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Source: Al-Oufok
L’onde de choc tunisienne atteint les pays arabes
Dimanche, 16 janvier 2011 - 23h02
Sunday 16 January 2011
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Et si le mouvement tunisien inspirait d’autres Etats arabes ? C’est la question qui peut se poser dans l’éventualité d’un “printemps démocratique arabe”, et qui semble faire son chemin dans les têtes des dirigeants et des peuples du Maghreb et du Proche-Orient.
La prudence des réactions des diplomaties de la région est particulièrement éloquente, reflétant la peur de soulèvements populaires des dirigeants arabes. Si les pays occidentaux souhaitent désormais ouvertement la démocratisation de la Tunisie, les capitales arabes restent discrètes, inquiètes du caractère spontané du mouvement ayant mis fin aux vingt-trois ans de régime policier de Zine El-Abidine Ben Ali.
Dans une déclaration d’une extrême prudence, la Ligue des Etats arabes a par exemple invité samedi à la fois les autorités, les partis politiques et les forces vives de Tunisie à faire preuve d’"unité" pour “maintenir les réalisations du peuple tunisien et parvenir à la paix dans le pays”. Le seul à regretter ouvertement le succès du soulèvement tunisien est le leader libyen Mouammar Kadhafi : “Je suis vraiment peiné par ce qui se passe en Tunisie. A quoi cela sert-il ? A quoi bon renverser Zine El-Abidine ? Ne vous a-t-il pas dit qu’il s’effacerait dans trois ans ? Soyez patients pendant trois ans et vos enfants resteront en vie”, a-t-il déclaré.
Un homme s’immole par le feu en Algérie
Du côté des populations, un certain nombre d’incidents et de manifestations survenus durant le week-end montrent l’importance de l’onde de choc crée par la “Révolution du jasmin”. Un Algérien de 37 ans a été hospitalisé dans un état grave après s’être immolé par le feu, samedi, devant une mairie de la région de Tebessa, près de la frontière avec la Tunisie, où il était venu réclamer un emploi et un logement. Mohcin Bouterfif faisait partie d’un groupe d’une vingtaine de jeunes rassemblés devant la mairie pour protester contre le refus du maire de les recevoir. Il s’est aspergé d’essence et transformé en torche vivante. La victime, père d’une fillette, entendait, par ce geste désespéré, “dénoncer l’attitude de mépris affichée à son égard par les élus de cette commune”. Le président de l’Assemblée populaire communale – la mairie – a été relevé de ses fonctions par le wali (préfet) de Tebessa qui s’est rendu dans la journée de samedi sur les lieux.
Plusieurs suicides ont été enregistrés en Tunisie depuis le 17 décembre, date à laquelle Mohamed Bouaziz, 26 ans, un vendeur ambulant sans permis s’est immolé par le feu pour protester contre la saisie de sa marchandise, déclenchant un mois d’émeutes sans précédent en Tunisie.
Manifestations d’étudiants au Yémen
Dimanche, un millier d’étudiants yéménites ont manifesté à Sanaa, appelant les peuples arabes à se soulever contre leurs dirigeants, à l’instar des Tunisiens. Les étudiants sont sortis du campus de l’université de Sanaa et se sont dirigés vers l’ambassade de Tunisie, accompagnés par des militants des droits de l’homme. “Tunis de la liberté, Sanaa te salue mille fois”, scandaient les étudiants, qui répétaient également des slogans appelant les peuples arabes à “la révolution contre les dirigeants menteurs et apeurés”. “Partez avant d’être déposés”, proclamait l’une des banderoles brandies par les manifestants, sans s’en prendre nommément au président yéménite Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans.
Sit-in devant le Parlement jordanien
En Jordanie, près de 3 000 syndicalistes, islamistes et membres de partis de gauche ont participé dimanche à un sit-in à Amman, devant le Parlement, pour protester contre l’inflation et la politique économique du gouvernement. “En Jordanie, nous souffrons des mêmes maux qui ont affecté la Tunisie, et nous devons mettre fin à l’oppression, ainsi qu’aux entraves aux libertés et à la volonté du peuple”, a affirmé le chef des Frères musulmans, Hammam Said, dans un discours. Après avoir fait l’éloge des Tunisiens qui “se sont débarrassés de leur dictateur”, il a souligné que le peuple jordanien “n’acceptera pas d’avoir faim”. Les manifestants, qui brandissaient des drapeaux de la Jordanie et de leurs partis, se tenaient debout devant la grille du Parlement, alors que les députés étaient réunis pour discuter des prix des aliments. “Jusqu’à quand continuerons-nous à payer le prix des vols et de la corruption ?”, pouvait-on lire sur une des banderoles.
Vu du Koweït, “une leçon pour tous les peuples de la région”
Des députés de l’opposition koweïtienne ont salué “le courage du
peuple tunisien” et prévenu que de nombreux régimes étaient menacés. “Tous les régimes qui oppriment leurs peuple et luttent contre l’identité arabo-islamique connaîtront le même sort”, a déclaré le député islamiste Walid Al-Tabtabaï. “C’est une leçon pour tous les peuples de la région”, a estimé le député Ahmad Al-Saadoun, un vétéran de la vie parlementaire.
Le Soudan “prêt pour un soulèvement populaire”
A Khartoum, Moubarak Al-Fadil, l’un des ténors de l’opposition soudanaise, a estimé que le pays était “prêt pour un soulèvement populaire”. Dimanche, des partis d’opposition ont “félicité” les Tunisiens et plaidé pour la “fin du régime totalitaire” soudanais. Ils demandent aussi la démission du ministre des finances, jugé responsable de la hausse des prix. Un groupe d’ONG arabes, le Forum de la société civile du Golfe, a par ailleurs appelé l’Arabie saoudite à ne pas laisser le président déchu, réfugié à Jeddah, s’installer sur “une terre du Golfe”.
Pour la Syrie et l’Iran, un avertissement contre l’Occident
Autre son de cloche du côté de la Syrie et de l’Iran, pour qui les déboires de M. Ben Ali sonnent avant tout comme un avertissement contre l’Occident. Le quotidien syrien Al-Watan, proche du pouvoir, a affirmé dimanche que la chute du président tunisien était “une leçon” pour les régimes arabes “à la solde de l’Occident”. “C’est une leçon qu’aucun régime arabe ne devrait ignorer, en particulier ceux qui mènent la même politique que celle de la Tunisie et qui comptent sur ’les amis’ pour les protéger”, écrit Al-Watan.
Le président du Parlement iranien, Ali Larijani, a ironisé sur les déclarations occidentales de solidarité : “Les pays qui étaient la principale raison de la tyrannie et de la pression sur les Tunisiens se montrent maintenant compatissants. Beaucoup de pays devraient maintenant retenir la leçon que les super-puissances ne les soutiendront pas en cas de difficultés.”
(Dimanche, 16 janvier 2011 - Avec les agences de presse)