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Par Uri Avnery - Opinion

Réconciliation palestinienne – un seul mot : bravo !

Dimanche, 1er mai 2011 - 5h48 AM

dimanche 1er mai 2011

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La nouvelle de l’accord de réconciliation palestinienne entre le Fatah et le Hamas est bonne pour la paix. Si les dernières difficultés sont aplanies et qu’un accord complet est signé par les deux dirigeants, ce sera un énorme pas en avant pour les Palestiniens – et pour nous.

Ça n’a aucun sens de faire la paix avec la moitié du peuple. Faire la paix avec l’ensemble du peuple palestinien est peut-être plus difficile, mais elle sera infiniment plus fructueuse.

Un seul mot : bravo !

Benjamin Netanyahou dit aussi bravo. Puisque le gouvernement d’Israël a déclaré que le Hamas était une organisation terroriste avec laquelle il ne peut y avoir quelque accord que ce soit, Netanyahou peut maintenant mettre un terme à toute négociation de paix avec l’Autorité Palestinienne. Quoi ! La paix avec un gouvernement qui comprend des terroristes ? Jamais ! Discussion terminée.

Deux bravos, mais quelle différence !

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LE DEBAT israélien sur l’unité arabe remonte loin dans le temps. Il avait déjà commencé au début des années 50, lorsque l’idée d’une unité pan-arabe lui avait fait dresser l’oreille. C’est Gamal Abdel Nasser, en Egypte, qui hissa cette bannière, et le mouvement pan-arabe Baas est devenu une force dans plusieurs pays (bien avant qu’il ne dégénère en mafias locales en Irak et en Syrie). Nahum Goldman, le président de l’Organisation Sioniste Mondiale, soutenait que l’unité pan-arabe était bonne pour Israël. Il était convaincu que la paix était nécessaire pour l’existence d’Israël et qu’il faudrait que tous les pays arabes soient ensemble pour avoir le courage de la faire.

Davis Ben Gourion, le Premier ministre israélien [d’alors], pensait que la paix était mauvaise pour Israël, du moins jusqu’à ce que le sionisme ait atteint tous ses buts (non-définis publiquement). Dans un état de guerre, l’unité entre les Arabes était un danger qui devait être évité à tout prix.

Goldman, le lâche le plus brillant que j’ai jamais connu, n’avait pas le courage de ses convictions. Ben Gourion était beaucoup moins brillant, mais beaucoup plus déterminé.

Il a gagné.

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A PRESENT, nous avons le même problème qui revient.

Netanyahou et sa bande de saboteurs de la paix veulent empêcher à tout prix l’unité palestinienne. Ils ne veulent pas la paix, parce que la paix empêcherait Israël de réaliser les objectifs sionistes, tels qu’ils les conçoivent : un Etat juif sur toute la Palestine historique, depuis la mer jusqu’au Jourdain (au minimum). Ce conflit va durer encore très, très longtemps, et, plus l’ennemi est divisé, mieux c’est.

En fait, l’émergence même du Hamas a été influencée par ce calcul. Les autorités israéliennes d’occupation ont encouragé délibérément ce mouvement islamique, qui est devenu plus tard le Hamas, pour faire contrepoids au Fatah, nationaliste et laïc, qui était alors considéré comme l’ennemi principal. Plus tard, le gouvernement israélien a délibérément nourri la division entre la Cisjordanie et la Bande de Gaza en violant l’accord d’Oslo et en refusant d’ouvrir les quatre « passages sûrs » entre les deux territoires, prévus par cet accord. Aucun d’eux n’a été ouvert ne serait-ce qu’une seule journée. La séparation géographique a entraîné la séparation politique.

Lorsque le Hamas a remporté les élections palestiniennes en janvier 2008, surprenant tout le monde, y compris lui-même, le gouvernement israélien a déclaré qu’il ne passerait aucun accord avec un gouvernement palestinien dans lequel le Hamas serait représenté. Il ordonna – il n’y a pas d’autre mot – aux gouvernements américain et européens de faire de même. Le gouvernement d’unité palestinien a donc été renversé.

L’étape suivante fut l’initiative israélo-américaine d’installer un homme fort de leur choix comme dictateur de la Bande de Gaza, le rempart du Hamas. Le héros choisi était Mohammed Dahlan, un chef local. Ce n’était pas un très bon choix – le chef de la sécurité israélien avait récemment dévoilé que Dahlan s’était effondré en sanglots dans ses bras. Après une courte bataille, le Hamas a pris le contrôle direct de la Bande de Gaza.

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UNE DIVISION fratricide dans un mouvement de libération n’est pas une chose exceptionnelle. C’est même souvent la règle. Le mouvement révolutionnaire irlandais en a été un exemple remarquable.

Dans ce pays [la Palestine], nous avions le combat entre la Haganah et l’Irgoun, qui devint par moments violent et très vilain. Ce fut Ménahem Begin, alors commandant de l’Irgoun, qui empêcha la guerre civile totale.

Le peuple palestinien, avec toutes les chances contre eux, peut difficilement s’offrir un tel désastre. La division a généré en une haine mutuelle intense entre les compagnons d’armes qui s’étaient retrouvés ensemble dans les prisons israéliennes. Le Hamas a accusé l’Autorité Palestinienne – à juste titre – de coopérer avec le gouvernement israélien contre lui, exhortant les Israéliens et les Egyptiens à resserrer le blocus brutal contre la Bande de Gaza, et même en empêchant un accord pour la libération du prisonnier de guerre israélien Gilad Shalit, afin de bloquer la libération d’activistes du Hamas et leur retour en Cisjordanie. De nombreux activistes du Hamas souffrent dans les prisons palestiniennes, et le gros des activistes du Fatah dans la Bande de Gaza n’est guère plus joyeux.

Pourtant, le Fatah et le Hamas sont des minorités en Palestine. La grande masse des Palestiniens veut désespérément l’unité et une lutte conjointe pour mettre fin à l’occupation. Si l’accord de réconciliation final est signé par Mahmoud Abbas et Khaled Meshaal, partout les Palestiniens seront en liesse.

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BENJAMIN NETANYAHOU jubile déjà. L’encre n’était pas encore sèche sur l’accord préliminaire initié au Caire, que Netanyahou a fait un discours solennel à la télévision, une sorte d’adresse à la nation après un événement historique.

« Vous devez choisir entre nous et le Hamas », a-t-il dit à l’Autorité Palestinienne. Cela ne devrait pas être trop difficile – d’un côté, un régime d’occupation brutal, de l’autre, des frères palestiniens avec une idéologie différente.

Mais cette menace stupide n’était pas le point principal de sa déclaration. Ce que Netanyahou nous a dit était qu’il n’y aurait aucun accord avec une Autorité Palestinienne liée d’une façon ou d’une autre avec le « Hamas terroriste ». Toute cette affaire est un énorme soulagement pour Netanyahou. Il a été invité par les nouveaux maîtres républicains à s’adresser au Congrès US le mois prochain et il n’avait rien à dire. Il n’avait rien non plus à offrir à l’ONU, qui s’apprête à reconnaître l’Etat de Palestine en septembre prochain. A présent, il a quelque chose à dire : la paix est impossible, tous les Palestiniens sont des terroristes qui veulent nous jeter à la mer. Par conséquent : pas de paix, pas de négociations, rien, nada.

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SI L’ON veut vraiment la paix, le message devrait bien entendu être différent.

Le Hamas fait partie de la réalité palestinienne. Bien sûr, il est extrémiste, mais, comme les Britanniques nous l’ont enseigné maintes fois, il vaut mieux faire la paix avec des extrémistes qu’avec des modérés. Si vous faites la paix avec les modérés, vous devrez toujours vous occuper des extrémistes. Faites la paix avec les extrémistes et le problème sera terminé.

En réalité, le Hamas n’est pas aussi extrême qu’il aime se présenter lui-même. Il a déclaré de nombreuses fois qu’il accepterait un accord de paix basé sur la ligne de séparation de 1967 et signé par Mahmoud Abbas, si celui-ci était ratifié par le peuple par voie de référendum ou par un vote au parlement. Accepter l’Autorité Palestinienne signifie accepter l’accord d’Oslo, sur lequel elle est basée – incluant la reconnaissance mutuelle d’Israël et de l’Organisation de Libération de la Palestine. Dans l’Islam, comme dans toutes les autres religions, le mot de Dieu est définitivement irrévocable, mais il peut être « interprété » de toutes les façons pratiques. Ne le savons-nous pas, nous, les Juifs ?

Qu’est-ce qui a rendu les deux camps plus flexibles ? Les deux ont perdu leurs protecteurs – le Fatah, son protecteur égyptien, Hosni Moubarak, et le Hamas, son protecteur syrien, Bachar el-Assad, sur lequel ils ne peuvent plus compter. Cela a conduit les deux camps à voir la réalité en face : les Palestiniens se retrouvent seuls, alors ils feraient mieux de s’unir.

Pour les Israéliens favorables à la paix, ce sera un grand soulagement d’avoir à traiter avec un peuple palestinien et un territoire palestinien unifiés. Israël peut faire beaucoup pour y aider : ouvrir enfin un passage libre extraterritorial entre la Cisjordanie et Gaza, mettre un terme à ce stupide et cruel blocus de la Bande de Gaza (qui est devenu d’autant plus idiot avec l’élimination du collaborateur égyptien), laisser les Gazéens ouvrir leur port, leur aéroport et leurs frontières. Israël doit accepter le fait que des éléments religieux fassent désormais partie de la scène politique dans tout le monde arabe. Ils s’institutionnaliseront et deviendront, probablement, bien plus « modérés ». Cela fait partie de la nouvelle réalité dans le monde arabe.

L’émergence d’une unité palestinienne devrait être accueillie favorablement par Israël, de même que par les nations européennes et les Etats-Unis. Ces pays devraient être prêts à reconnaître l’Etat de Palestine à l’intérieur des frontières de 1967. Ils devraient encourager la tenue d’élections palestiniennes libres et démocratiques et accepter leurs résultats, quels qu’ils soient.

Le vent du Printemps Arabe souffle également sur la Palestine. Bravo !