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En direct du Parlement européen, à Strasbourg

Que faut-il comprendre suite aux évènements de Jéricho ?

par Veronique de Keyser, parlementaire européenne

dimanche 19 mars 2006

En ouverture de la séance pleinière du 15/03, le Président Borrell ainsi que les Présidents des groupes se sont exprimés suite aux évènements qui se sont déroulés à Jericho les 13 et 14/03. Véronique de Keyser, à titre de membre de la Commission des Affaires étrangères et de la Délégation pour les relations avec les pays du Mashrek, a fourni une analyse politique de ce tragique évènement qui, selon elle, et c’est trés probable, est en lien direct avec le déplacement à Strasbourg du Président Abbas.

L’annulation de la visite du Président Mahmoud Abbas au Parlement européen de Strasbourg, suite à l’assaut de la prison de Jéricho par les forces israéliennes mardi14 mars a suscité de nombreuses interventions des députés dans l’hémicycle du Parlement.

Parmi ces réactions, celle de Véronique De Keyser, chef de la mission d’observation électorale de l’UE en Palestine. Véronique De Keyser avait elle-même transmis l’invitation du Parlement européen à Mahmoud Abbas en janvier dernier et a eu l’occasion de s’entretenir avec lui lors de sa très brève étape à Strasbourg mardi soir, avant qu’il ne reprenne précipitamment l’avion pour rentrer dans son pays.

Véronique De Keyser a condamné sévèrement les événements de Jéricho mais insisté sur leur signification politique. Elle considère en effet que la situation au Moyen Orient est dans une phase très critique. Voici son exposé dans l’hémicycle du Parlement mercredi 15 mars 2OO6.

« Les événements de Jéricho ne sont pas un simple fait divers. Ils ont une signification politique. Le premier visé est certes Mahmoud Abbas. A peine avait-il quitté son pays que l’assaut contre la prison de Jéricho était lancé par les forces israéliennes. C’est la déstabilisation délibérée d’un homme dont les Israéliens n’ont jamais vraiment voulu comme interlocuteur, alors qu’ils avaient déjà assiégé son prédécesseur et l’avaient assigné à surveillance. Le second visé est le Conseil législatif palestinien. On n’a pas assez dit que Ahmed Sadat, le prisonnier recherché, était un élu récent du Conseil Législatif Palestinien. Et si le Hamas a fait, depuis les élections législatives de 2OO6, de timides pas vers la voie de reconnaissance de l’Etat d’Israël en ses frontières de 1967, les images humiliantes de prisonniers à moitié nus, yeux bandés et poignets attachés derrière le dos qui ont fait le tour du monde, l’empêche désormais d’aller plus loin. Mais l’Europe est visée aussi, et toute sa politique à l’égard de la Palestine. Nous nous apprêtions à recevoir Mahmoud Abbas à Strasbourg et nous voilà sans lui. Non seulement la visite est annulée, mais les Européens sont devant un spectacle navrant : ce sont des Palestiniens qui kidnappent leurs ressortissants et qui saccagent les bureaux de l’Union européenne. Et certains députés de cet hémicycle commencent à s’interroger ; faut-il vraiment continuer à aider les Palestiniens après cette ingratitude- alors que nous sommes les premiers donateurs ?
Mais ne vous y trompez pas, mes chers collègues, ce n’est pas une question d’argent. Je vous le dit : même si les Palestiniens ont désespérément besoin d’aide pour survivre, il n’y en a pas un qui ne l’échangerait sans regret pour une position politique claire et forte de l’Union européenne ! Pouvons nous taire aujourd’hui qu’Israël a choisi une voie unilatérale et sécuritaire qui n’a plus rien à voir avec la Feille de route ? Le plan Olmert est unilatéral comme l’était le désengagement de Gaza, l’annexion de la rive du Jourdain, la main mise sur Jérusalem Est.
C’est cela la réalité des Palestiniens : une interminable et sanglante occupation, un Mur condamné par la cour de la Haye mais toujours debout. Tout l’argent que nous donnerons à la Palestine ne lui permettra pas d’échapper à cette réalité : la paix marche aujourd’hui à reculons. C’est pourquoi, s’il faut un plan B pour soutenir financièrement la Palestine, un plan compatible avec nos règles de transparence et nos exigences éthiques, il faut surtout une riposte politique courageuse et crédible aux derniers événements ! Si l’Europe reste silencieuse, comment pourrait-elle encore être porteuse d’un message d’espoir ? »