirs de fusées sur leurs maisons, sur les attentats-suicide - les péchés des Palestiniens, naturellement, mais sans aucune référence au carnage dans Gaza ni aà l’énorme nombre de morts palestiniens - et même sur les persécutions historiques à l’encontre des communautés juives et sur l’Holocauste.

Ces persécution sont un fait de l’histoire. Ainsi que l’Holocauste. Mais les PALESTINIENS N’ONT PAS COMMIS CES ACTES. Ce sont les Européens - dont Obama sollicite maintenant l’aide pour refuser un Etat aux Palestiniens - qui ont commis ce crime des crimes. Puis nous étions à nouveau dans les considérations sur« les parties égales », comme si les occupants israéliens et les Palestiniens sous occupation étaient sur une aire de jeu. Madeleine Albright avait l’habitude d’user de ce mensonge terrible. « Cela revient aux parties elles-mêmes, » disait-elle, se lavant les mains comme un Ponce Pilate de toute cette affaire, dès u’Israël menaçait d’avoir recours à son lobby au Etats-Unis. Le ciel sait si Mahmoud Abbas peut produire un discours historique à l’ONU aujourd’hui. Mais au moins nous savons tous qui est le conciliateur.

Source : http://www.independent.co.uk/opinio... / http://www.info-palestine.net/artic...

L. Mazboudi / M. Bishara / R. Fisk