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EGYPTE : images d’espoir et de consolidation populaire(ndlr)

1er Mai des travailleurs place Tahrir – La Révolution continue pour la Justice Sociale

Jeudi, 28 avril 2011 - 8h41 AM

jeudi 28 avril 2011

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1er Mai des travailleurs place Tahrir – La Révolution continue pour la Justice Sociale
avril 26, 2011
Sur tous les continents, se prépare la journée de la fête internationale des travailleurs. Cette année 2011, nombre de défilés porteront partout le mot d’ordre de solidarité avec les Révolutions dans le monde arabe. Cela sera aussi le cas à Paris. L’internationale retentira ainsi aussi en arabe (pour les impatients, vous pouvez l’écouter ici ou ici). Comme ce fut déjà le cas en janvier dernier lors du soulèvement révolutionnaire tunisien (et là).

Les employées du secteur public de la santé manifestent au Caire

Tous ensemble pour la jonction des luttes
pour les libertés démocratiques et la justice sociale !

En Égypte, la nouvelle fédération des syndicats indépendants voit affluer les adhésions de nouvelles associations ouvrières, paysannes, étudiantes ou professionnelles – après les cheminots, après les cheminots et les employés des transports publics, les ouvriers du textile, de l’énergie ou de l’automobile, les journalistes aussi s’y mettent -, dans la foulée de la Révolution du 25 janvier. Elle appelle au Caire à se rassembler le 1er Mai place Tahrir pour renouer avec l’extraordinaire jonction entre la jeunesse, les femmes, les classes moyennes brimées et les classes laborieuses, qui ont fait chuter Moubarak, son régime policier et corrompu.
N’oublions pas que la première « journée de la colère » du 25 janvier avait été appelée par le Mouvement du 6 avril, composé pour l’essentiel de jeunes solidaires des ouvriers face à la répression brutale d’une tentative de grève générale en 2008 à Mahalla el Koubra, grand bastion industriel et textile dans le delta du Nil. Et que le mot d’ordre réussi de grève générale lancé le 9 février 2011 a précipité les événements, en articulant revendications politiques pour les libertés démocratiques et revendications sociales. Tout cela, malgré les provocations de la baltagueya (milices para-policières) et les nombreuses victimes, dans un esprit « selmeya, selmeya », festif et chantant.

Ce 1er Mai, les syndicalistes indépendants entendent réitérer cet état d’esprit avec les forces vives de la Révolution. Poésie et chanson seront à nouveau à l’honneur, avec pour têtes d’affiches le chanteur Ali Haggar et le poète Sayed Hegab qui, dans son dernier recueil de textes, « Al Toufan », avait pressenti le « typhon » révolutionnaire.

Le patron du syndicalisme corrompu en prison
Vive les syndicats indépendants, les organisations politiques ouvrières et les comités populaires !

Syndicalistes et manifestants pourront se prévaloir d’un nouvel acquis de la Révolution : l’arrestation et la mise derrière les barreaux de Hussein Megawer, le patron de la fédération officielle des syndicats notoirement connue pour son rôle de courroie de transmission avec l’ancien régime. Cet individu, membre du PND aujourd’hui dissout, est accusé d’avoir fomenté avec d’autres hauts responsables la fameuse « bataille des chameaux » du 2 février place Tahrir. Il devrait être jugé pour meurtres avec préméditation. Le sera-t-il aussi pour népotisme, entrave à la liberté d’association ou pour ses pratiques coercitives (adhésions forcées aux syndicats maison, extorsion de fonds des poches des travailleurs etc.) ?
Le mouvement révolutionnaire et démocratique réclame ces poursuites, et reste plus que jamais mobilisé pour la satisfaction de ses revendications sociales et politiques, malgré les tentatives de criminalisation des grèves et manifestations qui bloqueraient la circulation ou porteraient atteinte à l’intérêt national (cf. projet de décret-loi adossé à l’état d’urgence du 24 mars 2011). Après la chute de Moubarak le 11 février, les ouvriers en lutte ont refusé de « rentrer à la maison » et de « reprendre le travail » au nom de la « stabilité » politique et économique du pays, comme l’ont demandé l’armée, mais aussi le prédicateur Youssef El Quaradawi ou le cyberactiviste Waël Ghonim, intrônisé depuis « l’homme le plus influent de l’année » par le magazine Time. Même les médias avaient alors crié haro sur les « Egoïstes » travailleurs ! C’était avant le mouvement de « purification » des médias et la création du syndicat indépendant des journalistes et des employés des médias.

Ces « égoïstes » travailleurs, c’est vrai, veulent le pouvoir, le pouvoir au peuple ! Et ils n’ont pas la bienséance d’attendre. Ainsi à Manshiyet El Bahri, non contents d’avoir créé leur syndicat indépendant le 25 mars 2011, docteurs, infirmières et travailleurs hospitaliers ont élu en assemblée générale un nouveau directeur après avoir viré l’ancien. Il y a de l’auto-gestion dans l’air…

Vendredi 22 avril, les Comités populaires pour la sauvegarde de la Révolution ont de leur côté rassemblé place Tahrir 5 000 personnes pour leur première assemblée nationale. Ces comités, estimés à 220, implantés à travers le pays et déjà regroupés dans une quarantaine de coordinations locales, ont pour vocation l’auto-défense des quartiers, des villages et des usines. Constitués après le retrait soudain de la police en tenue le 28 janvier et la déferlante « baltagueya », ils regroupent des habitants volontaires dont la première mission est d’assurer la sécurité. Depuis, ils ont étendu leur domaine d’action, en développant le monitoring de la police, des autorités locales et des services sociaux. Et réclament eux aussi le jugement des hommes de pouvoir corrompus, le démantèlement des conseils locaux mal élus, la restitution des biens publics illégalement appropriés, et l’élection démocratique des gouverneurs locaux pour éviter des incidents tels que ceux de Qena qui ont dégénéré en conflit confessionnel. A ce propos, lire la lettre d’Égypte n° 6.

Ils demandent aussi la fin de la comparution des civils devant des tribunaux militaires. L’article de Masr al-Youm sur l’assemblée du 22 avril, rappelle que les Comités populaires ont une histoire qui remonte au moins à 1973 : les habitants de Suez avaient alors créé un comité contre le blocus israélien dans le Sinaï et, depuis, ils demeurent actifs, et l’ont particulièrement été lors des violents affrontements avec la police fin janvier 2011)

Congrès des comités populaire, Place Tahrir, 22 avril 2011

Différentes formes de politisation du mouvement social

Les Comités populaires ont choisi de ne pas céder à la mode en vogue : pour chaque problème particulier un nouveau « parti ». Ils se présentent davantage comme un groupe de pression populaire implanté à la base, et sont d’une efficacité redoutable à en croire le blogueur « Sandmonkey ». Mais ils invitent les partis à venir présenter leurs analyses et leur programme quand il y en a un, à l’occasion de rencontres publiques dans les quartiers. Ils ont ainsi déjà organisé des conférences avec des érudits sur les questions économiques et sur le capitalisme. A chacun ensuite de se faire sa propre opinion.

La question de la forme parti fait débat. D’autant plus que la Constitution intérimaire adoptée suite au référendum du 19 mars dernier interdit explicitement tout parti de classe (une mesure censée faire contre-poids à l’interdiction de partis sur une base religieuse). Mais d’ores et déjà, il existe des partis ouvriers « de facto », s’inspirant de différents modèles ailleurs dans le monde (PT au Brésil par exemple), alternant entre « avant-gardisme », institutionnalisation et immersion dans le mouvement social. La gauche traditionnelle se recompose plutôt autour de l’Alliance populaire socialiste, l’extrême-gauche autour du Parti démocratique des travailleurs ou de l’Alliance des travailleurs révolutionnaires. « Nous ne cherchons pas à nous transformer en parti statutaire, mais davantage à coordonner ouvriers, paysans, ONG et partis pour la conquête des droits de tous les travailleurs, au-delà des affiliations politiques », précise Fatma Ramadan, militante syndicaliste et membre de l’Alliance des travailleurs révolutionnaires, qui a tenu le 8 avril 2011 sa première conférence inaugurale. Voir aussi sur le site de tadamonmasr (en arabe)

Le Mouvement du 6 avril, réuni pour son troisième anniversaire, n’a pour sa part pas tranché entre sa transformation en parti politique, en ONG, ou s’il doit se maintenir sous sa forme actuelle de réseau plus informel, tant la défiance populaire à l’égard des partis et des politiciens est encore grande. Groupe de vigilance et de pression (« watchdog »), le Mouvement cherche cependant lui aussi comment concilier sa vocation protestataire avec l’aspiration à devenir force de propositions.

Des luttes sociales continues qui doivent déboucher sur une nouvelle politique contre les privatisations et pour une meilleure redistribution sociale
Quoi qu’il en soit, mouvements de la jeunesse et des femmes, comités populaires, coordinations ouvrières et paysannes, partis de gauche et dans une moindre mesure militants syndicalistes proche des Frères musulmans réformistes, tous adhèrent aux revendications avancées par les syndicats indépendants, à la fois sur le plan politique et démocratique (droit d’expression et de libre association, de grève et de manifestation…) et sur le plan social (salaire minimum garanti, fin de la précarité des statuts des travailleurs, droit à la sécurité sociale, à des indemnisations chômage et à des retraites décentes, à un logement, à la santé et à une éducation de qualité…).

Ils se reconnaissent aussi dans les luttes ouvrières et paysannes qui, de plus en plus, remettent en cause la privatisation calamiteuse des services publics et du potentiel agricole ou industriel du pays, passant par la vente souvent illégale de terres, de machines ou d’usines à des repreneurs privés, égyptiens ou étrangers. Une politique économique menée sous l’injonction du FMI, directement complice de la formation de cette classe d’affairistes liée au capitalisme financier globalisé représentée par le clan Moubarak et surtout son fils Gamal, dont la partie visible de l’iceberg est aujourd’hui jetée en prison.

Des paysans ont occupé des terres convoitées par de riches acquéreurs notamment saoudiens et quataris, et la redistribution des terres spoliées est à l’ordre du jour.

Les travailleurs d’une usine textile à Assiut ont mi-avril fait barrage à l’arrivée de son nouvel acquéreur, un consortium de banques privées de mèche avec l’ancien premier ministre Ahmed Nazif, lui aussi depuis peu sous les verrous. A Shobra El Kom, les ouvriers du textile en grève contre Indorama, un repreneur indonésien, ont d’abord refusé les plans de licenciements, les réaménagements de nouveaux horaires de travail imposés et des conditions de travail quasi « esclavagistes », puis porté devant la justice leur demande de renationalisation. Un test qui aura valeur de symbole pour quelques 230 entreprises privatisées dont les employés réclament la renationalisation. Parmi ces entreprises, on trouve la fameuse chaîne de magasins Omar Effendi. Sur ce cas, lire « Empowering Egypt’s workers revolution », et « Iconic Omar Effendi chain to return to Egyptian »).

Travailleurs et chômeurs, solidarité !
Les Comités populaires participent à leur manière directement à ces luttes. Ainsi, dimanche 24 avril à Alexandrie, un Comité populaire a-t-il viré manu-militari des baltagueya qui occupaient l’usine textile d’El Seyouf et qui escomptaient avec quelques ouvriers corrompus voler les machines-outils pour les revendre au marché noir. Cependant, ces comités restent surtout composés de « batala » ces chômeurs, travailleurs journaliers ou précaires survivant dans une économie « informelle » ou « souterraine » qui emploie selon l’économiste néolibéral Hernando de Soto près de 10 millions de personnes (contre 7 millions dans le privé et 6 millions dans le public, Le Figaro, 17 février 2011).

Du coup, ils mettent aussi en avant la défense des « batala », exigeant une réévaluation de leur existence, notamment par la généralisation de l’accès aux denrées alimentaires de base subventionnées par l’Etat, et par le droit à un revenu minimum garanti – avec ou sans travail- pour tous. Afin d’attirer l’attention publique sur l’ampleur de la précarité, qu’il ne s’agit surtout pas d’entretenir, ils préconisent des enquêtes socio-économiques révélant les vrais chiffres du chômage et de la pauvreté – rappelons que près de la moitié de la population vit avec moins de 2 dollars par jour -. Et ils lancent le projet de la création d’un grand syndicat des chômeurs

"Fête du 1er Mai"

C’est maintenant ou jamais !

Le 1er Mai, les forces vives de la Révolution du 25 janvier convergeront pour faire entendre l’ensemble de ces revendications et pour pousser le gouvernement de transition à défendre face aux forces de la contre-révolution en embuscade – avec l’appui de la réaction arabe – , une politique de redistribution sociale, garantissant à la fois la sécurité alimentaire, l’empowerment des pauvres et des classes laborieuses, et une autre politique de relance économique basée sur l’intérêt général, l’indépendance nationale, la solidarité inter-arabe, africaine et internationale, dans le respect des droits des gens.

Messieurs Essam Sharaf, premier ministre, Ahmed Hassan El Bouray, ministre du travail et des migrants – ancien expert de l’Organisation internationale du travail -, Emad Badreddine Abou Ghazi, ministre de la Culture, vous avez été nommés avec l’approbation et le soutien de la Révolution et des syndicalistes indépendants. Alors, si vous êtes toujours des nôtres, on vous dit : « C’est maintenant ou jamais ! ». Pour nous, al Thawra Moustamerra, La Révolution continue