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Au coeur même d’un procès, miroir piqué de la justice israélienne (ndlr)

Bassim Tamimi : « Vos lois militaires ne sont pas légitimes. Notre protestation est juste »

Dimanche, 26 juin 2011 - 18h55

dimanche 26 juin 2011

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Bassim Tamimi, l’un des leaders des manifestations hebdomadaires en Cisjordanie (An Nabi Saleh), au juge : « Vos lois militaires ne sont pas légitimes. Notre protestation est juste. »

Bassim Tamimi Bassim, qui est en détention préventive depuis plus de 2 mois, a plaidé non coupable pour les charges émises à son encontre et s’est défendu par un discours expliquant ses motivations pour organiser une résistance civile à l’occupation.

Après plus de 2 mois de détention préventive, le procès de Bassim Tamimi, l’un des organisateurs des manifestations hebdomadaires à An Nabi Saleh, s’est finalement tenu hier (le 05.06). Bassim a plaidé non coupable face aux charges qui sont retenues contre lui.

Dans un discours prononcé dans une salle d’audience bondée, Bassim a fièrement avoué l’organisation de la protestation dans le village : « J’organise ces manifestations populaires pour défendre nos terres et notre peuple. » Il a aussi défié la légitimité de ses juges et de leur système : « Malgré le fait de se dire la seule démocratie au Moyen Orient, vous me faites un procès qui relève de la loi martiale [...] loi qui relève d’une autorité pour laquelle je ne vote pas et qui ne me représente pas. » (voir le discours ci-dessous)

Bassim a été interrompu par la juge qui l’a avertit que ce n’était pas un procès politique et que de telles déclarations n’avaient lieu d’être dans une salle de tribunal.

Après avoir fini de lire sa déclaration (écourtée), la juge a annoncé que le protocole d’écoutes a malencontreusement été effacé. Il a également refusé de donner l’ensemble de la déclaration écrite au sténographe.

Les accusations contre Bassim sont basées sur les déclarations (discutables et obtenues sous la contrainte) d’un jeune du village. Il est accusé d’ « incitation, organisation et participation à des manifestations non-autorisées », « sollicitation à la projection de pierres », « manquement à des convocations légales » et « dérangement de procédures légales » pour avoir donner des conseils aux jeunes du village en cas d’arrestation.

La retranscription des interrogatoires de Bassim montre les motivations politiques et la non prise en compte des droits du suspect. Pendant un interrogatoire, Bassim a été accusé de « consulter des avocat(e)s et étranger(e)s pour préparer son interrogatoire », ce qui en soi n’est pas condamnable par la [leur] loi.

Déclaration complète de Bassim :

Madame la juge,

Je tiens ce discours en ayant foi dans la paix, la justice, la liberté, le droit de vivre dignement et le respect de la libre pensée en l’absence de lois justes.

Chaque fois que je suis appelé à comparaitre devant votre court, je suis nerveux et effrayé. Il y a 18 ans, ma sœur a été assassinée dans une salle d’audience comme celle-ci, par une membre du personnel. Dans ma vie, j’ai été emprisonné 9 fois (environs 3 ans en tout), sans jamais avoir été accusé ou reconnu coupable de quoi que ce soit. Durant l’un de ces emprisonnement, j’ai été paralysé à la suite d’actes de torture par vos interrogateurs. Ma femme a été détenue, mes enfants bléssés, mes terres volées par les colons et ma maison est menacée de démolition.

Je suis né en même temps que l’occupation et ai vécu l’inhumanité, les inégalités, le racisme et le manque de liberté qui l’accompagne. Cependant, malgré tout cela, ma foi dans les valeurs humaines et le besoin e paix sur cette terre n’a jamais été ébranlée. La souffrance et l’oppression n’ont pas remplis mon cœur de haine pour qui que ce soit, ni enflammer des sentiments de revanche. Au contraire, elles renforcent ma foi dans la paix et la détermination nationale comme une réponse adéquate à l’inhumanité de l’occupation.

Les lois internationales garantissent le droit des peuples occupés à résister contre l’occupation. Au regard de ce droit, j’ai organisé et appelé à des manifestations populaires et pacifistes contre l’occupation, les attaques de colons et le vol de plus de la moitié des terres de mon village An Nabi Saleh, où mes ancêtres reposent depuis des temps immémoriales.

J’ai organisé ces manifestations dans le but de défendre nos terres et notre peuple. Je ne sais pas si j’ai violé vos lois de l’occupation. Aussi concerné que je le suis, ces lois ne s’appliquent pas à moi et sont dénuées de sens pour moi. Relavant des autorités de l’occupation, je les rejette et ne peut reconnaitre leur validité.

Malgré le fait de se dire la seule démocratie au Moyen Orient, vous me faites un procès qui relève de la loi martiale qui manque de toute légitimité ; cette loi relève d’une autorité pour laquelle je ne vote pas et qui ne me représente pas. Je suis accusé d’organiser des manifestations civil et pacifique qui n’ont pas un aspect militaire et sont légales au regard des lois internationales.

Nous avons le droit d’exprimer notre rejet de l’occupation sous toute ses formes ; le droit de défendre notre liberté et notre dignité en tant que peuple et de rechercher la paix et la justice dans notre pays afin de protéger nos enfants et d’assurer leur avenir.

La nature civile de nos actions est la lumière qui contre les ténèbres de l’occupation, apporte l’aube de la liberté qui réchauffe la froideur des poignets enchainées, balaye le désespoir de l’âme et met fin à des décennies d’oppression.

Ces actions mettent en avant la vraie face de l’occupation, les soldats qui pointent leurs armes sur une femmes marchant dans ses champs ou allant au checkpoint, sur un enfant qui veut boire l’eau douce de la source de ces ancêtres, contre un vieil homme qui veut s’assoir à l’ombre des oliviers, qui lui viennent de sa mère, et ont maintenant été brulés par les colons.

Nous avons épuisé toutes les actions possibles pour stopper les attaques de colons qui refusent de tenir compte de vos décisions de justice, décisions qui confirment que nous sommes les propriétaires de cette terre et ordonnent l’enlèvement de la barrière mise en place.

Chaque fois que nous tentons d’approcher nos terres, en accord avec ces décisions, nous sommes attaqués par les colons, qui nous en empêchent comme s’il s’agissait de leurs terres.

Nous manifestations sont une protestation contre l’injustice. Nous marchons main dans la main avec des Israéliens et des activistes internationaux/ales qui croient, comme nous, qu’il n’y a pas d’occupation qui tienne, que nous pourrions vivre en paix sur cette terre. Je ne sais pas quelles lois maintenues par des généraux, inhibés par la peur et l’insécurité, ou quelles sont leurs pensées sur la résistance civile lorsque ils font face à des femmes, des enfants et des personnes âgées qui portent l’espoir et des rameaux d’olivier mais je sais ce que sont la justice et la raison. Le vol de terre et l’incendie volontaire d’oliviers sont injustes. La violente répression de nos manifestations et notre détention dans vos camps ne sont pas une évidence de l’illégalité de nos actions. C’est injuste d’être jugé par une loi qui nous est imposée. Je sais que j’ai des droits et que mes actions sont justes.

Je sais que le procureur militaire m’accuse d’inciter les manifestants à jeter des pierres sur les soldats. Ce n’est pas vrai. Ce qui incite les manifestants à jeter des pierres c’est le bruit des balles, ce sont les bulldozers de l’occupation quand ils détruisent nos terres, c’est l’odeur des gaz lacrymogènes et de la fumée de nos maisons qui brûlent. Je n’incite personne à jeter des pierres mais je ne suis pas responsable de la sécurité de vos soldats quand ils envahissent notre village et attaquent ses habitants avec leur armes mortelles et leurs équipements de terreur.

Ces manifestations que j’organise ont eu une influence positive sur mes convictions ; elles me permettent de voir des gens de l’autre côté qui croient en la paix et partage ma lutte pour la liberté. Ces combattant(e)s de la liberté ont supprimé l’occupation de leur conscience et mettent leurs mains dans les notre lors des manifestations pacifiques contre notre ennemi commun, l’occupation. Ils (elles) sont devenu(e)s des ami(e)s, sœurs et frères. Nous nous battons ensemble pour un meilleur futur pour nos enfants et les leurs.

Si je suis relâché par la juge, vais-je être convaincu que la justice prévaut toujours dans ses tribunaux ? Sans parler de la justice ou de l’injustice sur laquelle débouchera ce procès, et malgré tout votre racisme, vos pratiques inhumaines et votre occupation, nous allons continuer à croire dans la paix, la justice et les valeurs humaines. Nous élevons toujours nos enfants pour l’amour : l’amour de la terre et des personnes, sont distinction de race, religion ou ethnie, comme le formulait le messager de la paix J. Christ, "aime ton ennemi(e)". Avec amour et justice, nous construisons la paix et l’avenir.

A propos de Bassim Tamimi

Bassim est un activiste palestinien de longue date, venant du village d’An Nabi Saleh, 20 km au nord de Ramallah. Il est marié à Nariman Tamimi avec qui il est parent de 4 enfants : Wa’ed, Ahed, Mohammed et Salam.

En tant qu’activiste, il a été arrêté 11 fois par l’armée israélienne, et a ainsi passé environ 3 ans dans les prisons israéliennes en détention administrative, bien qu’il n’ait jamais été condamné à aucun délit. De plus, ni lui ni son avocat n’ont pas eu accès à la "preuve secrète" retenue contre lui.

En 1993, Bassim était arrêté pour suspicion de meurtre sur un colon de Beit El (colonie à 5 km au nord de Ramallah). Pendant ses semaines d’interrogations, il a été torturé par l’israélien Shin Bet dans le but d’obtenir des aveux de sa part. Pendant l’interrogatoire, à cause de la torture, Bassim s’est effondré et a du être transporté à l’hôpital ou il a fait une semaine de coma.

En tant qu’un des organisateurs des manifestations à An Nabi Saleh et que coordinateur du village avec le comité populaire, Bassim a été traité sévèrement par l’armée. Depuis que les manifestations ont débuté dans le village (décembre 2009), sa maison a été attaquée et fouillée plusieurs fois, sa femme a été arrêtée deux fois, et deux de ses fils ont été blessés : Wa’ed (14 ans) a été hospitalisé 5 jours après qu’une balle en caoutchouc l’ait atteint à la jambe, et Mohammed (8 ans) a été blessé à l’épaule par un gaz lacrymogène, qui a été tiré directement sur lui.

Rapidement après que les manifestations débutent dans le village, l’administration civile israélienne a délivré des ordres de démolitions pour les bâtiments construits en zone C. La maison de Bassim et Nariman en fait partie, alors qu’elle a pourtant été construite en 1965.

Antécédents législatifs

Le 24 mars 2011, un contingent massif de soldatEs a attaqué la maison de Bassim et Nariman vers midi, après le retour de Bassim qui venait préparerr une rencontre avec un diplomate européen. Il a été arrêté et accusé.

Les preuves principales sur les accusations de Bassim proviennent de déclarations d’un jeune de 14 ans, Islam Dar Ayyoub (également d’An Nabi Saleh), qui fut arrêté manu militari dans la nuit du 23 janvier. Dans son interrogatoire le matin suivant son arrestation, Islam a prétendu que Bassim et Naji structuraient des groupes de jeunes en "brigade", chargée de différentes responsabilités durant les manifestations : projection de pierres, blocage des routes, etc.

Lors d’un "procès dans le procès" (durant le procès d’Islam justement), cherchant à démontrer que ses aveux ne sont pas recevables, il a été prouvé que son interrogatoire était totalement faussé et violé les droits reconnus par la loi israélienne sur la jeunesse au regard des points suivants :

Malgré qu’il soit mineur, il a été interrogé le matin suivant son arrestation, sans avoir eu le droit de dormir.

Il n’a pas eu droit aux conseils de son avocat, qui lui même n’a pas eu le droit de le voir.

Il n’a pas eu le droit à la présence de l’un(e) de ses parent(e)s.

Il n’a pas été informé du droit de garder le silence et ses interrogateurs/trices lui ont dit qu’il "devait dire la vérité".

Seulement l’un(e) de ses interrogateurs/trices était qualifié(e) pour interroger des jeunes.

Alors que ce procès dans le procès n’a pas été conclut, la preuve révélée a déjà été portée devant la cour d’appel du tribunal militaire afin d’annuler la décision et la détention à domicile d’Islam.

Durant les 2 derniers mois, l’armée a arrêté 24 habitant(e)s d’An Nabi Saleh à l’occasion des manifestations. La moitié d’entre elles/eux sont des mineurs, le plus jeune d’entre eux à 11 ans.

Depuis le début des manifestations en décembre 2009, 71 habitant(e)s du village ont été arrêté(e)s, soit plus de 10% de la population du village qui compte 550 habitant(e)s.

Les arrestations de Bassim et Naji1 correspondent aux arrestations systématiques des leaders des manifestations, comme c’est la cas dans les village de Bi’lin et Ni’ilin.

Encore récemment, la cour d’appel du tribunal militaire a aggravé la sentence d’Abdallah Abu Rahmah de Bi’lin, amenant sa peine à 16 mois de prison pour incitation et organisation de manifestations illégales. Il avait été libéré en mars dernier.

L’arrestation et le procès d’Abdallah ont été vivement condamnés par la communauté internationale, notamment Catherine Ashton, ministre britannique et européenne des Affaires Étrangères. De sévères critiques des arrestations ont également été émises par des organisations de droits de l’Homme en Israël et dans le monde, parmi lesquelles B’tselem, ACRI, Human Right Watch (qui a déclaré le procès d’Abdallah injuste) et Amnesty International (qui a déclaré Abdallah prisonnier de conscience).