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Le prix de l’arrogance et du mépris (ndlr)

Turquie-Israël : haute tension diplomatique

Jeudi, 8 septembre 2011 - 7h52 AM

jeudi 8 septembre 2011

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La Turquie a annoncé mardi la suspension de tous ses échanges avec Israël en matière de défense, évoquant même une intensification de ses patrouilles navales en Méditerranée. Cette décision fait suite au refus de l’Etat hébreu de s’excuser d’avoir tué neuf Turcs en 2010, dans l’assaut lancé par son armée sur une flottille humanitaire tentant de rejoindre la bande de Gaza.

Antoine Delthil - Parismatch.com

C’est un rapport de l’ONU qui a mis le feu aux poudres. Publié jeudi dernier, il évoquait l’assaut de l’armée israélienne sur une flottille tentant de rejoindre Gaza en mai 2010, qui avait causé la mort de neuf Turcs, sans pour autant le condamner. Dès la publication des extraits du rapport, l’administration turque décidait d’expulser l’ambassadeur d’Israël à Ankara, sommant son homologue de lui présenter des excuses officielles, excuses qui ne sont jamais venues.

En réaction à ce qu’il considère comme un nouvel affront envers son pays, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé mardi la suspension des échanges entre les deux pays, dans le domaine de la défense. « Nous suspendons complètement les liens commerciaux et militaires avec eux concernant l’industrie de la défense », a-t-il clairement expliqué, ajoutant que « ce processus sera suivi de différentes mesures ». La veille pourtant, le ministre de l’Economie, Zafer Caglayan, déclarait que la Turquie ne ferait rien « pour le moment » de nature à bouleverser ses relations économiques avec Israël. Les échanges commerciaux entre les deux pays dans leur ensemble ont atteint en 2010 3,5 milliards de dollars.

Vers une intensification des patrouilles en Méditerranée

Il y a quelques jours, le gouverneur de la Banque d’Israël, Stanley Fischer, mettait en garde contre les conséquences économiques qu’entrainerait une rupture prolongée du commerce avec la Turquie. Selon lui, l’économie de la Turquie surpasse de loin celle d’Israël. « L’économie turque connait une croissance exceptionnelle », expliquait-il, cité par le journal « Hürriyet ». « Ils ont de grands entrepreneurs et une main d’œuvre formée à l’européenne. La Turquie deviendra un marché important dans la région et un exportateur majeur. Les conséquences d’une rupture du commerce avec la Turquie seront coûteuses ». Les « différentes mesures » promises par Erdogan pourraient aussi concerner une intensification des patrouilles des navires de guerre turcs dans l’est de la Méditerranée, sur laquelle donne le littoral israélien.

Depuis quelques jours, certains responsables de l’Etat hébreu marchent sur des œufs, refusant d’irriter plus l’administration turque tout en maintenant leurs positions, à l’image d’Ehoud Barak. Le ministre de la Défense israélien a reconnu les « divergences » existant entre les deux pays, invitant les forces en présence à agir « avec leur tête et non de façon viscérale ». « Ce sera mieux pour nous tous et pour la stabilité régionale », a-t-il assuré.

Le divorce entre les deux anciens alliés semble clairement consommé, et des ressortissants turcs et israéliens en l’ont déjà subi. Le ministère israélien des Affaires étrangères a en effet annoncé mardi qu’une quarantaine des leurs ont été retenus une heure et demie à l’aéroport d’Istanbul, y subissant des interrogatoires détaillés. Mais dans le même temps, l’agence de presse turque Anatolie relatait des scènes comparables à l’aéroport de Tel-Aviv. Un touriste interrogé expliquait même avoir dû retirer son pantalon pour être fouillé.

Inquiétude des Etats-Unis

Cette crise diplomatique entre les deux plus grandes puissances du Proche-Orient met aussi les Etats-Unis dans une position inconfortable, Israël et la Turquie comptant aux rangs de leurs alliés les plus influents. Victoria Nuland, porte-parole du département d’Etat, a reconnu que l’administration Obama était « préoccupée ». « Nous avons, au cours des derniers mois, travaillé avec nos deux alliés au renforcement de leurs relations bilatérales. Nous pensons toujours qu’un retour à un partenariat est dans leur interêt commun. Mais l’état actuel de leurs relations nous préoccupe ».

Opposition idéologique

La crise diplomatique naissante entre l’Etat turc et Israël prend avant tout cette ampleur du fait du désaccord des deux administrations quant à la question de la reconnaissance l’Etat palestinien. Recep Tayyip Erdogan a évoqué mardi la possibilité de se rendre dans la bande de Gaza à l’occasion de son prochain voyage en Egypte, expliquant devoir d’abord consulter les autorités du Caire. Le chef du gouvernement turc se rendra aussi à New York ce mois-ci, pour la session de l’Assemblée générale de l’Onu, où il devrait prendre position pour la reconnaissance d’un Etat palestinien dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, une initiative à laquelle s’oppose évidemment Israël. Le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, a déclaré devant la presse à Ankara aux côtés d’un émissaire du président palestinien Mahmoud Abbas, qu’une telle reconnaissance était « le droit le plus naturel des Palestiniens, une dette que le monde doit verser au peuple palestinien ».