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Elles doivent être exemplaires et transparentes, comme la révolution (ndlr)

Tunisie. Les raisons du report des élections

Mardi, 24 mai 2011 - 7h57 AM

mardi 24 mai 2011

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Au terme d’un marathon de trois jours de réunions non stop, la Haute instance indépendante pour les élections a rendu son verdict : l’élection de l’assemblée constituante ne pourra être organisée le 24 juillet, comme prévu initialement.


De gauche à droite Boubaker Ben Thabet, Kamel Jendoubi et Souad Triki.

C’est Kamel Jendoubi qui a fait cette annonce au cours d’une conférence de presse, dimanche après-midi, au siège du Conseil économique et social (Ces), à Tunis, qui abrite l’Instance. Nouvelle date retenue : le 16 octobre, c’est-à-dire après le mois de ramadan (août) et la rentrée scolaire et administrative (septembre), périodes peu propices à la tenue d’élections.

Une mission impossible

Pourquoi ce report qui risque d’ajouter de la confusion et de l’indécision à la situation politique dans le pays, particulièrement instable et volatile ? L’Instance a-t-elle mesuré les conséquences d’une telle décision ? N’était-il pas possible de faire… l’impossible en se donnant les moyens techniques, financiers et humains pour la tenue des élections à la date initialement prévue ?

La réponse de M. Jendoubi, qui était entouré des membres de son équipe, est sans ambages : « Après de longues délibérations, nous avons estimé que ne sommes pas en mesure de garantir, à deux mois du rendez-vous, des élections démocratiques, pluralistes et transparentes ». Il ne s’agit pas seulement de volonté politique, mais de garanties minimales pour la tenue d’un vrai scrutin. « Il s’agit d’un acte fondateur. Nous n’avons pas d’expérience dans ce domaine. Et nous n’avons pas droit à l’erreur, parce que ce serait un coup dur pour la Tunisie. Le monde entier nous observe et nous sommes condamnés à réussir », a expliqué M. Jendoubi.

Tout reste à faire
Selon le président de l’Instance, qui avait eu un entretien le matin avec le Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, le gouvernement provisoire a promis de tout mettre en œuvre pour soutenir M. Jendoubi et son équipe dans leur immense tâche, mais c’est le temps qui manque le plus.

Il faut donc être réaliste et se rendre à l’évidence : le pays n’est pas outillé pour le moment pour organiser de vraies élections démocratiques. Et pour cause : tout reste à faire. Il faut mettre en place :

- l’Instance elle-même, et son appareil administratif, financier et technique ;

- les cellules de l’Instance dans les régions et dans les pays où résident les Tunisiens, et les doter des moyens administratifs, financiers et techniques ;

- définir le nombre et la localisation des centres d’enregistrement, et les doter des moyens nécessaires ;

- établir les nouvelles listes électorales et veiller à assurer le droit de vote et de se porter candidat à tous les citoyens ;

- définir les programmes de formation et les moyens logistiques, et les mettre en route ;

- préparer et mettre en place les campagnes d’information et de sensibilisation pour l’opération électorale ;

- recruter et former les agents qui veilleront à la bonne marche de l’opération électorale ;

- mettre en place le système de contrôle de l’opération de vote, de dépouillement, de gestion des recours, de proclamation des résultats, etc.

Report mais pas relâchement

Face à l’ampleur de la tâche, M. Jendoubi et son équipe – composée de seize membres élus par la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution – ont préféré ne pas courir de risques inutiles. L’aide promise par certains partenaires internationaux de la Tunisie, telle l’Union européenne, est la bienvenue, mais quels que soient les moyens qui seront mis en œuvre, l’Instance ne peut pas faire de miracle ou promettre la lune.

Il faut certes se hâter, puisque tout le monde est pressé de rétablir la légitimité des urnes, mais sans tomber dans la précipitation ou le bâclage, qui auraient des conséquences autrement plus néfastes que celles qu’on pourrait craindre d’un report.

Il ne s’agit donc pas de faire de la surenchère, de se bercer de douces illusions ou de donner de fausses certitudes aux électeurs, qui profiteront peut-être de ce report pour mieux faire leur apprentissage. Idem pour les partis, même si ce report a bousculé l’agenda de certains d’entre eux. Idem également pour l’administration, et pour toutes les parties prenantes dans le processus électoral.

Reste que ce report ne devrait pas être synonyme de relâchement, car même si le délai a été retardé de trois mois, le temps manquera nécessairement à qui ne mettra pas le turbo pour être fin prêt le 16 octobre. Tout le monde est donc prévenu : l’été sera particulièrement studieux. Grosses sueurs en perspectives.
Ridha Kéfi