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Une version en langue allemande, suivra dans les jours prochains.

Lettre ouverte à Madame Angela Merkel, Chancelière de la République Fédérale d’Allemagne

par Michel Flament, Coordinateur de la « Coordination de l’Appel de Strasbourg »

lundi 27 février 2006

Michel Flament
4, Avenue Charles de Gaulle
F -67800 Bischheim

Strasbourg, le 22 février 2006

Lettre ouverte à Madame Angela Merkel

Madame la Chancelière,

C’est à quadruple titre que je m’adresse à vous :

-en tant que citoyen français
-en tant que citoyen européen
-en tant qu’habitant cette belle province d’Alsace que nos deux pays se sont disputée durant si longtemps et qui est un symbole de la réconciliation de deux peuples
- en tant que militant pour les droits de l’homme, épris de justice et d’impartialité.

Mon enfance et mon adolescence ont été jalonnées d’épisodes dramatiques consécutifs à la guerre sans merci que se sont livrés nos deux pays. Ces blessures n’ont commencé à se cicatriser que lorsque, l’âge venant et mon intérêt pour la politique croissant, j’ai apprécié la façon dont nos deux pays comblaient petit à petit le fossé séculaire qui les séparait et cela grâce à des hommes et des femmes politiques de grande qualité qui, faisant taire leurs sentiments personnels et passant souvent outre la ligne rigide des partis dont ils étaient issus, ont œuvré, jusqu’à leur mort, pour que le Rhin légendaire ne soit plus qu’un magnifique fleuve nous réunissant sur ses berges.

Mettant souvent une sourdine à mes options politiques personnelles, mon admiration pour le travail laborieusement accompli par ces personnalités politiques qui resteront dans l’Histoire est restée constante.

Lors de votre élection en tant que chancelière, l’année dernière, et bien que ma tendance politique soit différente de la vôtre, j’ai attendu vos premières déclarations pour me faire une opinion toute personnelle sur le délicat travail que vous aviez à entreprendre dans un Bundestag dont la majorité politique était aussi fragile. Permettez, qu’en tant que citoyen français si proche de vos frontières et au cœur si européen, je m’intéresse à ce qui se passe dans votre plus haute instance exécutive.

Votre premier déplacement aux Etats-Unis et la ferme déclaration que vous avez eu le courage de faire, en présence du Président Bush, condamnant l’existence même de Guantanamo m’a rempli d’admiration et j’ai alors estimé que les défenseurs des Droits de l’homme et du Droit international pouvaient et devaient vous faire confiance.

Depuis ce déplacement, mais c’est probablement une insuffisance d’information de ma part, je ne vous ai pas entendue défendre avec autant d’autorité et de courage les violations quotidiennes de ces mêmes droits dans d’autres endroits du monde.

Certes votre pays, et ce n’est un secret pour personne, souffre encore, et c’est normal, du drame épouvantable qui s’est déroulé sur votre sol durant la dernière guerre mondiale et qui s’est traduit par l’holocauste. Tous les citoyens dignes de leur citoyenneté européenne comprennent ce sentiment et peuvent admettre qu’il faille plus qu’une génération pour ne pas en porter, au quotidien, les douloureux stigmates.

Cependant, ne pensez-vous pas que, parallèlement et de façon aussi déterminée que le devoir de mémoire s’impose, il est indispensable de dénoncer de la même façon courageuse que vous l’avez fait à Washington, la violation permanente du Droit international, des Conventions de Genève, des Résolutions de l’ONU et du Conseil de Sécurité, par l’armée et donc le gouvernement israélien dans les Territoires palestiniens illégalement occupés ? de réclamer pour les 9300 prisonniers palestiniens le droit à une justice équitable ?

En tenant un discours de ce type, de même que vos plus proches collaborateurs et Ministres, vous apporteriez très certainement et à votre peuple et aux citoyens européens une bouffée d’oxygène et leur ouvririez la voie d’un espoir de paix basé sur la justice et l’équité.

Croyez bien qu’il n’est nullement dans mon intention d’entamer une polémique à ce sujet et que l’objectif de cette lettre ouverte est de vous rendre attentive, et je suis persuadé que, dans votre for intérieur, vous partagez mon sentiment, à l’indispensable équilibre d’appréciation des situations et à l’expression publique dont vous avez la charge et qui doit, sans faille, « dire » le Droit et mettre tout en œuvre pour que celui-ci redevienne la règle incontournable d’une bonne et juste gouvernance.

Hors de ce Droit, il ne peut y avoir qu’arguments pour ceux qui cherchent à diviser ou à ériger des barrières. Ce Droit est la base même de nos Sociétés et chaque pays est en charge d’en demander le respect et d’en exiger l’application. Face à ce Droit, brandi par des puissances telles que celle que devra un jour représenter l’Europe, aucun argument ne tient.

A notre époque où le rôle de la Femme devient enfin de plus en plus important, en politique comme en toute autre science, je souhaite, Madame la Chancelière, que vous soyez celle qui, dans la lignée de vos prédécesseurs « pères fondateurs de l’Europe », au nom du Droit, redonniez à tous les citoyens européens la satisfaction d’appartenir à une communauté dans laquelle on peut passer devant un miroir sans détourner les yeux.

Veuillez croire, Madame la Chancelière, à l’expression de ma parfaite considération.

Michel Flament