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Éditorial par Patrick Apel-Muller - L’Humanité

L’été arabe a succédé au printemps

Mardi, 2 août 2011 - 12h32

mardi 2 août 2011

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L’élan des printemps arabes ne 
s’est pas enlisé dans les sables libyens avec les promesses d’une guerre expéditive dont Nicolas Sarkozy avait abreuvé l’opinion française.

Là-bas, la coalition se désagrège lentement avec un jour le chef d’état-major américain qui confesse l’échec, le lendemain l’Italie qui retire un porte-avions, puis la Norvège, ses chasseurs bombardiers. Dans le camp des amis de Bernard-Henri Lévy, les généraux ralliés se font flinguer à un carrefour et Benghazi bruisse des rumeurs de trahisons.

L’addition s’alourdit pour les populations civiles 
et aussi pour la France, qui engouffre dans cette sale guerre 1,2 million d’euros par jour.

En revanche, les révolutions tunisiennes et égyptiennes ne sont pas closes, au grand dam des amis de Ben Ali et de l’état-major au Caire qui, avec l’assentiment américain, parie ouvertement sur des contre-feux islamistes. Plutôt des barbus que des démocrates et des syndicalistes, y juge l’oligarchie. Mais ces mouvements ont en leur cœur la révolte contre les inégalités criantes 
de revenus, le refus de l’ordre économique mondial qui pille leurs pays et soumet les peuples à la loi de la jungle des prédateurs financiers.

Tandis qu’à Hama, les chars du régime Assad tentent à nouveau d’écraser un mouvement composite, la contamination a gagné un pays qu’on 
pouvait croire le plus méfiant à l’égard des mouvements 
qui secouaient ses voisins. La jeunesse israélienne 
s’est dressée contre 
les injustices sociales, 
le manque de logements notamment, et a rencontré le mécontentement croissant de la population.

Désormais, ils sont appuyés par le grand syndicat Histadrut, proche des travaillistes. L’économie de guerre à laquelle contraignent les régimes successifs étouffe l’aspiration à mieux vivre tandis qu’une économie de rapines parcourt souterrainement la société.

Les 100 000 manifestants de Tel-Aviv, Jérusalem ou Haïfa 
ont dénoncé samedi les cartels d’industriels qui s’organisent pour gonfler les prix à la consommation et empocher 
de juteux profits. «  Il faut comprendre que nos préoccupations principales passent de la sécurité au social  », a dû admettre le vice-premier ministre, Silvan Shalom.


La reconnaissance d’un État palestinien dans des frontières justes devient désormais un besoin pour Israël. Le mur 
qui enserre les territoires enferme aussi de l’autre côté…

Les éructations d’un Jean-Marie Le Pen contre l’immigration, qu’il fait rimer avec invasion, sont bien sûr insupportables après le massacre norvégien. 
Elles apparaissent désormais pour ce qu’elles sont, 
une manifestation ringarde de haine, une tentative 
de raviver une guerre des civilisations que les printemps arabes ont rendue hors de saison. Les manifestations d’Oslo et l’impressionnante solidarité dont ont fait montre les habitants du pays, toutes origines mêlées, ont démontré que le tueur avait échoué et que les tenanciers père et fille de la maison FN n’y puiseraient pas de quoi alimenter leur fonds de commerce. La Droite populaire qui leur sert de groom 
à l’UMP a beau faire pour atteindre la mission que lui a fixée Nicolas Sarkozy, elle n’y parvient pas  : l’extrême droite est loin encore d’être banalisée dans la société française.

Les revendications sociales et démocratiques du Caire ou de Tunis lancent au contraire un pont en direction de tous les indignés d’Europe, de France et de Navarre. Elles coagulent des solidarités qui semblaient s’être dissipées depuis deux décennies. Elles seront à l’honneur bien entendu lors de la Fête de l’Humanité et notamment 
le vendredi 16 septembre lors d’une soirée à l’Agora.

Patrick Apel-Muller