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Par l’écrivain suédois Henning Mankell

« Je veux contribuer à briser le blocus illégal de Gaza »

Mardi, 28 juin 2011 - 21h13

mardi 28 juin 2011

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Après la tentative de mai 2010 violemment stoppée par Israël (9 morts), une nouvelle « flottille de la liberté » doit appareiller de Grèce ces jours-ci pour apporter de l’aide humanitaire à Gaza. L’écrivain suédois Henning Mankell sera à bord, comme en mai dernier. Il explique le sens et l’importance que cette démarche a pour lui.

La « flottille pour Gaza » est une grande action de solidarité qui fait beaucoup réagir, et par conséquent beaucoup de choses arrivent. Des gens me transmettent des messages griffonnés sur des bouts de papier. La dernière fois que cela s’est produit, c’était dans le train entre Stockholm et Göteborg. Une femme entre deux âges m’a glissé un bout de papier entre les doigts au moment où je passais, une tasse de thé à la main. On pouvait y lire : « Il est important que cela soit fait. » Ou bien des gens m’arrêtent dans la rue. Ils me parlent normalement, sans baisser la voix. Les marques de sympathie pour l’initiative prennent bien des formes, et les plateaux s’équilibrent sur la balance entre ceux qui, d’un côté, expriment en secret leur répugnance et leur désespoir face à la situation et ceux qui, de l’autre, affichent ouvertement leur sympathie pour cette action.

Mais qu’est-ce qui me pousse à monter à bord ? Pourquoi la flottille pour Gaza ? Pourquoi grimper à bord d’un cargo, pourquoi ne pas se contenter de dire sa compassion avec des mots ? Pourquoi ne pas rester à terre ?

Une des réponses pourrait prendre la forme suivante : j’essaie de mettre en pratique une sorte de credo intellectuel selon lequel « ce sont les actes qui viennent étayer les mots, et non l’inverse ». Naturellement, écrire aussi est un acte, et un acte important. August Strindberg disait que les mots étaient « en [son] pouvoir ». Mais il est rarissime qu’un livre, un article, un tableau ou encore un morceau de musique parvienne à lui seul à changer une réalité politique. Il est rare qu’un livre ait un impact aussi fort que le Printemps silencieux de Rachel Carson, par exemple [ce livre de 1962, qui traitait des effets négatifs des pesticides sur l’environnement, et plus particulièrement sur les oiseaux, a contribué à lancer le mouvement écologiste dans le monde occidental]. J’ai tendance à tenir le raisonnement inverse et à penser que l’on ne peut rien changer sans la culture et sans la conscience intellectuelle.

J’estime donc qu’il est également de ma responsabilité d’intellectuel de m’exprimer par d’autres moyens. Ces moyens peuvent être de différentes natures. Cela peut être, par exemple, comme aujourd’hui – ou comme l’année dernière – de participer activement à une traversée dont l’objectif est de briser le blocus illégal de la bande de Gaza.

Quelles sont les raisons qui me poussent à monter à bord ? La première est bien sûr que le blocus israélien est une violation flagrante du droit international. Les agissements d’Israël sont contraires à toutes les définitions internationales du droit. Ce faisant, Israël rejoint le camp des dictatures militaires et des régimes totalitaires.

Je n’ai pas besoin d’entrer dans le détail des incidences de ce blocus. Elles sont suffisamment et tristement connues. Mais ce qui est plus grave encore est que ce blocus ruine tous les espoirs d’une solution future pour les peuples palestinien et israélien. Le fait que les Israéliens ne s’en rendent pas compte est à mes yeux l’un des plus grands mystères de la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Ne voient-ils vraiment pas ce qui est bon pour eux ? Où se situe leur intérêt ? Pourquoi creusent-ils le trou dans lequel ils tomberont tout seuls ?

Devant cette situation, la flottille pour Gaza fait la proposition suivante : brisez le blocus, refusez d’accepter cette violation du droit international pour envoyer un message clair aux peuples du monde entier et à leurs dirigeants politiques ; traduisez vos discours en actes ; faites le nécessaire pour que cesse ce répugnant blocus.

Dans le même temps, cette action envoie un autre message aux Palestiniens : vous n’êtes pas seuls ; quelqu’un vous voit et vous entend.

En tenant ce discours, on peut dire que je prends place sur la passerelle. Mais je ne suis pas encore à bord. Je suis également très sensible à l’axiome selon lequel « personne ne sera véritablement libre tant que tous les hommes ne seront pas libres ». Bien sûr, on peut penser que c’est une chimère d’idéaliste. Mais, pour moi, c’est une vérité complètement élémentaire. Naturellement, je n’imagine pas voir ce jour de mon vivant. Ce que je peux voir, en revanche, c’est une amélioration de la situation par rapport à ce qu’elle est aujourd’hui ! Se révolter face à l’oppression est un droit immuable et intemporel.

La « flottille pour Gaza » est une grande action de solidarité qui fait beaucoup réagir, et par conséquent beaucoup de choses arrivent. Des gens me transmettent des messages griffonnés sur des bouts de papier. La dernière fois que cela s’est produit, c’était dans le train entre Stockholm et Göteborg. Une femme entre deux âges m’a glissé un bout de papier entre les doigts au moment où je passais, une tasse de thé à la main. On pouvait y lire : « Il est important que cela soit fait. » Ou bien des gens m’arrêtent dans la rue. Ils me parlent normalement, sans baisser la voix. Les marques de sympathie pour l’initiative prennent bien des formes, et les plateaux s’équilibrent sur la balance entre ceux qui, d’un côté, expriment en secret leur répugnance et leur désespoir face à la situation et ceux qui, de l’autre, affichent ouvertement leur sympathie pour cette action.

Mais qu’est-ce qui me pousse à monter à bord ? Pourquoi la flottille pour Gaza ? Pourquoi grimper à bord d’un cargo, pourquoi ne pas se contenter de dire sa compassion avec des mots ? Pourquoi ne pas rester à terre ?

Une des réponses pourrait prendre la forme suivante : j’essaie de mettre en pratique une sorte de credo intellectuel selon lequel « ce sont les actes qui viennent étayer les mots, et non l’inverse ».

Naturellement, écrire aussi est un acte, et un acte important. August Strindberg disait que les mots étaient « en [son] pouvoir ». Mais il est rarissime qu’un livre, un article, un tableau ou encore un morceau de musique parvienne à lui seul à changer une réalité politique. Il est rare qu’un livre ait un impact aussi fort que le Printemps silencieux de Rachel Carson, par exemple [ce livre de 1962, qui traitait des effets négatifs des pesticides sur l’environnement, et plus particulièrement sur les oiseaux, a contribué à lancer le mouvement écologiste dans le monde occidental]. J’ai tendance à tenir le raisonnement inverse et à penser que l’on ne peut rien changer sans la culture et sans la conscience intellectuelle.

J’estime donc qu’il est également de ma responsabilité d’intellectuel de m’exprimer par d’autres moyens. Ces moyens peuvent être de différentes natures. Cela peut être, par exemple, comme aujourd’hui – ou comme l’année dernière – de participer activement à une traversée dont l’objectif est de briser le blocus illégal de la bande de Gaza.

Quelles sont les raisons qui me poussent à monter à bord ?

La première est bien sûr que le blocus israélien est une violation flagrante du droit international. Les agissements d’Israël sont contraires à toutes les définitions internationales du droit. Ce faisant, Israël rejoint le camp des dictatures militaires et des régimes totalitaires.
Je n’ai pas besoin d’entrer dans le détail des incidences de ce blocus. Elles sont suffisamment et tristement connues. Mais ce qui est plus grave encore est que ce blocus ruine tous les espoirs d’une solution future pour les peuples palestinien et israélien. Le fait que les Israéliens ne s’en rendent pas compte est à mes yeux l’un des plus grands mystères de la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Ne voient-ils vraiment pas ce qui est bon pour eux ? Où se situe leur intérêt ? Pourquoi creusent-ils le trou dans lequel ils tomberont tout seuls ?

Devant cette situation, la flottille pour Gaza fait la proposition suivante : brisez le blocus, refusez d’accepter cette violation du droit international pour envoyer un message clair aux peuples du monde entier et à leurs dirigeants politiques ; traduisez vos discours en actes ; faites le nécessaire pour que cesse ce répugnant blocus.

Dans le même temps, cette action envoie un autre message aux Palestiniens : vous n’êtes pas seuls ; quelqu’un vous voit et vous entend.

En tenant ce discours, on peut dire que je prends place sur la passerelle. Mais je ne suis pas encore à bord. Je suis également très sensible à l’axiome selon lequel « personne ne sera véritablement libre tant que tous les hommes ne seront pas libres ». Bien sûr, on peut penser que c’est une chimère d’idéaliste. Mais, pour moi, c’est une vérité complètement élémentaire. Naturellement, je n’imagine pas voir ce jour de mon vivant. Ce que je peux voir, en revanche, c’est une amélioration de la situation par rapport à ce qu’elle est aujourd’hui ! Se révolter face à l’oppression est un droit immuable et intemporel.

Enfin, je suis conscient que tous les gens qui prennent part à cette initiative peuvent avoir des raisons différentes d’agir. Dans mon cas, c’est bien entendu parce que cette situation me rappelle le régime infect de l’apartheid en Afrique du Sud, dont j’ai été le témoin pendant les nombreuses années que j’ai passées au Mozambique. J’ai vu ce que cela signifiait pour les Noirs d’être considérés et traités comme des citoyens de seconde zone dans leur propre pays. Mais j’ai aussi vu ce régime odieux s’effondrer et finir dans les poubelles de l’Histoire sans que ce pays ne sombre pour autant dans la guerre civile.

Aujourd’hui, je vois un régime d’apartheid émerger en Israël. Aussi odieux, aussi inhumain. Ce n’est bien sûr pas une copie conforme de ce qui s’est produit en Afrique du Sud. L’histoire ne se clone pas. Mais le fond – l’oppression de citoyens dans leur propre pays – reste le même.
Peut-être Israël aurait-il eu besoin aujourd’hui d’un Frederik De Klerk ou d’un Nelson Mandela ? Hélas, ce n’est pas le cas. C’est un vœu pieux. Une chimère de romantique. Mon objectif est de contribuer dans la mesure de mes moyens à créer les conditions nécessaires d’un dialogue constructif entre les Palestiniens et les Israéliens, dans lequel aucune des deux parties ne se trouverait en position d’infériorité – c’est ce que j’espère, et que je pense également possible.

Si je monte à bord, c’est en signe de non-violence et de solidarité.

Larguer les amarres n’est pas un acte de guerre !