Accueil > Sociétés Civiles à Parlement Européen > Archives > Français > Human Rights Watch appelle les Etats-Unis à couper l’aide à (...)

La campagne d’isolement continue et s’intensifie

Human Rights Watch appelle les Etats-Unis à couper l’aide à Israël

dimanche 8 janvier 2006

Laila El-Haddad
publié le samedi 7 janvier 2006

Une importante organisation américaine pour la Défense des Droits Humains a appelé l’administration Busch à couper son aide directe à Israël jusqu’à ce que cet état obeïsse aux injonctions à stopper la colonisation et la construction du mur de séparation.

Dans une lettre adressée à George Busch, le président américain, l’organisation Human Rights Watch (HRW) basée à New-York demande instamment que l’administration américaine déduise de son aide directe un montant égal aux dépenses engagées par Israël dans les programmes de colonisation ainsi que dans la construction et l’entretien du mur de séparation construit en Cisjordanie.

La lettre du HRW cite des sources en provenance du bureau israélien des statistiques pour la première moitié de 2005, montrant qu’il y a eu une augmentation de 28% dans les projets de construction dans les colonies, comparé à la même période en 2004.

Selon le groupe israélien « La Paix Maintenant » qui observe la colonisation israélienne, il y a 121 colonies officielles et 101 avant-postes non officialisés [dans les Territoires Palestiniens sous Occupation].

La surface occupée par les colonies occupe plus de 40% de la Cisjordanie. Il y a 240 000 colons vivant dans les colonies, face à quelques 2,5 millions de Palestiniens en Cisjordanie.

« Nous vous appelons à utiliser la diplomatie et les pressions financières pour stopper cette tendance en 2006 », dit la lettre, signée par Sarah Leah Whitson, directrice exécutive de la division du HWR pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

« La poursuite des activités colonisatrices par Israêl est une violation de la loi humanitaire internationale et des résolutions du conseil de sécurité des nations unies, ainsi que des propres engagements israéliens vis-à-vis de la feuille de route parrainée par les Etats-Unis en avril 2003 », ajoute encore la lettre.

Le plus grand bénéficiaire de l’aide américaine

Israël est chaque année le plus grand bénéficiaire de l’assistance américaine vers les pays étrangers depuis 1976, et le plus grand bénéficiaire en termes de cumul depuis la seconde guerre mondiale, selon le rapport publié par le Congressional Research (CRS) basé à Washington.

L’aide directe américaine vers Israël approchait 2,6 milliards de dollars US en 2005, avec 3 milliards supplémentaires fournis par le biais de garanties.

On ne connait pas exactement quelle proportion de cet argent est utilisée pour la colonisation et son extension ou pour la construction et l’entretien du mur de séparation.

La Knesset estime qu’Israël va dépenser 3,4 milliards de dollars pour le Mur d’Apartheid

Au contraire d’autres bénéficiaires de l’aide américaine, Israël n’a pas a rendre de comptes sur la façon dont cet argent est utilisé et n’est pas tenu non plus de rembourser les prêts, toujours d’après le rapport du CRS.

Le journal israélien Ha’aretz a découvert lors d’une enquête que le journal a menée le mois dernier qu’Israêl dépensait 550 millions de dollars US uniquement sur les aspects non-militaires de l’entretien et de l’expansion de la colonisation.

La Knesset, le parlement israélien, estime qu’Israël va encore devoir dépenser 3,4 milliards de dollars US pour le mur de séparation, dont 80% du tracé est situé en plein territoire palestinien en Cisjordanie.

Dénégation israélienne

Le ministère israélien des affaires étrangères nie que l’argent dépensé pour la colonisation vienne de l’aide américaine, ce qui serait une pratique en contradiction avec les obligations spécifiées par les américains.

Lior Ben Dor, un porte-parole du ministère, a déclaré : « Nous savons comment gérer notre budget. La construction de nouveaux appartements ou nouvelles maisons dans les colonies existantes ne signifie pas forcément que l’argent utilisé vienne de l’aide étrangère. Il provient parfois d’entreprises privées mais dans ce cas cela n’a pas à voir directement ou nécessairement avec l’aide étrangère. Israël ne construit aucune nouvelle colonie. Chaque expansion [de colonies existantes] se fait selon la croissance naturelle de la population et dans le cadre de plans de construction pour ces colonies ».

« Par conséquent nous ne voyons aucune raison pour que l’aide américaine soit coupée », a ajouté Ben Dor à Aljazeera.net, ajoutant qu’Israêl était « prêt à démanteler » un certain nombre de colonies en Cisjordanie sur la base « des progrès » de la feuille de route.

Contournements

En fonction de ce qui était demandé par la feuille de route parrainée par les Etats-Unis, Israël avait apperemment accepté de geler son activité colonisatrice, y compris « la croissance naturelle », et de démanteler toutes les avant-postes coloniaux mis en place depuis mars 2001, d’après Human Rights Watch. Les groupes comme “La Paix Maintenant” estiment que l’administration israélienne contourne ses engagements de ne pas construire de nouvelles colonies en étendant largement les colonies existantes bien au-delà de leur croissance naturelle par l’annexion de terre palestinienne et en créant un système d’avant-postes illégaux et contigus.

D’après les statistiques israéliennes, la construction dans les colonies a fait un bond

C’est la première fois qu’une organisation de l’importance d’HRW ait demandé une réelle coupure dans les aides directes à Israël en même temps que l’arrêt des garanties de prêts et autres concessions financières, d’après Lucy Mair, responsable du bureau du HRW à Jérusalem.

Washington a déjà par le passé suspendu ses garanties de prêts - le plus récemment en 2003 - mais jamais son aide directe.

Geler les garanties de prêts signifierait qu’Israël devrait payer un peu plus d’intérêts sur l’argent emprunté. Couper les aidesaurait des implications beaucoup plus sérieuses.

« Les Etats-Unis ont fait savoir à plusieurs reprises qu’Israël devait stopper son acrivité de colonisation, y compris leur ‘croissance naturelle’, mais il faut mettre son argent là où il est utilisé conformément aux engagements, et Israël ment maladroitement face aux demandes américaines », a déclaré Mair à al-Jazeerra.net.

Avancée notable

Les organisations défendant les Droits Humains évitent le plus souvent de lancer des appels ouverts pour que l’aide vers Israël soit amputée, de peur de contrarier certains de leurs donateurs.

Stephen Zunes, professeur en sciences politiques à l’université de San Francisco en Californie explique : « C’est un pas important qui vient d’être franchi et qui souligne la nécessité pour le gouvernement américain de faire quelque chose de concret pour respecter ses propres obligations dans le cadre de la feuille de route ».

« Si vous avez une organisation [comme HRW] importante et de bonne réputation qui s’attaque directement au sujet sensible de l’aide américaine à Israël, cela aide à déplacer la question des colonies des questions idéologiques controversées et place ce sujet dans le domaine des Droits Humains qui est le sien ».

« Cela forcera les politiciens américains à choisir entre la défense du droit et le soutien à l’aile extrémiste et expansionniste du gouvernement [israélien] dans sa flagrante violation de la loi internationale », ajoute Zunes.

Les tentatives d’obtenir une réponse des officiels américains en Israël et au Département d’Etat sont restées vaines.

Mair estime que HRW ne s’attend pas à recevoir une réponse, mais est « confiant » que des individus de l’administration [Bush] sont en train de lire leurs interventions.

Elle nous dit aussi que « en tant que plus grand donateur pour Israël, les Etats-Unis ont une responsabilité spéciale pour s’assurer que leur aide ne sert pas directement ou indirectement à violer la loi humanitaire internationale en construisant des colonies ou en construisant le mur [d’Apartheid] à l’intérieur des Territoires Palestiniens sous Occupation. »

Mardi 3 janvier 2006 - al Jazeera.net

Traduction : Claude Zurbach