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La réalité toute crue

Le calvaire du peuple palestinien et le dessein de ses bourreaux

provenance : site de la CCIPPP

mardi 7 mars 2006

Jennifer Loewsnstein
publié le jeudi 2 mars 2006.

Israël s’oppose à toute solution... "Il s’y oppose parce qu’il s’oppose à la présence d’un autre peuple sur une terre qu’il présente comme le patrimoine exclusif des Juifs. Tel doit être le point de départ d’une lutte efficace contre ses visées racistes et hégémoniques... "

La majeure partie du périmètre oriental de l’Etat d’Israël actuel est occupée par un mur de béton cachant la vue sur l’autre côté, ce qui n’est pas racontable en bonne société. Pour ceux qui ne l’auraient pas remarqué, Israël s’oppose à une solution à deux Etats. Il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher l’émergence d’un Etat palestinien et continuera à le faire aussi longtemps qu’il pourra compter sur la complicité de ses puissants amis et sur l’immense indifférence populaire. Dans ces circonstances, il nous incombe alors de nous demander pourquoi le Hamas a été sommé - par Israël et ses puissants amis - d’accepter « une solution à deux Etats » ; surtout que, contrairement à Israël, le Hamas a clairement déclaré, et à maintes reprises, qu’il serait d’accord pour un Etat palestinien sur la terre qu’occupe Israël depuis la guerre de 1967, c’est-à-dire sur la Cisjordanie, la Bande de Gaza et Jérusalem-Est. En effet, tous les dirigeants du Hamas qui se sont exprimés l’on dit : Zahar, Haniye, Meshal et Yassin, et même Rantissi avant qu’il soit assassiné.

La Judée et la Samarie qui représentent, ou représentaient, le nord et le sud de la Cisjordanie, ont été subdivisées et redistribuées, sur plusieurs décennies, à des centaines de milliers de colons juifs, pour qu’ils y mettent leurs maisons, leurs vergers et leurs jardins. Ils ont créé des réseaux, se sont entourés de routes qui leur sont réservées pour relier la terre, les maisons, les vergers et les jardins à Israël. Ils se sont protégés avec des gardiens, des hommes armés, et des tanks, et le drapeau bleu et blanc israélien qui défend, protège et soutient les colons, leurs maisons, leurs vergers et leurs jardins, ils sont en fait des Israéliens appartenant à un seul Etat juif.

Les terres colonisées, avec leurs familles de colons, leurs maisons, leurs jardins, les boutiques et les écoles, les clubs et les bars, et les piscines, ont été planifiées, saisies, attribuées et mises à l’abri de ces Arabes dans leurs vêtements miteux et leurs villages décrépits, qui logent de l’autre côté, ou qui ont été obligés de quitter les zones coloniales protégées. Les frontières prévues, les frontières du futur, sont liées à la disparition de ces Arabes, une disparition attendue avec impatience et activement stimulée.

La majeure partie du périmètre oriental de l’Etat d’Israël actuel est occupée par un mur de béton cachant la vue sur l’autre côté, ce qui n’est pas racontable en bonne société. Le mur oriental sera bientôt le mur occidental car le Premier ministre israélien par intérim, Ehud Olmert, vient juste d’annoncer que le reste de la terre de Cisjordanie non incorporée, sera annexée bientôt à Israël. La Vallée du Jourdain - avec la frontière Cisjordanie / Jordanie appelée maintenant à être la frontière orientale Israël / Jordanie - sera également délimitée par le mur et interdite aux « non Israéliens », ce qui veut dire que les Palestiniens seront alors complètement encerclés dans leurs réserves, sans vie, et sans pouvoir se rendre dans le monde extérieur.

Dans le même élan où il annonçait cette confiscation unilatérale de la terre pour un Etat juif, Omert annonçait tout un régime de sanctions contre les Palestiniens des Territoires occupés ; ceci pour avoir refusé d’admettre que cette recomposition du territoire - par laquelle une société se renforce et s’étend pendant que l’autre se désintègre en milliers de morceaux - était en fait la solution à deux Etats.

Israël s’attribue lui-même les ressources naturelles - surtout l’eau - des territoires qu’il a saisis ou encerclés. Une armée de voleurs et de pillards ont transformé le reste - les chemins remplis de nids de poule, les plantations non gardées, les maisons, les écoles, les mosquées et les églises, les hôpitaux, les universités, les boutiques et les établissements administratifs encore existants - en de multiples labyrinthes infranchissables, en no-man’s land ; en des endroits de restrictions sur les déplacements, où il faut des permis, des cartes d’identité codées, des laissez-passer, où il y a des fouilles humiliantes, des incursions et des accusations arbitraires qui réduisent les habitants en êtres méfiants, sans nom, sans visage, sans adresse ou sans droits ; une sorte de collectivité délinquante destinée à être abêtie, privée de nation et, un jour peut-être, expulsée sur le principe de la ‘raison d’être’ israélienne. Il devient aussi difficile pour des étrangers de se rendre dans les Territoires occupés que pour leurs habitants légitimes de s’y déplacer librement. Il est donc plus difficile aussi pour les gens de l’extérieur de pouvoir témoigner que les dangers contre lesquels ils sont mis en garde sont bien créés directement par Israël, et non pas par ce peuple infortuné en état de siège. La menace quotidienne, contre leur vie et contre leurs biens, va en s’accroissant, pas en diminuant.

Pour ceux qui ne l’auraient pas remarqué, il n’y a aucun signe annonçant que ce processus va prendre fin. Au lieu de cela, en plus de cette exigence bizarre pour que le Hamas accepte une solution à deux Etats, ce qu’Israël a catégoriquement rejeté et rend chaque jour de plus en plus impossible, on exige de lui deux choses supplémentaires : le Hamas doit reconnaître Israël et renoncer à la violence. Autrement dit, il doit reconnaître un Etat dont la politique et les dirigeants travaillent sans relâche et depuis des décennies, à nier, détruire, dénoncer, empêcher et rejeter l’existence à la fois des Palestiniens et de la Palestine, non seulement pour le présent et pour l’avenir, mais encore en voulant effacer leur passé. Et à chaque fois, nos médias présentent d’eux-mêmes au monde la réalité en usant d’un miroir déformant, une réalité devenue grotesque, dans laquelle un gouvernement sans Etat démocratiquement élu, et son peuple foulé aux pieds et en grande partie indigent, sont considérés tenir en otage les vandales mêmes qui sont occupés à les pousser vers la mort.

Alors qu’ils sont bousculés, tirés, battus, engloutis, assassinés, oppressés, volés, vandalisés, affamés, déracinés, dépossédés, harcelés, insultés et tués par des balles, des missiles, des bulldozers blindés, des tanks, des hélicoptères, des chapelets de bombes, des chasseurs bombardiers, des pistolets-mitrailleurs semi-automatiques, des bangs supersoniques, des gaz lacrymogènes, des barrières électrifiées, des blocus, des bouclages et des murs, ils devraient en plus renoncer à la violence, de telle sorte que les truands ne soient pas blessés. Et s’ils se défendent eux-mêmes, alors ils perdent. S’ils se plaignent, ils ne sont pas sincères ; s’ils demandent quelque chose en retour, ils ne sont pas dignes de foi ; s’ils demandent d’être entendus de façon impartiale, ils ont quelque chose derrière la tête ; s’ils frappent dans le dos, ils sont un instrument de terreur. Alors, quand les colères suite à ces milliers de morts, ces dizaines de milliers de blessés et de détenus, ces millions de personnes attachées, bâillonnées, s’élèvent, ensemble, dans un tourbillon de protestations, alors ils sont désignés comme l’essence même d’un mal inné, qui doit être légitimement maîtrisé, légitimement occupé, suscitant une indignation légitime et appelant à des aides financières inépuisables.

La récompense du Hamas pour être arrivé au pouvoir, juste à temps pour fournir à tous les apprentis Sharons les plus rêvés, un prétexte servi sur un plateau d’argent pour continuer leur politique élimée, et en se vengeant, la récompense a été que le parti Kadima - le parti de l’avenir - annonce qu’il soumettra les Palestiniens à un régime draconien comme avance sur l’exercice de leurs droits. La récompense du Hamas pour avoir concrétisé le succès sensationnel d’Israël qui visait à détruire le Fatah, a été l’insistance d’Israël d’exiger qu’il respecte tous les engagements, les traités et les accords que le Fatah - surtout l’Autorité palestinienne - avait signé, ceux-là même qu’Israël a déchirés, page après page.

A chaque nouvelle brique posée pour construire les colonies, chaque nouvelle route pavée pour Ariel, Maale Adumin, Illit, Gush Etzion et bien d’autres, à chaque permis refusé pour le travail, l’éducation, les déplacements pour les soins, à chaque camion qu’on oblige à attendre avec ses produits qui s’avarient à Sufa et à Karni, à chaque dollar de taxes et de droits de douane volé à ce peuple enfermé sur sa propre terre, Israël fait l’étalage de son mépris pour la décence humaine et reçoit des ovations au Congrès US, et ailleurs.

Quand Osama Bin Laden soutient qu’il est légitime pour al-Qaïda de tuer les Américains parce que, en tant que citoyens d’un pays démocratique, ils sont tenus responsables de leur gouvernement, la société « civilisée » s’étrangle d’indignation - avec à-propos. Quand Dov Weiglass et tous ses associés sadiques, infatués, ordonnent une série épouvantable de punitions collectives contre le peuple palestinien pour avoir eu l’audace de remplacer - démocratiquement - le Fatah par le Hamas, alors, la société « civilisée » opine du chef dans une approbation hautaine.

Pour ceux qui ne l’auraient pas remarqué, Israël s’oppose à une solution à deux Etats. Il s’oppose aussi à celle pour un Etat et à celle pour un Etat binational, et aussi à celle pour un Etat avec plusieurs fédérations, et encore à une foule de solutions avec des Etats provisoires, lesquelles ont été élaborées, débattues, discutées pendant des années. Il s’y oppose parce qu’il s’oppose à la présence d’un autre peuple sur une terre qu’il présente comme le patrimoine exclusif des Juifs. Voilà, tel doit être le point de départ d’une lutte efficace contre les visées racistes et hégémoniques qu’Israël est en train de mettre en œuvre et que les USA cautionnent, de discussions qui ne sont pas éloignées de la solution idéale. Une opposition efficace ne doit pas se replier dans la somnolence ou se fourvoyer dans une indifférence mortelle.

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Jennifer Loewenstein est chercheur universitaire associé au centre d’études réfugiés de l’université Oxford. Elle collabore au prochain livre de Ramzy Baroud : "La seconde Intifada palestinienne : une chronologie du combat d’un peuple", actuellement disponible sur http://www.amazon.com. Elle a vécu et travaillé à Gaza, Beyrouth et Jérusalem et a voyagé énormément dans tout le Moyen-Orient, où elle a travaillé comme journaliste indépendant et militante pour les droits de l’homme. Elle peut être contactée à : amadea311@earthlink.net

Jennifer Loewsnstein
lundi 27 février 2006 - http://palestinechronicle.com