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Par Omer Taspinar

Israël et le refus de la paix

Jeudi, 8 septembre 2011 - 20h17

jeudi 8 septembre 2011

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OMER TASPINAR
o.taspinar@todayszaman.com

Les derniers développements de la crise diplomatique entre Ankara et Tel Aviv ne sont que le reflet d’une situation marquée par la fin du processus de paix et le blocus de Gaza. Pour l’expert en sécurité nationale Ömer TaŞpinar, ce conflit turco-israélien ne se règlera pas de manière bilatérale « mais aussi en fonction de la question palestinienne. »

Certaines crises sont prévisibles. La décision de la Turquie de renvoyer l’ambassadeur d’Israël et de rabaisser les relations diplomatiques au niveau du deuxième secrétaire fait partie de ces crises. Il était clair dès le début qu’Israël devait payer le prix pour ne pas s’être excusée au sujet de l’assaut du Mavi Marmara et de la mort de neuf citoyens turcs. Israël a fait ce choix tout en sachant que les relations entre les deux pays atteindraient leur plus bas niveau. La question que nous devons nous poser est très simple : pourquoi Israël a décidé de ne pas s’excuser auprès de la Turquie ? Après tout, de nombreux éléments auraient pu convaincre l’Etat hébreu de ravaler son orgueil. La Turquie était un partenaire extrêmement important et stratégique pour Israël, le seul pays musulman de la région avec lequel un accord de partenariat militaire existait. La Turquie procurait un espace aérien ouvert pour l’entraînement de la force aérienne israélienne, et un marché juteux pour l’industrie de la défense. De plus, elle représentait un partenaire démocratique qui avait en commun avec Israël une culture de « la sécurité avant tout. » Ce dernier a gagné des centaines de millions de dollars via la vente de matériel militaire à la Turquie, y compris des missiles anti-aériens et des drones, ce qui a aussi permis de moderniser les tanks et les avions de chasse turcs.

L’isolement israélien

Il existe d’autres facteurs qui auraient pu convaincre l’Etat israélien de présenter ses excuses. En effet, alors que le printemps arabe est en train de changer rapidement la région, il semble qu’Israël avait plus que jamais besoin de la Turquie. La perte de l‘Egypte avec la chute du régime de Moubarak a été un coup dur pour Tel Aviv. Après avoir perdu l’Egypte, Israël était-il disposé à perdre la Turquie ? Israël ne risque-t-il pas de se retrouver totalement isolé dans la région ? A de nombreux égards, c’est la question que Washington posait à Tel Aviv. Nous savons tous que la diplomatie américaine a fait tout son possible pour éviter cette crise. Tandis que les Etats-Unis faisaient pression sur Israël afin qu’il ravale sa fierté, ils demandaient aussi à la Turquie de lui laisser un peu plus de temps. Au final, Israël a fait le choix de ne pas s’excuser, mais pas à cause de l’entêtement du ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman ou à cause de la perte de popularité de Netanyahou et des difficultés au sein du pays. Si la politique intérieure et la nécessité de ne pas perdre la face ont dû jouer un rôle, la raison qui explique l’attitude d’Israël est très simple : Tel Aviv a estimé que s’excuser ne réglerait pas les problèmes avec la Turquie. Selon son analyse, les relations avec Ankara étaient trop endommagées pour être réparées. Des excuses auraient permis au Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan de crier victoire sans véritablement changer les défauts structurels qui sont apparus dans le partenariat bilatéral depuis 2006. Le fait que la Turquie exigeait non seulement des excuses et des dédommagements, mais aussi la fin du blocus de Gaza est très révélateur pour les Israéliens.

L’ombre de la Palestine

Ceci montrait qu’une normalisation de la relation avec la Turquie était quasi impossible tant que l’Etat turc basait ses relations avec Tel Aviv non pas seulement en fonction de facteurs bilatéraux, mais aussi en fonction de la question palestinienne. En ce sens, du point de vue israélien, la Turquie a placé la barre trop haute. Par conséquent, pour le gouvernement de Netanyahou, il était impossible de revenir aux années 90, âge d’or des relations entre les deux pays. Tel Aviv semble avoir compris qu’une normalisation avec la Turquie était irréalisable en l’absence d’un véritable processus de paix. En effet, ce qui a rendu cet âge d’or possible avec la Turquie, dans les années 90, était le processus de paix d’Oslo et le fait qu’une entité palestinienne tenait des négociations approfondies avec Tel Aviv. La Turquie était aussi bien plus faible à l’époque et avait besoin du soutien d’Israël. A l’heure actuelle, la situation est radicalement différente. Tous ces éléments devraient nous permettre de comprendre pourquoi Israël estime que de simples excuses n’auraient changé en rien l’aggravation de ses relations avec la Turquie. L’histoire pourrait bien se souvenir des années 90 comme d’une exception plutôt que de la norme dans les relations entre ces deux pays.