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Source : Comité des relations internationales du PC libanais, relayé par Al-Oufok

La situation politique et socio-économique au Liban et dans le monde arabe

Mardi, 19 avril 2011 - 17h20

mardi 19 avril 2011

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Le bulletin suivant présentera, dans sa première partie, une analyse rapide des changements survenus dans le monde arabe, à commencer par les révolutions tunisienne et égyptienne. Il parle des développements, très dangereux, de la situation en Lybie et le possible aboutissement de cette situation à la lumière des crimes commis par Kadhafi et de l’immixtion des Etats-Unis et de certains pays européens (ainsi que de l’OTAN). Il évoque aussi le départ de l’opération impérialiste au Soudan et dont le but est l’émiettement de ce pays.

La seconde partie du bulletin parle de la situation politique et économique au Liban ; elle dresse, surtout, un bilan exhaustif et analytique des conditions économiques et sociales qui avaient prévalu durant l’année 2010, sans oublier le programme de lutte du PCL dans les différents domaines de la vie.

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I. Les développements dans le monde arabe

Le monde arabe vit, aujourd’hui, un soulèvement révolutionnaire exceptionnel, tant par son extension que par la profondeur des revendications. Ce soulèvement ne s’exprime pas seulement au sein de la classe ouvrière arabe mais aussi chez une grande partie de la petite et moyenne bourgeoisie. C’est que la situation difficile dans la quelle se trouve cette petite et moyenne bourgeoisie, à cause des politiques néolibérales outrancières appliquées généralement à partir des années quatre-vingt-dix du siècle dernier, s’est envenimée de plus en plus à partir de 2008, tant à cause de la crise générale du capitalisme, et ses répercussions sur les économies arabes, que par le fait de l’économie rentière et inféodée au capitalisme mondial.

L’aggravation des problèmes socio-économiques s’était traduite, ces tris dernières années, par la hausse notoire des taux du chômage et de l’émigration parmi les jeunes et les femmes, la fermeture des sociétés et des usines, en plus des milliers de mouvements sociaux et de grèves qui, souvent, étaient réprimés sauvagement… Sans oublier l’absence des libertés générales, le refus de légaliser les partis politiques, la censure et la tenue en laisse des syndicats ouvriers.

Tout cela, exacerbé par l’occupation directe de plus d’un pays arabe, par l’aide que les Etats-Unis et les troupes de l’OTAN procurent à Israël dans sa politique d’agression contre le peuple palestinien et le peuple libanais (à commencer par la guerre de 2006 et les blocus de la région de Gaza) et, surtout, par la participation des régimes arabes à ces faits militaires, a créé l’atmosphère propice aux soulèvements qui, partant de Tunisie, ont vite gagné tous les pays arabes.

1 - Les deux révolutions en Egypte et en Tunisie et les autres soulèvements

La période actuelle rappelle celle qui fit suite dans le monde arabe à la Nakba de la Palestine. Les peuples s’étaient alors soulevés pour mettre fin à des régimes caractérisés par leur obédience aux colonialismes français et britannique. Cependant, il est nécessaire de voir les différences qui existent entre les révoltes (et les coups d’Etats) des années cinquante et soixante du XXème siècle et celles d’aujourd’hui : les nouveaux soulèvements ont un très large caractère de masse ; on y remarque le rôle joué par le mouvement syndical ouvrier et le mouvement féminin en plus de celui, de premier plan, échu aux jeunes (qui ont su profiter de la révolution dans les télécommunications) dans le regroupement des mouvements de protestations et la précision de leurs slogans.

De plus, il est nécessaire d’attirer l’attention sur l’extension du mouvement nouveau à la région du Golfe arabique que l’impérialisme a toujours tenté de garder « sous contrôle » à cause de son importance stratégique et économique.

Cette extension est la preuve que le mouvement de libération des peuples arabes a pris son essor, compte non tenu de certaines « analyses » qui tentent de lui imposer des caractères confessionnels ou ethniques ; et ce mouvement ne pourrait qu’aboutir à la victoire, mettant en échec l’offensive menée par les forces de la contre révolution appuyées par les Etats-Unis ainsi que les projets impérialistes-sionistes prévus pour la région, dont, en premier lieu, celui du « Nouveau Moyen Orient ». Rappelons rapidement que ce projet se base sur la liquidation de l’identité arabe pour la remplacer par une autre basée sur les divisions religieuses et confessionnelles qui n’a d’autre but que celui de morceler le monde arabe en y créant « deux croissants », l’un sunnite et l’autre chiite ; ce qui confirmerait la nécessité d’aller de l’avant dans la mise en exécution du projet intitulé « Israël : Etat des juifs dans le monde ». De pus, un tel projet permettrait aussi à Israël de recouvrer le rôle pour lequel il fut créé, à savoir celui de base avancée de l’impérialisme au cœur du monde arabe, ce qui permettrait à cet impérialisme de continuer à mettre la main sur les sources d’énergie et de contrôler la plus grande réserve mondiale de pétrole et de gaz qui assure aux grandes sociétés, étasuniennes surtout, des rentrées et des bénéfices colossaux. D’ailleurs, le nouveau rôle joué actuellement par Israël en Irak (et plus précisément dans la région kurde) ainsi qu’au sud du Soudan et dans les pays du Maghreb constitue une preuve irréfutable que le projet a pris un nouvel élan.

A partir de cette analyse, les nouveaux soulèvements, dont les deux révolutions en Tunisie et en Egypte, font face à une opposition féroce, tant de la part des forces réactionnaires toujours représentées dans certaines instances du pouvoir, que de la part des Etats-Unis et de ses alliés européens. Le recouvrement du pouvoir par la contre révolution constitue une affaire de vie ou de mort, vu le caractère de classe de ces révolutions. En effet, et contrairement aux soulèvements qui avaient eu lieu durant les dernières décennies du XXème siècle (dont la « Révolte du pain » en Egypte en 1977), ce qui a abouti à la victoire de la première étape de la révolution, tant en Tunisie qu’en Egypte, vient du fait de son caractère de classe, malgré toutes les tentatives de la part des anciens régimes et de l’administration étasunienne pour l’étrangler.
C’est que les deux révolutions constituent l’aboutissement de milliers de mouvements de masse dans lesquels le facteur politique (revendications concernant les libertés démocratiques er la participation aux décisions politiques) se mêle au facteur économique (le droit au travail, en particulier). De plus, elles se sont appuyées, en Tunisie surtout, sur des partis politiques qui ont mené des luttes pour le changement en partenariat avec la classe ouvrière et sur la base de programmes politiques bien clairs qui appelaient à faire face aux politiques intérieures de gouvernements corrompus liés au « nouveau » régime mondial dirigé par les Etats-Unis. N’oublions pas, non plus, l’impact de l’Intifada du peuple palestinien en Cisjordanie et à Gaza, ni celui de la Résistance nationale libanaise, surtout après l’été 2006, sur la remontée du militantisme des jeunes Arabes et des peuples arabes en général.

Il est aussi nécessaire d’ajouter que le slogan « Le peuple veut faire tomber le régime », devenu le slogan que tous les peuples arabes brandissent sur toutes les places des grandes villes, a fixé la nature révolutionnaire des deux soulèvements en Egypte et en Tunisie qui continuent à s’y appuyer, soit à travers le refus des demi-mesures proposées, représentés par les tentatives visant à faire subir à la constitution des amendements partiels ou celles voulant supprimer des clauses importantes du programme rédigé par les représentants des masses ou, encore, des « compromis » avec certaines forces dites « de gauche » ou des islamistes. A cela s’ajoutent l’imposition de la priorité de la loi sur la légalité des partis politiques, qui avaient vécu dans la clandestinité, et la constitution de fronts politiques sur des programmes visant à lier le changement intérieur à l’affrontement avec les projets impérialistes, étasuniens en particulier, dans la région. Dans ce sens, il est nécessaire de saluer le « Front du 14 janvier » en Tunisie, les comités révolutionnaires en Egypte pour leur position face à l’immixtion d’Hilary Clinton et de son conseiller pour les affaires du Moyen Orient Jeffrey Feltmann dans les affaires de leur pays.
Enfin, il est nécessaire de dire que ces deux révolutions ont fait tomber le mur de la peur chez les masses arabes et les ont poussées à aller de l’avant sur la voie du changement quelle que soit la répression subie.

2 - Les contre révolutions et les réactions suspicieuses

Si les forces de la révolution arabe poursuivaient leur objectif vers le changement, ces facteurs aboutiraient sans doute à des changements importants dans chaque pays arabe mais aussi sur le plan arabe, en général. Cependant, il est nécessaire d’attirer l’attention sur le fait que les pays capitalistes, et à leur tête les Etats-Unis, qui furent pris de court il y a quelques mois, ont commencé une contre offensive dans plusieurs pays arabes, y compris la Tunisie et l’Egypte. Se basant sur certaines composantes des régimes dictatoriaux (telle l’armée et aussi les forces de police), ils poussent des forces locales à recréer les anciens régimes déchus, après avoir éloigné Zein Al Abdîn Ben Ali et Hosni Moubarak.

Cette contre-offensive est bien claire dans les faits suivants : . Le retour des symboles et des organisations des partis politiques qui avaient, jusqu’à quelques mois, été le bras droit des deux régimes précités, tout en tentant de faire table rase de leur rôle dans la répression subie par les masses et dans les massacres perpétrées durant les premiers temps des soulèvements.

. La tentative de se rétracter sur les promesses de changements, comme c’est le cas en Egypte, ou le retour à une certaine répression des manifestations populaires en Tunisie.

. L’encouragement des forces islamistes à coopérer avec les nouvelles figures politiques.

Quant à ce qui se passe en Libye, l’Alliance impérialiste utilise les crimes commis par le régime dictatorial de Kadhafi pour mettre la main sur les richesses pétrolières du pays… bien que Kadhafi ait déjà accordé à certains dirigeants internationaux –européens en particulier- des aides financières consistantes, sous la forme de dons ou d’accords sur des ventes d’armes, mais surtout sous forme de concessions pétrolières.

De plus, le régime mondial (ONU) s’est une fois de plus servi de la Ligue arabe, comme durant la guerre contre l’Irak, pour prendre la décision de commettre sa nouvelle agression contre la Libye ; cette agression qui s’est soldée jusqu’à maintenant par des bombardements tuant et blessant des milliers de civils et transformant la révolution du peuple libyen en une guerre civile que personne ne peut prévoir quand elle se terminera.

Même remarque en ce qui concerne le Golfe arabique où les forces dites « Bouclier d’Al Jazira » s’attaquent au peuple bahreïni ; au même moment, Ali Abdallah Saleh reçoit une aide militaire et politique importante afin de perpétrer ses crimes contre les manifestants à Sanaa et dans les autres villes du Yémen.

Et, si nous ajoutons à ce qui précède le départ de l’opération visant à fragmenter le Soudan, en plus des dangers d’une guerre entre le Sud et le Nord de ce pays, si nous ajoutons aussi les massacres continus en Irak, pays divisé sur lui-même, et l’explosion de la violence en Syrie, nous pourrons dire que l’impérialisme étasunien, et avec lui toutes les forces de l’Alliance capitaliste, tente de remettre en marche, à l’aide des forces de la contre-révolution, son projet « Le nouveau Moyen Orient » qui vise à l’implosion du monde arabe en mini-Etats antagonistes.

Il nous reste à mettre l’accent sur les tentatives visant à mettre fin rapidement au conflit arabo-israélien. En effet, et en plus des agressions continues contre Gaza, Israël, appuyée par Washington et l’Union européenne, tente de mettre en marche le projet de Benjamin Netanyahu déjà décrit dans le précédent bulletin et dont les deux grandes lignes sont l’ajournement de la proclamation de l’Etat palestinien ou le faire mais dans des frontières indéterminées ; en même temps, le gouvernement israélien continue à « judaïser » Al Qods, à mettre la main sur de nouvelles terres palestiniennes et à construire des milliers de foyers israéliens dans les territoires arabes au son d’un « transfert » nouveau qui pourrait chasser des dizaines de milliers de Palestiniens des territoires de 1948. Le but final : imposer Israël en tant qu’Etat des juifs dans le monde.

Reste à noter, enfin, deux points essentiels. Le premier concerne le rôle joué par la Turquie, sous l’égide de son premier ministre, dans le soutien de certains régimes arabes, à partir de directives bien connues et exprimées dans le livre du ministre des affaires étrangères turc Daoud Oglo. Quant au second, il concerne les agissements de certains partis politiques islamistes que nous avons déjà évoqués. Cependant, il reste à dire que ces partis, dans leur aspirations à occuper des places au soleil du pouvoir, tant en Tunisie qu’en Egypte, se sont laissé tenter par les avances de Washington qui croit pouvoir à travers leur participation stopper l’avance des partis de gauche et asseoir de nouveaux régimes qui lui soient inféodés. Une telle politique ne manque pas de rappeler les années quatre-vingts du XXème siècle en Afghanistan et dans d’autres pays moyen orientaux.

II . Les développements de la situation au Liban

Tous ces développements, tant positifs que négatifs, ont influencé la situation intérieure du Liban qui, depuis l’agression israélienne de 2006, vit une crise existentielle.

L’étape actuelle de la crise s’exprime par la recrudescence du confessionnalisme et son extension à tel point qu’il n’est pas faux de dire que les Libanais vivent aujourd’hui une guerre civile continue, même si l’escalade n’a pas atteint le stade de déflagration militaire comme durant les précédents conflits.

Et, si l’on s’arrête sur les seuls faits extérieurs, on voit clairement que les divisions intestines ont abouti à une impuissance complète de la part du régime politique libanais à gérer tant les contradictions anciennes, concernant les armes détenus par le Hezbollah, que celles nées du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) ; la situation s’est, d’ailleurs, envenimée à cause des scandales dus au site Internet « Wikileaks » qui continue à publier des documents et des messages confirmant le rôle des Etats-Unis (et de leur ex ambassadeur Jeffrey Feltmann) dans l’agression israélienne de 2006 et aussi dans les tentatives visant à mener le gouvernement libanais présidé par Saad Hariri dans un sens contraire aux intérêts nationaux libanais ;

1 - La situation politique

Nous avions précisé que le Liban vit une crise de régime. Cette crise vient du fait que le système confessionnel est dans l’impasse depuis les élections législatives de 2009. Une première crise avait laissé le pays pendant plus de 5 mois sans gouvernement et l’accord dit syro-saoudien ne fut en fait qu’une trêve vite terminée. Aujourd’hui, la crise recommence ; le nouveau Premier ministre Najib Mikati patauge depuis plus de deux mois et avec lui la nouvelle majorité (formée par les groupes politiques du Hezbollah, le « Rassemblement du changement et de la réforme » de Michel Aoun, le mouvement « Amal » de Nabih Berri et le « Parti socialiste progressiste » de Walid Joumblatt). Certains pensent que cette situation de crise ministérielle vient du fait que les Etats-Unis ainsi que la Syrie ne sont pas pressés de voir naître un nouveau gouvernement libanais avant de voir comment tourneront les Intifadas qui couvrent le monde arabe.

D’un autre côté, disons que l’Accord de Taëf vit aussi une crise existentielle depuis l’Accord de Doha (2008) qui lui fut mortel, puisqu’il avait entériné « la démocratie consensuelle » et le « tiers de blocage » accordé à la minorité ; ce qui voulait dire que rien ne pouvait se passer sans un consensus entre tous les représentants des confessions et que, par suite, la vie politique peut être paralysée pour longtemps et, avec elle, toutes les instances du pouvoir. Prenons l’exemple du gouvernement sortant : ce gouvernement a explosé du fait de l’antagonisme né entre les deux factions de la bourgeoisie au pouvoir (le groupes du 14 mars, dirigé par Hariri, et le groupe du 8 mars, dirigé par le Hezbollah) à propos du TSL et des résultats de l’enquête préliminaire accusant des éléments du Hezbollah d’avoir participé au meurtre de l’ex Premier ministre Rafic Hariri, mais aussi à cause des armes du Hezbollah et, par extension, du conflit libano-israélien. Cela nous amène à dire que tout gouvernement peut exploser puisque les représentants de chaque confession a le droit de veto sur toute décision allant à l’encontre de leur intérêts et privilèges.

Cette situation, qui ne manquera pas d’enterrer prochainement l’Accord de Taëf basé sur la suppression de principe du confessionnalisme politique (laquelle fut ajournée depuis 2000 pour des raisons jamais formulées), a permis de nouveau à certaines forces politiques de la droite « chrétienne » de mener campagne pour la création d’un Etat fédéral au Liban tandis que d’autres forces, musulmanes, demandaient que l’on prenne en considération les changements démographiques dans la constitution du pouvoir.

2 - Le peuple veut changer le régime

Une telle impasse ne pouvait qu’engendrer de crises et de la violence. D’où les cris d’alarmes concernant une possible sédition confessionnelle prochaine. Ces cris sont fondés sur des faits réels dont le conflit sunnite-chiite, qui est revenu à la surface un peu partout dans le monde arabe, mais aussi les préparatifs guerriers du gouvernement israélien qui ne peut se venger de la défaite de 2006 qu’à travers une nouvelle guerre confessionnelle. Sans oublier les Etats-Unis qui pensent qu’une sédition au Liban et en Syrie permettrait d’affaiblir le rôle de l’Iran dans la région, tout en aidant les sociétés pétrolières étasuniennes de rafler la concession des nouveaux champs de pétrole et de gaz découverts en Méditerranée orientales dans les eaux territoriales libanaises et palestiniennes.

Partant de cette analyse, le Parti Communiste libanais a mis au point un nouveau programme de lutte qui tient en considération l’importance de l’augmentation du rôle de la gauche arabe dans le conflit généralisé avec Israël, d’une part, et, d’autre part, la priorité de la lutte intérieure contre le régime politique confessionnel pour aboutir au changement démocratique du régime à travers la création d’un mouvement populaire et de jeunes brandissant le mot d’ordre de la réforme sous tous ses aspects (politique, social, économique), en particulier :

. La lutte pour une loi électorale démocratique basée sur la proportionnelle hors de quotas confessionnels. Le projet appelle aussi à la circonscription unique, au quota féminin temporaire (30%) et au droit de vote à 18 ans ; ce qui permettra, en même temps, aux femmes et aux jeunes de participer aux instances de décision.

. La lutte pour des statuts personnels civils transformant, enfin, les Libanais en citoyens à part entière, vivant l’égalité des droits.

. La lutte pour changer tous les textes de la Constitution allant à l’encontre des deux précédentes revendications.

Ces titres furent le point de départ de la campagne populaire qui avait débuté le 28 février passé sous le slogan « A bas le régime confessionnel ». Cette campagne a déjà à son actif un grand nombre d’actions de masse, dont quatre grandes manifestations ayant regroupé des dizaines de milliers de Libanaises et Libanais à Beyrouth, auxquelles on ajoute des sit-in et des manifestations dans toutes les grandes villes du pays, depuis Halba (au Akkar) et Tripoli au Liban nord et jusqu’à Saïda, Tyr et Nabatiyeh au Sud, en passant par Amchit et Byblos au Mont-Liban. Dans tous ces mouvements on voyait des travailleuses et des travailleurs, mais aussi des intellectuels et, surtout, des jeunes qui veulent créer un nouveau Liban avec un régime démocratique et laïque qui pourra mettre fin à une situation de crises et de guerres civiles continues.

3 - La situation économique et sociale (à travers les indices de 2010)

Ce qui est dit à propos de la politique est valable aussi pour l’économie. En effet, la situation socio-économique, déjà en crise très grave à cause des politiques économiques appliquées par la bourgeoisie libanaise depuis les années quatre-vingt-dix du siècle passé, empire du fait de la nouvelle étape de la crise capitaliste internationale et aussi des répercussions des développements politiques et économiques dans le monde arabe et en Afrique.

. Cette crise économique a des répercussions très sévères sur la situation financière et monétaire du pays qui plie sous une dette de 60 milliards de dollars (avec une augmentation de plus de six milliards pour la seule année passée).

A cela s’ajoute le rôle très pressant du système monopoliste du marché financier et, surtout, du rôle déterminant des banques dans la vie politique et économique du pays ; en effet, les taux d’intérêts sont décidés par les seules banques à cause de l’importance de la dette publique, dont la moitié est en livres libanaises…

. La crise se traduit aussi par la situation très critique des secteurs productifs. En effet, l’industrie et l’agriculture subissent une concurrence outrancière de la part des produits importés, y compris des pays arabes, Cette concurrence est facilitée par la suppression des taxes douanières qui restaient en application à la suite de celles faites en 2000. L’absence de protection des secteurs économiques productifs a abouti à une régression très importante, en plus de celle due aux projets de « complémentarité quadripartite » entre le Liban, la Syrie, la Jordanie et la Turquie jugée très dangereuse dans l’état actuel des faits puisqu’elle pourrait aboutir à la disparition de certaines industries essentielles (dont, en particulier, la confection et les industries basées sur l’agriculture) et à une menace certaine de la production agricole.

. En ce qui concerne l’infrastructure et, surtout, l’investissement dans les différents services de base qui sont nécessaires à la compétitivité, rien ne fut fait ; et le Liban est considéré aujourd’hui comme le plus sous-développé parmi les pays arabes en ce qui concerne les communications, l’électricité et l’eau, surtout l’électricité très nécessaire dans la baisse du coût des produits industrialisés.

. On note l’absence de toute planification de la part de l’Etat visant à diriger l’opération de développement. De plus, l’absence de tout investissement dans le secteur public a abouti à vider la fonction publique de plus des deux-tiers de ses effectifs, surtout dans les échelons moyens et supérieurs.

. Selon le FMI, la véritable valeur de la livre libanaise a baissé de 100% en 10 ans. Ce qui a laissé des séquelles très graves tant sur le plan du coût de la production que sur celui des investissements locaux ou extérieurs.

. Sur le plan des télécommunications, en général, et du téléphone cellulaire en particulier, notons que la négligence est toujours de mise ; la raison : privatiser ce dernier secteur à bas prix, malgré qu’il procure annuellement, et dans son état actuel, plus d’un milliard de dollars aux caisses de l’Etat.

De plus, on parle de privatiser l’Electricité du Liban (EDL), ce qui ne manquera pas de mettre un nouveau poids autour du cou des pauvres et de mettre à la porte quelques 3800 employés.

. Le chiffre d’affaire du secteur immobilier s’est élevé, durant l’année passée, à 6 milliards de dollars, selon le ministère des finances.
Cependant, ce chiffre n’exprime pas l’injustice qui frappe les citadins moyens qui ne peuvent plus trouver un logement, surtout à Beyrouth puisque le prix moyen du mètre carré est de 4258 dollars. Le rapport du « Global Propriety Guide » pour l’an 2010 mentionne que sur 92 marchés mondiaux Beyrouth détient la 33ème place. Le même rapport mentionne aussi que le prix moyen d’un appartement à Beyrouth a sauté de 60 mille dollars en 2004 à 510 mille dollars en 2010.

. Quant au problème de la corruption, le Liban détient la 27ème place sur les 178 pays englobés dans l’indice de l’Organisation internationale de la transparence en 2010 ; il détient la 12ème place sur le plan arabe après le régime égyptien (10ème) et le régime tunisien, tous deux renversés par le peuple. Le rapport précité déclare que le gouvernement libanais n’a pris aucune mesure pour en finir avec la corruption et que ce problème vient du fait de la faiblesse des organismes de lutte.

. Il faut noter aussi la montée vertigineuse du déficit dans la balance commerciale : il a doublé durant les 5 dernières années, passant de 7116 millions de dollars en 2006 à 13711 millions de dollars en 2010.
Cela montre la hausse des importations (22%) par rapport aux exportations (11%) et que le Liban ne peut se suffire à soi-même, parce que le régime libanais ne va nullement dans le sens d’améliorer, quantitativement et qualitativement, les secteurs productifs et qu’il n’a pas la possibilité de conquérir de nouveaux marchés.

. Enfin, en ce qui concerne la cherté de la vie et la pauvreté, il suffit de rappeler une partie du contenu du rapport « La situation et les prévisions économiques dans le monde en 2011 » publié par les Nations Unies au début de l’année en cours. Ce rapport prévoit que le taux de croissance n’atteindra pas les 5,6% en 2011 et bissera, en 2012, de 0,2%. Il faut dire que ces pourcentages sont très optimistes puisque le rapport fut préparé avant la nouvelle crise gouvernementale. D’ailleurs, la banque étasunienne « JP Morgan Chase » prévoit que ce taux ira reculant jusqu’à 4% seulement.
Une telle situation aura de graves répercussions sur le taux du chômage déclaré qui avait enregistré plus de vingt pour cent (16 selon l’ONU), en plus du chômage camouflé, notamment parmi les jeunes et les couches les plus pauvres de la population. Ajoutons que l’indice de cherté de la vie avait enregistré 12% l’année passée.
Quant aux prestations sociales, le dernier des scandales du pouvoir dans ce domaine est le refus d’enregistrer 32 mille fonctionnaires du secteur public à la Caisse nationale de la sécurité sociale ; de plus, rien n’est fait pour obliger le secteur privé à enregistrer tous les travailleurs (on pense que la moitié des effectifs ne sont pas enregistrés).
Et, si le mouvement syndical n’agit pas correctement, c’est parce que le gouvernement poursuit sa politique de mainmise sur un grand nombre de syndicats affiliés à la CGTL qui fut divisée selon les mêmes quotas confessionnels que ceux appliqués dans les instances du pouvoir.

4 - Les réformes nécessaires

Le PCL trouve que la corruption qui sévit dans l’administration et l’Etat est telle qu’elle empêche tout développement et toute possibilité de bien-être. D’où la nécessité d’un programme à court terme qui peut se résumer dans un projet de modernisation de l’Etat auquel participeront toutes les instances popuaires. Ce programme, en plus des clauses politiques déjà évoqués, doit contenir les points suivants :

● La mise au point et la réalisation d’un projet de développement régional équilibré, ce qui aidera à créer de nouveaux emplois et, par suite, à lutter contre la pauvreté. Ce projet doit prévoir l’appui aux secteurs productifs afin de changer la nature de l’économie libanaise, en particulier l’industrie et l’agriculture dont le taus ne dépasse pas 5 et 7 pour cent du PIB.

● L’organisation d’une large campagne syndicale et populaire concernant l’amélioration de la Sécurité sociale, en particulier les branches de la maladie et de la sécurité de vieillesse.

● La restructuration du mouvement syndical dans le sens de le moderniser et de supprimer les quotas confessionnels qui l’empêchent d’évoluer.

● La restructuratin de la dette publique dans le sens de la baisse des intérêts et des termes, en plus de la baisse de la partie de la dette basée sur les intérêts composés.

● La réforme du système des impôts sur la base de l’impôt ascendant et de l’impôt sur les bénéfices au lieu des taxes et des impôts indirects.
● La recherche d’une solution définitive aux problèmes de l’énergie électrique.

● La recherche d’une solution radicale au problème de l’eau.

● Le renforcement du rôle de la Cour des comptes et des organismes de suivi.

L’Accord de Taëf a consacré dans certains articles de la Constitution le régime confessionnel déjà existant en en faisant une institution dans tout le sens du terme. C’est pourquoi il est nécessaire d’œuvrer dans le sens de redonner un élan à la conscience collective ; et, ce, afin de pouvoir détruire un tel système avant qu’il n’arrive à détruire notre pays.
Le mouvement populaire, qui fut lancé il y a deux mois (févrieir 2011), nous donne de l’espoir que bientôt le changement démcratique triomphera des embûches et des complots des émirs des confessions et des corrompus.

Le peuple est patient mais il n’est pas négligent.

Mardi, 12 avril 2011

Le Comité des relations internationales
du Parti Communiste libanais