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Rapport dit « Mehlis » suite........

La vérité introuvable

dimanche 26 février 2006

http://www.nouvelobs.com/articles/p2154/a294918.html
Rafic Hariri : la vérité introuvable

L’ancien chef de la commission d’enquête de l’ONU, Detlev Mehlis, a-t-il cédé aux pressions internationales ?

A-t-il été trop proche de la famille Hariri, comme le soufflent en privé beaucoup d’hommes politiques libanais, pourtant alliés au Courant du Futur ?

« Cette enquête a été mal ficelée, regrette un magistrat beyrouthin. Mehlis a été mis sous pression américaine et française. Il s’est retrouvé dans la situation de son homologue Hans Blix quand, en Irak, début 2003, il lui fallait trouver les armes de destruction massive de Saddam Hussein. »

Si la culpabilité de la Syrie ne fait aucun doute pour la quasi-totalité de la classe politique, en revanche, les méthodes de Detlev Mehlis continuent de soulever bien des interrogations.

La vérité sur l’assassinat de Rafic Hariri sera-t-elle connue un jour ?

On peut en douter après la remise au Conseil de Sécurité de l’ONU de la seconde mouture - la première avait « fuité » dans la presse libanaise - du rapport rédigé par le magistrat allemand.

Or le nom du beau-frère de Bachar al-Assad, Assef Shawkat, chef du renseignement militaire, qui figurait parmi les suspects, a curieusement disparu dans la version finale. De plus, si le document rassemble un faisceau de présomptions contre des membres du clan du président syrien Bachar al-Assad, il ne contient aucune preuve formelle contre le régime baassiste. Et à ce jour seuls quatre généraux libanais proches de Damas ont été mis aux arrêts au Liban, à la demande du juge Mehlis.

La crédibilité du rapport est aussi affaiblie par les déclarations de deux faux témoins.

Le premier, Mohamed Zuher al-Sadiq, aujourd’hui incarcéré en France sans que l’on sache vraiment ce qui lui est reproché, se présentait comme un ex-membre des moukhabarat syriens. Il se révèle en fait n’être qu’un escroc approché par la famille Hariri pour accuser la Syrie.

Le second, Hassam Tahar Hassam, pourrait avoir été manipulé par les services syriens, qui lui auraient conseillé de témoigner contre eux puis de se rétracter publiquement lors d’une conférence de presse.

Quoi qu’il en soit, les dégâts sont énormes : Detlev Mehlis a jeté l’éponge et la nouvelle résolution 1636 du Conseil de Sécurité, qui a prorogé de six mois en décembre dernier le mandat de la commission d’enquête, a été édulcorée au point d’être jugée équilibrée par Damas. Même si le texte exige toujours des Syriens qu’ils « coopèrent pleinement avec la commission d’enquête ».

Satisfait de cette évolution, Bachar al-Assad a accédé à la demande américaine de sécuriser sa frontière avec l’Irak en y déployant des milliers de soldats.

Successeur de Mehlis, le magistrat belge Serge Brammertz, 43 ans, vient de la Cour pénale internationale(CPI) de La Haye où il a été procureur adjoint. C’est lui qui avait supervisé les enquêtes sur les atrocités commises en République démocratique du Congo (RDC).

Mais il lui reste à peine plus de quatre mois pour réunir des preuves. Le juge belge doit en premier lieu éclaircir le mystère du fourgon Canter blanc Mitsubishi bourré d’explosifs, conduit par un kamikaze dont on ignore toujours l’identité. Ce fourgon japonais a été volé quatre mois avant l’attentat dans la petite ville de Sagamihara, à 40 kilomètres de Tokyo. Comment s’est-il retrouvé à Beyrouth ? Curieusement, le juge allemand n’a jamais demandé à la police japonaise l’identité du dernier propriétaire du fourgon. Le ou les voleurs ont-ils été appréhendés ? Par quel pays le fourgon a-t-il transité ? Mystère ! Autre bizarrerie, les enquêteurs de l’ONU n’ont pas interrogé non plus les services des douanes du Proche-Orient, qui dressent les documents relatifs aux importations de voitures.

C’est à ces questions que le juge Brammertz doit trouver des réponses pour que les conclusions de l’enquête soient jugées crédibles. Dans son entourage, on indique que le plus grand mutisme sera, dorénavant, observé. Et les liens avec la presse, coupés ! Plus de fuites... jusqu’à la remise du nouveau rapport, début juillet, au Conseil de Sécurité.

Farid Aichoune