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Contre la censure et la répression, pour la défense des libertés, grand succès du rassemblement du 18 janvier 2011

Vendredi, 21 janvier 2011 - 7h16 AM

vendredi 21 janvier 2011

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Solidarité Palestine

1 500 personnes se sont rassemblées, en dépit du froid, sur la place du Panthéon, mardi 18 janvier, de 18h30 à 20h30, afin de tenir la conférence-débat avec Stéphane Hessel et ses invités, qui devait avoir lieu à l’Ecole normale supérieure et que la directrice de celle-ci, Mme Monique Canto-Sperber, a interdite le 12.

SOLIDARITE AVEC LA PALESTINE : CONTRE LA CENSURE ET POUR LE RESPECT DES LIBERTES DEMOCRATIQUES

Dans un éditorial publié le 13 janvier sur le site du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), Richard Prasquier, son président, s’était félicité de cette censure : « C’est bien le CRIF, écrit-il, qui est à la manœuvre derrière toutes les procédures contre le boycott. » Et d’ajouter : la ministre « Valérie Pécresse (…) ainsi que le rectorat de l’Université de Paris que nous avons contactés en urgence ont réagi sans ambiguïté : je leur rends hommage, ainsi qu’à Claude Cohen Tanoudij, (…) Bernard Henri Lévy et Alain Finkielkraut »- ces derniers ont d’ailleurs démenti toute intervention auprès de l’école

Mais la démarche liberticide du « patron » du CRIF s’est retournée contre lui, comme n’ont pas manqué de le souligner, chacun à sa façon, plusieurs des intervenants au meeting. Plus de 1 500 citoyens de tous horizons rassemblés devant le Panthéon, soit cinq fois plus que n’en aurait contenu la salle Jules Ferry de l’ENS. Quelle victoire pour Stéphane Hessel et pour les prévenus de la campagne BDS (Boycott-désinvestissement-sanctions), mais aussi pour tous ceux qui s’engagent afin de mettre un terme à l’impunité dont bénéfice la « politique criminelle et suicidaire de l’Etat d’Israël » – dira Dominique Vidal dans son introduction.

« Certains d’entre nous appellent au boycott de tous les produits israéliens, d’autres ciblent les produits des seules colonies israéliennes, d’autres encore choisissent des formes d’action différentes. Mais nous sommes tous unis pour refuser catégoriquement que les militants de la campagne internationale "boycott, désinvestissement, sanctions" (BDS) soient accusés et jugés pour provocation publique à la discrimination alors qu’au contraire, ils combattent contre toute forme de discrimination, pour le droit des peuples, de tous les peuples, à l’auto-détermination, pour l’application à tous les Etats du droit international et des sanctions prévues lorsqu’ils les bafouent. Tous ensemble, nous exigeons à la fois au nom du droit international et des libertés le retrait immédiat des directives envoyées par la ministre de la Justice (de l’époque Mme Alliot-Marie) et son administration aux Parquets, et la relaxe de tous les innocents », affirme explicitement l’appel signé désormais par plus de 10. 000 personnes.

Bref, présenter ce texte comme un « Appel au boycott » relève de la calomnie, évidemment destinée à briser l’unité sans précédent réalisée afin d’épargner aux militants de BDS des accusations infamantes et des peines pouvant aller jusqu’à 45 000 euros d’amende, 3 ans de prison et, pour les fonctionnaires, la perte quasi-automatique de leur emploi.

Après l’introduction de Dominique Vidal, historien et journaliste, que vous avez reçue dans notre précédent envoi à la pressei, une jeune Israélienne, étudiante à l’ENS, réagit son tour, faisant part de son incompréhension face à l’annulation de la conférence. Et de sa colère. Si, comme l’indique la direction de l’école, l’annulation n’est pas due aux pressions du CRIF, cette jeune étudiante exige que Mme Canto-Sperber dénonce publiquement l’éditorial de Richard Prasquier, l’usage abusif et fallacieux de son nom et les insultes contre les étudiants de l’école. Elle revendique la garantie de la liberté d’expression et de l’autonomie des membres de l’école afin que ceux-ci puissent organiser tout débat qu’ils estiment utile – il serait absurde d’interdire, en France, dans une école publique, de débattre de la politique d’Israël et, dans ce cadre, du boycott comme d’une politique, légitime ou non, et ce quel que soit, précise-t-elle, l’avis personnel de chacun sur ce sujet.

« J’aurais aimé aller à cette conférence », dit-elle, « et je ne me sens pas haïe par ceux qui vont parler ce soir, ni remplie de haine de soi ». Et d’en appeler à s’indigner, de façon urgente, contre des organisations telles que le CRIF, qui « s’arroge le droit de parler au nom de tous les Israéliens et de tous les juifs, avec la complicité de politiques français ». Le CRIF prend constamment la défense d’Israël, souligne la jeune femme, « puis s’étonne que des gens confondent juifs, Israéliens et sionistes comme si c’était la même chose ». Et de trouver « extrêmement grave » ces amalgames du CRIF « car il prétend décider qui serait un bon juif, qui ne le serait pas. Au fond, il représente, non pas les intérêts des juifs de France, mais ceux des gouvernements israéliens dont les actions sont condamnées par la communauté internationale ».

Aussi propose-t-elle au CRIF de s’appeler, « pour une meilleure transparence, "coalition des représentants d’Israël en France" ». De même refuse-t-elle un monopole de représentation des étudiants juifs par l’UEJF. Il y a des étudiants juifs, souligne-t-elle, « qui veulent discuter, étudier et critiquer Israël, participer à des débats publics et ne pas confondre juifs, Israéliens et sionistes. En tant qu’Israélienne, j’ai le devoir et la responsabilité de parler, de raconter ce qui se passe et de le faire librement ici, en France, dans le cadre de l’école ou dans tout autre cadre, sans que de prétendus représentants m’interdisent la parole ». Et de demander la tenue la conférence et des excuses immédiates pour cette annulation.

Leila Shahid, Déléguée générale de la Palestine auprès de l’Union européenne, est longuement et chaleureusement applaudie. Pour elle, une participation si large prouve du reste que les tentatives de censure de la parole libre renforcent la volonté politique des militants de la solidarité au lieu de l’affaiblir. Et de saluer Stéphane Hessel : « Le plus jeune d’entre nous, celui qui a redonné à la politique son éthique, sa vraie signification, la politique qui défend le droit, la justice, le vivre-ensemble. »

Ancienne étudiante de la Sorbonne, Leila Shahid regrette elle aussi qu’un débat libre, porteur d’idées différentes sur ce qu’il convient de faire face à l’impunité durable d’Israël, ne puisse avoir lieu dans une Université française. L’ambassadrice se réjouit que le livre de Stéphane Hessel se soit déjà vendu à quelque 750 000 exemplaires, témoignant ainsi spectaculairement du refus de l’indifférence devant l’injustice, toutes les injustices, en France, en Palestine, en Afrique… l’injustice économique, politique, celle de l’occupation militaire. Et de rendre hommage aux quatre-vingt citoyens et citoyennes que certains veulent criminaliser et accuser de racisme en insinuant qu’ils inciteraient à la discrimination.

Rappelant que les signataires de l’Appel ne sont pas tous d’accord sur le type de boycott à mener, que certains même choisissent d’autres formes d’action, elle souligne en même temps qu’elle ne peut comprendre pourquoi, alors que le système d’Apartheid en Afrique du Sud a été vaincu avec un boycott conduit par les citoyens du monde entier, de l’Amérique à l’Afrique, dès lors qu’il s’agit d’Israël cela deviendrait du racisme.

Les Palestiniens ont commencé à faire leur devoir en nettoyant leurs marchés des produits des colonies, rappelle Leila Shahid, qui souligne que les territoires palestiniens sont un marché pour les produits industriels et agricoles d’Israël, tant une occupation sans exploitation économique ne peut survivre durant quarante-quatre ans. Un demi millions de colons confisquent les terres des Palestiniens, pillent leur eau, étouffent la circulation des agriculteurs palestiniens, délocalisent l’industrie dans les territoires occupés, et vendent aux Européens les produits agricoles, fleurs et légumes, qu’ils plantent à la place des agriculteurs palestiniens. « Si nous ne boycottons pas les produits de ces colonies, comment celles-ci finalement disparaîtraient ? Nous ne voulons pas une guerre. Stéphane Hessel a appelé à une insurrection pacifique, des citoyens. Le boycott des produits des colonies et de certains produits ciblés est une manière non violente de mettre un terme à l’impunité d’Israël. Les gouvernements ont échoué à faire respecter le droit. »

« Si nous sommes si nombreux ce soir, c’est que vous vous sentez concernés », assure-t-elle, se réjouissant de la présence de la diversité et de la représentativité des participants, citoyens, élus, militants associatifs ou syndicaux, de diverses sensibilités ou nationalités, « car notre combat est un combat pour la justice et le droit et il est honteux de le communautariser », s’indigne Leila Shahid.

Refusant les tentatives de guerre des religions, elle ajoute : « Nous avons en Israël des alliés, qui luttent avec nous, pour la liberté du peuple palestinien, sa dignité, son droit à la justice. Notre force, c’est vous. Ne baissez pas les bras. Les négociations sont un échec en particulier à cause de la colonisation. Israéliens et Palestiniens avons besoin de vous pour que règne l’indignation à laquelle appelle Stéphane Hessel, pour qu’elle nous amène à la justice et au droit. Le peuple tunisien nous a donné une leçon, nous a montré un chemin : la détermination finit par vaincre toutes les injustices ».

Fondateur israélien du Centre d’information alternatif (AIC), Michel Warschawski assure : « La tâche des Justes, nous dit le Talmud de Babylone, est accomplie par leurs adversaires. Apparemment, nous sommes tous des Justes, parce que ce sont nos adversaires, tels que le président du CRIF, qui font notre travail : nous n’aurions pas été si nombreux si ce rassemblement avait eu lieu à l’ENS », ironise-t-il.

En France, dit-il, on n’est qu’au début de la campagne BDS, mais Michel Warschawski est persuadé que « cette prise de position stupide et scandaleuse qui veut faire taire ceux qui disent "on a le droit de le faire et d’appeler à le faire" va démultiplier nos forces ». En tant qu’Israélien, il explique pourquoi « il est non seulement légitime mais pour nous Israéliens absolument nécessaire de mener cette campagne : dans BDS, ce qui est important, c’est le "S", c’est de sanctionner une politique qui ne respecte pas le droit international, les conventions internationales ni même les engagements pris par les gouvernements israéliens précédents. S’il y avait "S", il n’y aurait besoin ni de "B" ni de "D". Si la communauté internationale prenait ses responsabilités et exerçait des pressions politiques, diplomatiques, et commerciales si nécessaire, sur mon gouvernement et sur ma société, il n’y aurait ni campagne de boycott ni besoin d’une mobilisation citoyenne. Si l’Union européenne et ses différents Etats, la France, les Etats-Unis, prenaient leurs responsabilités, et alors que des sanctions ont été mises en oeuvre par divers Etats d’Amérique latine, nous n’aurions pas besoin de campagnes appelant à boycotter des produits israéliens ou des institutions israéliennes ».

Michel Warschawski souligne que l’appel lancé à Ramallah en 2005 - pour qu’Etats et citoyens se mobilisent derrière le "BDS" - explique clairement qu’« on ne boycotte pas des individus, ni un écrivain israélien parce qu’il est écrivain israélien, ni un professeur d’Université parce qu’il est né ou enseigne en Israël, mais des institutions. Les calomnies à ce sujet participent de la même campagne pathétique cherchant à faire croire qu’il y aurait appel à boycotter des produits casher. Ce n’est pas par erreur que certains dirigeants politiques font l’amalgame entre produits israéliens et produits casher, mais par calcul, pour criminaliser la campagne BDS non seulement au niveau du droit, mais aussi dans les têtes des gens de bonne volonté ».

« Notre "boycott de l’intérieur", en Israël, ne vise évidemment pas à organiser un boycott irréalisable en Israël, mais à vous donner une caution en tant qu’Israéliens. Mais nous disons : "Vous avez raison et vous le faites pour notre bien." Vous nous aidez à remplir notre tâche politique en tant que militants israéliens et à dire à nos concitoyennes et concitoyens que si nous ne changeons pas de cours politique, si nous ne mettons pas un terme à notre politique coloniale, alors notre isolement international grandira et notre position au sein des nations et dans les sociétés civiles sera de plus en plus difficile. Nous voulons être un Etat normal, être traité comme tel, alors conduisons-nous selon les règles du droit, selon les règles qui ont été définies entre autres par notre grand ami Stéphane Hessel, conscience de notre siècle, dans la déclaration universelle des droits de l’Homme qui devrait être notre constitution internationale aujourd’hui. Si Israël se conduisait selon les règles de la déclaration universelle des droits de l’Homme, il n’y aurait pas de campagne de BDS, ni ce sentiment qui fait mal aux Israéliens d’être montrés du doigt. C’est la raison pour laquelle cette campagne qui appelle à des pressions sur Israël est pour nous une aide précieuse et un acte pro-israélien, dès lors que l’on entend par Israël ceux qui en Israël, et particulièrement dans la jeunesse, ne veulent pas d’un Etat identifié à la répression, au colonialisme, à la guerre, au déni du droit. Aidez-nous, nous, citoyens et citoyennes israéliens, à changer les consciences dans notre pays, à travers une campagne efficace et aussi large que possible, dans la flexibilité pour qu’elle soit aussi large que possible, pour que chacun puisse s’y reconnaître. Israël pourra trouver une place au sein des nations civilisées quand il se conduira comme un pays civilisé. »

Stéphane Hessel, ancien résistant, ancien déporté, co-auteur de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, se réjouit lui aussi d’un tel rassemblement sur cette « place significative des droits fondamentaux qu’est la place du Panthéon » et d’être « entouré de deux patriotes ». L’un, Israélien, sait ce que doit être le bien d’Israël « cet Etat que nous avons vu créer avec un grand plaisir et qui devrait être un grand Etat pacifique, démocratique, respectueux du droit international qui a conduit à le créer il y a maintenant soixante-trois ans » et l’autre, Palestinienne, « qu’on ne peut entendre sans frémir tellement elle porte la parole d’un peuple actuellement martyrisé ».

Lui aussi s’indigne de l’annulation de cette rencontre à l’ENS, son ancienne école, dont il a passé le concours – à deux reprises, une fois comme Allemand et une fois comme Français - voici quelque soixante-dix ans. « Nous voulions parler à cette occasion de ce que nous ramenons les uns et les autres de nos voyages à Gaza, en Cisjordanie, en parler librement. Une réunion pacifique, sans intention de dire ce que chacun sait : que nous sommes favorables à BDS. Mais nous aurions parlé de Gaza, un endroit maltraité, qui a subi une opération criminelle sous le nom de "plomb durci" il y a deux ans. Nous avions obtenu l’accord des élèves et de la direction. Laquelle s’est au dernier moment ravisée, ce qui est une atteinte à un droit fondamental, la liberté de réunion et la liberté d’expression. » Et de conclure : « Vous êtes nombreux à sentir comme moi que cette interdiction de parler de Gaza à l’ENS est insupportable et mérite que l’on s’indigne. Continuons le combat »

Après la lecture du message de Nurit Peled, fille du général Matti Peled et mère de Smadar, morte dans un attentat-kamikaze, que vous avez également reçu dans notre précédent envoi à la presse, trois prévenus de la campagne BDS interviennent. L’une a été relaxée avec Omar Slaouti : la sénatrice Alima Boumediene-Thiery. Deux autres attendent un procès injustifié : Jeanne, l’une des trois prévenus de Perpignan (le procès aura lieu le 24 janvier) et Jacques, l’un des douze de Mulhouse (le procès aura lieu 10 février)

De toute évidence, les accusations ignobles dont sont victimes les militants du droit international n’ont en rien émoussé leur détermination. Alima Boumedienne-Thierry souligne qu’il n’est pas possible de céder au chantage ni de se taire. « Si quelqu’un doit être traîné devant un tribunal, c’est le gouvernement israélien », dit-elle, appelant à dire « oui au droit international et non à l’impunité, oui à la justice, à la non-violence, à la paix fondée sur le droit international ». Bernard, dénonçant des « procès politiques », assure qu’en dépit de ceux qui « veulent nous faire peur et nous faire taire par les procès et la censure (…) nous ne nous laissons pas impressionner ». « Amplifions, dit-il, le BDS jusqu’à ce que les droits fondamentaux des Palestiniens soient réellement respectés ». Et Jeanne de dénoncer, quant à elle, la répression d’un gouvernement qui procède aussi à « la chasse aux enfants sans-papiers », à « la criminalisation des syndicalistes, des Roms » et se fait « complice de l’occupation israélienne ». « Sur les marches du palais de justice », victimes d’« accusations nauséabondes (…) nos pensées iront à ces enfants, à ces femmes, à ces hommes palestiniens qui, dans les geôles israéliennes, n’ont droit à aucune justice et subissent la torture pour avoir prétendu vivre libres sur leur propre terre, prétendu avoir le droit d’aller à l’école, d’aller travailler », assure-t-elle, appelant « à soutenir la résistance palestinienne et à développer la campagne BDS contre l’impunité, pour la fin de l’occupation et de la colonisation en Palestine et pour le droit international. »

Plusieurs élus de tous horizons ont tenu à participer au meeting, organisé par l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), la Campagne civile internationale pour la protection du peuple Palestinien (CCIPPP), le Comité justice et paix en Palestine Paris 5e (CJPP5), Génération Palestine, l’Union générale des étudiants de Palestine (GUPS), l’Union juive française pour la paix (UJFP). Ainsi, Cécile Duflot, secrétaire nationale d’Europe-Ecologie-les Verts, se dit-elle « en colère et triste ». En colère qu’on ait pu, en France, annuler un débat, c’est-à-dire porter atteinte au droit de réunion et à la liberté d’expression. Pour elle, c’est inacceptable, et le fait de s’en vanter tout simplement insupportable. Triste, car le signe ainsi donné est très grave. On nous somme, dit-elle en substance, de prendre parti en faveur de la politique d’un Etat, quand nous estimons avoir le droit de débattre de cette politique et de la condamner, sans que ce débat soit déplacé sur le terrain communautaire.

Daniel Garrigue, député UMP, porte-parole de République solidaire, rappelle, lui, que les chefs d’Etat français ont mené par le passé une politique différente de celle qui est aujourd’hui menée vis-à-vis d’Israël et des Palestiniens. Il évoque pour mémoire Valéry Giscard d’Estaing à l’origine de la Déclaration de Venise (1980), François Mitterrand reconnaissant l’OLP ou Jacques Chirac bousculé à Jérusalem « parce qu’il voulait parler avec les Palestiniens ». La « rupture » est profondément négative et choquante, estime-t-il.

Pour lui, poursuivre ceux qui appellent au boycott de produits qui ne devraient pas être en vente sur notre marché est simpliste, comme est malhonnête l’intervention du Premier ministre l’an passé au dîner du CRIF, prétendant qu’il s’agirait d’un boycott des produits casher. Il rappelle les termes de l’accord d’association entre l’UE et Israël qui exclut clairement les produits des territoires occupés et tout particulièrement des colonies. Et de demander ce que font les autorités françaises pour empêcher l’entrée de ces produits dans notre pays et quelles sont les poursuites engagées contre ceux qui les ont introduits malgré tout. Il y a, conclut-il, deux poids et deux mesures dans cette affaire.

Retenue pour un débat sur la garde à vue, Elisabeth Guigou (PS) a fait parvenir un message aux participants que vous trouverez en pièce jointe. Alain Krivine (NPA), lui, souligne, « pour ceux et celles qui en doutent », que l’internationalisme existe, aujourd’hui incarné par la lutte menée par les Palestiniens et celle menée par les Tunisiens, fantastique encouragement pour tous les peuples en lutte. Mais il y a un autre internationalisme, celui, dit-il, des « voyous » : la même semaine « Michèle Alliot-Marie proposait ses services de flic au dictateur tunisien et Valérie Pécresse, de fait, aidait le CRIF –selon l’éditorial de celui-ci- à interdire un débat ».

Reprenant à son compte l’invitation de Stéphane Hessel à résister, il demande le renvoi de ces ministres. Jacques Fath (responsable des relations internationales du PCF), témoigne de ce que « les communistes français sont solidaires de Stéphane Hessel et de tous les militants illégitimement attaqués parce que solidaires du peuple palestinien, qui ne supportent plus l’impunité et veulent agir pour la réalisation des droits du peuple palestinien. Le BDS est une politique nécessaire, et les forces progressistes ne baisseront pas la garde jusqu’à ce qu’Israël respecte et applique enfin le droit international ».

« Il y a quelque chose de pourri dans ce royaume de France », dit-il en paraphrasant Hamlet, « où le pouvoir se permet de soutenir en Tunisie, jusqu’au bout, un régime criminel, et se permet de soutenir Israël qui commet des crimes de guerre, voire des crimes contre l’humanité », et en France, ajoute-t-il en substance, se permet de bafouer les libertés publiques, le droit à l’expression, le droit de réunion. Cette politique du gouvernement français a quelque chose d’intolérable et nous devons tout faire pour en changer et pour qu’enfin « il puisse y avoir un peu d’éthique en politique », plaide-t-il. « Il ne faut pas compter sur Madame Canto-Sperber ni sur Madame Pécresse pour nous nourrir de valeurs universelles, mais plutôt sur nous-mêmes pour changer de politique internationale. »

La représentante de la FSU intervient aussi pour soutenir Stéphane Hessel et les prévenus et dénoncer la politique du gouvernement français qui permet qu’une association – le CRIF –dicte sa loi et intimide une institution publique comme l’ENS en lui interdisant la tenue d’un débat démocratique. Elle dénonce une violation des libertés universitaires, pourtant enracinées dans notre pays. Et considère qu’il est légitime de dénoncer ces actes comme il est légitime de dénoncer l’Etat d’Israël. La FSU, rappelle-t-elle, est ainsi engagée dans la campagne BDS et dans « un bateau pour Gaza » et elle continuera à l’être.

Secrétaire général du Parti de gauche et conseiller régional IDF, Eric Coqueret, demande quel épisode nous aurions manqué, qui justifierait que l’on interdise une réunion dans un établissement public en France, que l’on poursuive devant la justice des militants qui ont demandé le boycott de produits israéliens. « Y aurait-il par hasard déjà un Etat palestinien ? Israël appliquerait-il enfin les résolutions de l’ONU ? Israël respecterait-il tout simplement les droits humains à Gaza et en Cisjordanie ? Nous savons bien que non », dit-il. Pour lui, l’annulation de cette réunion à l’ENS témoigne d’un triple mépris : à l’encontre des militants « de la liberté, de l’internationalisme, du respect des peuples », à l’encontre des Palestiniens mais aussi à l’encontre des Israéliens ainsi supposés ne pas comprendre que l’on puisse mener une campagne de boycott contre la politique de leur gouvernement. Annick Coupé, porte-parole de Solidaires, témoigne de l’indignation de son organisation quant à la décision d’interdire un débat et réaffirme l’engagement des syndicalistes aux côtés des autres acteurs de la société civile pour la défense du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et des droits des Palestiniens. L’action BDS doit être poursuivie et amplifiée parce qu’« elle fait mal à la politique israélienne » et qu’elle est donc efficace, dit-elle.

Elèves et enseignants de l’ENS militants syndicaux (SUD, FERC-SUP CGT, Unef), demandent la démission de la directrice de l’école, dont ils dénoncent l’argumentation fallacieuse pour justifier de cette annulation. Ils se disent consternés par l’intervention, annoncée par le Crif, de Valérie Pécresse. Pour eux, cette censure ne peut qu’alimenter tous les amalgames, amalgames entre juifs et sionistes, amalgames aussi absurdes qu’insupportables entre antisionistes et antisémites ou même entre intellectuels et terroristes… Gérard Toulouse, normalien et physicien, remercie Stéphane Hessel pour son courage et « le sens qu’il a pu donner à nos combats. Il honore l’ENS, tout comme l’a honoré un autre ancien élève : Aimé Césaire » (une plaque en son honneur sera bientôt inaugurée dans l’enceinte de l’école). Ivar Ekeland, mathématicien, ancien élève de l’Ecole et président de l’AURDIP (Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine), dénonce le refus de débats dans les universités. « Qu’est-ce qui leur fait peur, sinon la vérité ? Car quand elle advient, les gens la reconnaissent. Cette peur de la vérité, c’est cela la censure. Il y a une atteinte générale contre les libertés publiques dans ce pays, contre quoi il faut se mobiliser. » Et de se réjouir : « La Tunisie nous a montré le chemin. »

L’historien Gilles Manceron (Ligue des Droits de l’Homme), rappelle que la LDH est du côté de ceux qui demandent que le débat s’instaure et contre ceux qui ne veulent pas de débat. Il rappelle aussi qu’elle a été créée au moment de l’affaire Dreyfus et pour défendre les droits du capitaine Dreyfus ; c’est assez dire qu’elle peut répondre et qu’elle répondra aux mensonges et aux diffamations. Enfin, il revenait à Tarek Ben Hiba, de la Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives (FTCR), de conclure ce meeting, sous les applaudissements. Il salue tout d’abord la victoire tunisienne. « Il y a des mystères heureux dans l’Histoire », dit-il, ajoutant qu’il n’est pas là par hasard : « la liberté de pensée, le peuple tunisien s’est levée pour elle ». Pour lui, les dirigeants israéliens eux aussi « ne comprendront que par la lutte ». Et de fustiger, de ce point de vue, le gouvernement français, tout en appelant à développer les luttes de solidarité avec le peuple palestinien.

Ce soir, un appel entendu…