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Source : ISM

« Tunisie, Egypte, Liban : une dynamique de révolution arabe »

Jeudi, 27 janvier 2011 - 7h41 AM

jeudi 27 janvier 2011

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Par Dyab Abou Jahjah

Ils n’appartiennent pas à un parti politique, ils ne suivent pas une idéologie particulière, ils se sont fixés rendez-vous sur Facebook, un rendez-vous dont nous avons ri, en leur disant « vous ne pouvez pas aborder une révolution comme on organise une rencontre », mais ils sont venus par milliers… Ils ont pris les rues du Caire par surprise… Ils nous ont tous pris par surprise… Aucun d’entre nous ne pensait réellement que cela arriverait.

Depuis des années, on nous inculque que l’Egypte est le cœur de la nation arabe, et que nous ne soulèverons pas avant que l’Egypte ne le fasse… Après la victoire contre Israël en 2006 et la glorieuse révolution tunisienne, nous étions tous convaincus que ce n’était pas nécessaire, et que nous pouvions faire sans l’Egypte. Je continue à penser que nous pouvons y arriver sans l’Egypte, mais si l’Egypte est libre, nous le deviendrons tous beaucoup plus vite.

Le profil des manifestants est la jeunesse, l’appartenance à la classe moyenne et la détermination à opérer un changement.

Hilary Clinton a dit hier qu’elle était convaincue que les dirigeants égyptiens faisaient de leur mieux pour leur peuple, et c’est le signal clair que les Américains ne lâcheront pas Moubarak facilement. Comment le pourraient-ils quand l’homme va jusqu’à assiéger Gaza pour leur compte, et à maintenir le plus grand pays arabe, avec toutes ses ressources, sous contrôle ?

Les Américains essaient aussi d’intervenir en Tunisie, avec la visite du Secrétaire d’Etat Jeffey Feltman (l’homme nous connaissons que trop bien au Liban)… C’est de mauvais augure, comme l’a dit Sayed Hassan Nasrallah hier, mais c’est aussi, à mon avis, un signe de nervosité. Les Américains ont peut-être une carte militaire à jouer en Tunisie si le gouvernement tombe, mais l’armée peut-elle maintenant contrôler la révolution ? Je ne le crois pas, la chance était de déposer Benali, et l’armée a manqué cette opportunité, pour toujours.

Au Liban, l’opposition menée par le Hezbollah et ses alliés a réussi à réunir une majorité parlementaire pour former un nouveau gouvernement. Dans le respect de la constitution.

Les Américains ont fait tout ce qu’ils pouvaient, même par la corruption et la pression sur les députés, pour rassembler davantage de votes pour leur larbin Saad Hariri, mais ils ont échoué. Tout de suite après, les voyous du parti d’Hariri sont descendus dans les rues, les ont bloquées avec des pneus en flamme dans une tentative désespérée de faire pression sur le nouveau gouvernement, en vain… une autre gifle pour l’Empire.

Benali est tombé, Hariri est tombé, et maintenant Moubarak ?

Le régime espère que c’est seulement l’expression branchée d’une génération qui veut vivre une sorte de Mai 68… marquer sa présence, avoir son mot à dire.

Mais déjà, deux personnes sont mortes et les gens campent dans les rues… Est-ce une révolution ? Ce peut-il que ce soit la fin du régime ?

L’opposition essaie de sauter dans le train en marche du mouvement de la jeunesse, mais il est clair que ce mouvement est autonome et déterminé.

Des dizaines de milliers étaient dans les rues du Caire hier, y seront-ils demain ? D’autres les rejoindront-ils ?

Connaissant le régime égyptien, il ne va pas tarder à harceler les manifestants en les infiltrant. Il va envoyer des hooligans se mêler à eux et provoquer la violence, et même les attaquer de l’intérieur.

Aljazeera est cependant en train de prendre, une fois de plus, le rôle de média révolutionnaire, et de nombreux artistes et activistes se joignent. Je suis très réticent à considérer ceci comme une révolution, pour le moment. Il faut voir si les jeunes sont assez hardis pour endurer le martyr, parce que c’est ça qu’il faudrait qu’ils fassent.

Une chose est certaine, la jeunesse est déjà en train de s’organiser en comités, et ils ont même installé leur propre radio. Le Caire répond à Tunis. Un seul peuple arabe, et il est en train de se réveiller.

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Dyab Abou Jahjah est né au Liban sud le 24 juin 1971, dans la ville de Hanin, proche de la frontière libano-israélienne. Après des études de droit à l’université de Saïda, Dyab Abou Jahjah s’engage dans un mouvement armé en lutte contre Israël. Il a demandé l’asile à la Belgique et est actuellement doctorant en science politique à l’Université catholique de Louvain. Il est le président de la Ligue arabe européenne. (Wikipédia)Son blog : Abou Jahjah comments.