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Par Joharah Baker

Quand les souvenirs de notre passé modèlent notre avenir.

Dimanche, 6 mars 2011 - 12h51

dimanche 6 mars 2011

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Les peuples arabes viennent de faire montre d’une force énorme devant une oppression brutale. "Nous, Palestiniens, avons vécu cela. Nous avons vécu pendant des mois cet élan des révolutions que nous voyons aujourd’hui dans les pays arabes."

Nous sommes tous ébahis devant le peuple libyen et les Egyptiens, les Tunisiens, les Yéménites, les Algériens, les Marocains, les Barheinis et tous les peuples arabes qui viennent de faire montre d’une force énorme devant une oppression brutale. Alors que nous allumons nos téléviseurs, nos ordinateurs et nos téléphones portables, l’oeil et l’oreille rivés sur eux tandis que le monde change autour de nous, nous ne pouvons que les admirer, nos frères et nos sœurs qui sont prêts à affronter la pire des adversités pour gagner la liberté de leur pays.

Nous, Palestiniens, avons vécu cela. Pendant la première Intifada, le soulèvement de 1987, et par moments lors de l’Intifada al Aqsa, nous aussi nous étions prêts à faire face aux pires conséquences dans notre quête de liberté. Aujourd’hui, alors que nous regardons les peuples arabes avec admiration pour leur force, tristesse pour leurs pertes et avec colère contre les dictatures qui les ont régentés et opprimés pendant si longtemps, je réalise que nous aussi avons besoin de nous rappeler ces années de force et de résolution, cette peur qui disparaissait quand nous faisions face aux chars israéliens, aux soldats lourdement armés de munitions réelles, de gaz lacrymogènes et de matraques, tous utilisés sans compter contre nous.

Les souvenirs ne sont pas seulement un échappatoire pour les rêveurs. Ils peuvent aussi être un bon guide pour comprendre les erreurs et les succès du passé. Dans le cas des Palestiniens, je crois que la solution de nos problèmes est beaucoup plus simple qu’on veut parfois le laisser paraître. Dans les débuts de la première Intifada, avant même qu’il y ait Facebook et YouTube, les téléphones mobiles et les chaînes satellitaires qui nous permettent de nourrir notre force de celle des autres, nous étions sans peur. Je peux en témoigner car je l’ai vécu.

Quand je vois ces jeunes Libyens confrontés aux munitions réelles, aux hélicoptères de combat et aux bombardements aériens, je me souviens de l’époque où des jeunes Palestiniens intrépides descendaient dans les rues qu’occupaient les Israéliens, bien conscients que le premier ministre israélien Yitzak Rabin avait ordonné à son armée de leur “briser les os”. Je me souviens de ces jeunes, pas beaucoup plus vieux que mon fils aujourd’hui, debout, le visage caché, la pierre symbolique dans la main et la détermination dans les yeux, tandis que les jeeps militaires israéliennes fonçaient sur eux.

Et eux, tout comme ces jeunes intrépides de la place Tahrir, de Benghazi et Tripoli, n’avaient pas d’hésitation ni de faiblesse, même s’ils devaient pour ça payer de leur vie.

Nous possédions cet esprit. Nous avons vécu pendant des mois cet élan des révolutions que nous voyons aujourd’hui dans les pays arabes. La fin de l’occupation israélienne, c’était notre seul but. C’est toujours notre but, bien sûr, mais il a été émietté et déguisé par tout ce qui s’est produit depuis que les Palestiniens ont décidé d’entrer dans les eaux troubles des négociations et des accords.

Aujourd’hui en Palestine des voix appèlent à raviver cet esprit. Nous devons éliminer ce qui nous a détournés et séduits et revenir au coeur de notre démarche, notre but ultime. Revenons à ces jours simples de la résistance populaire -ces masses de gens qui descendaient dans les rues pour manifester contre l’occupation continue de nos terres par Israël. Dirigeants et citoyens ordinaires, nous devons nous donner la main, regrouper nos volontés et oublier toute autre considération tant que le but n’est pas atteint.

Les manifestants de la place Tahrir savaient ce que veut dire réussir ou mourir ; c’est ce que vivent les Libyens aujourd’hui. Les Palestiniens aussi savent ce que cela veut dire de se sacrifier et de souffrir pour une cause plus vaste que soi. Nous l’avons déjà fait. Tandis que nous regardons les autres Arabes se battre contre leurs dirigeants tyranniques, il nous suffit de nous souvenir de notre propre force pour trouver la voie ouverte vers la libération.

Publié par Miftah