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L’heure de la transition et de la rivalité

Les élections législatives auront-elles bien lieu en janvier ? ?

L’intérêt général arrivera-t’il à rassembler ?

lundi 19 décembre 2005

Dans environ 45 jours, les élections législatives devraient se tenir, sous occupation d’une armée dont les dirigeants politiques ont déjà prévenu que, selon la typologie des candidatures, ils allègeraient ou renforceraient, jusqu’au blocage, le contrôle de la circulation des candidats et des électeurs.
Dès le départ les dés sont pipés car le décideur n’est plus le peuple palestinien mais l’appareil répressif et de contrôle de l’occupant qui, si ses protégés ne sont pas seuls en lice ou du moins assurés du succès, fera en sorte que les élections ne soient pas significatives faute de concurrence démocratique issue de précédents et récents scrutins.
Le temps semble bien court pour trouver, non pas un mauvais compromis, mais un réel accord d’union nationale redonnant à la classe politique la dignité dont font preuve ceux et celles qu’elle sera censée représenter.

Vote pour la liberté
( Lundi, 19 décembre 2005 )

Alors que les Palestiniens se préparent à organiser leurs nouvelles élections législatives en janvier, l’occupation en cours et le grand besoin de réformes à l’intérieur du Fatah apparaissent comme les questions dominantes sur l’agenda électoral.

Comme les élections parlementaires du 25 janvier approchent et ouvrent une nouvelle ère de compétitions politiques partisanes, il est devenu de plus en plus évident que le Conseil Législatif Palestinien (CLP) est sur le point de connaître un changement radical après une décade de domination exlusive par le Fatah. Le Fatah reste l’organisation la plus populaire, bien que les nouvelles aspirations politiques du Hamas aient changé la dynamique de la scène politique. Pendant ce temps des candidats indépendants se sont alliés pour former des listes indépendantes des partis et proposer une alternative aux électeurs face à la polarisation entre le Fatah et le Hamas.

Combattre la corruption est un des premiers sujets de préoccupation pour les électeurs, beaucoup d’entre eux étant déçus par l’Autorité Palestinienne et ce qu’ils considèrent comme son manque de transparence. Alors que la direction du Fatah et ses candidats au CLP essaient de se réorganiser et d’imposer une nouvelle image, le Hamas tente de son côté de capitaliser sa capacité à rendre des comptes, comme prouvé par ses responsables locaux nouvellement élus [lors des élections municipales], et son adhésion aux principes islamiques.
L’absence de loi et de sécurité sont aussi des sujets-clés, montrant par là que les priorités des votants vont plus loin que les seuls questions liées à l’occupation israélienne.

D’après les dernières réformes appliquées à la loi électorale palestinienne, un système mixte combine le système majoritaire (dans les districts) et la représentation proportionnelle (les listes) et divise le CLP en 132 sièges répartis à parts égales entre les deux systèmes. L’électorat s’est cassé la tête pour comprendre ce nouveau système, qui réserve par ailleurs des sièges aux candidats chrétiens et aux candidates féminines. Il y aurait donc de droit cinq parlementaires féminines au CLP.
Mohamed Dahlan, le populaire Ministre des Affaires Civiles dans l’Autorité Palestinienne est la star parmi tous les candidats du Fatah, concourant pour un siège dans le district de Khan Younis, ce qui est aussi le cas du responsable palestiniens des négociations Saeb Erekat.

La lutte pour le pouvoir entre l’ancienne et la nouvelle génération à l’intérieur du Fatah apparaît dans la polémique qui a suivi l’organisation des élections primaires. « La nouvelle garde » qui comprend des représentants comme Marwan Barghouti, le chef [de la Résistance] et candidat emprisonné, a milité pour des primaires démocratiques, alors que « l’ancienne garde » était accusée d’imposer ses candidats sur les listes.

Le Comité Central du Fatah n’a pas voulu s’engager à utiliser les résultats des élections primaires pour définir la liste définitive de ses candidats.

Lundi [12 décembre], des militants encagoulés des Brigades des Martyrs Al-Aqsa - à l’origine une ramification du Fatah, le parti dominant - ont donné l’assaut aux bureaux de la Commission Centrale Electorale (CCE) dans le nord de Gaza et à Deir al-Balah pour protester contre la politique autoritaire de désignation des candidats.

Tel que les choses se présentent, le Fatah devrait remporter 40% des votes, alors que 30% iraient au Hamas et près de 12% aux indépendants, selon les dernières enquêtes d’opinion. L’enregistrement des candidats est officiellement terminé depuis le 14 décembre. Les listes définitives seront publiées le 2 janvier, cette date marquant le début de la campagne électorale officielle.

Le Hamas a annoncé son intention de participer aux élections dès mars 2005, et à procédé aux transformations nécessaires pour apparaître comme le principal courant politique, mettant en avant des responsables nouveaux et modérés tels Ghazi Hamad éditeur en chef du journal Al-Resalah géré par des partisans du Hamas, dans le district de Rafah au sud de la Bande de Gaza. Le principal responsable Mahmoud Zahar, que 20% des personnes interrogées lors d’une enquête récente verraient bien comme Premier Ministre, est aussi candidat, comme c’est le cas de de leur jeune porte-parole Mushir Al-Masri. Tous les trois sont originaires de la Bande de Gaza. Le responsable emprisonné Hassan Youssef sera également parmi les candidats.

Le Hamas, qui milite pour une résistance violente contre l’occupation israélienne, présente un total de 66 candidats, dont un chrétien et trois femmes. Une partie de la campagne électorale doit servir à expliquer aux votants « pourquoi la participation féminine est essentielle ... et à expliquer pourquoi le Hamas a décidé de participer au processus électoral », a déclaré Hamad à Al-Ahram Weekly.

Rasha Al-Rantisi, une des responsables du Hamas et veuve de Abdul-Aziz Al-Rantisi [chef du Hamas assassiné par les israéliens] a décidé de ne pas concourir, mais par contre elle a pris la décision de gérer la campagne électorale des autres candidats. Le Hamas a organisé des élections primaires, utilisant un système hiérarchique basé sur les qualifications pour choisir les candidats, selon Hamad.

Le Jihad Islamique, qui milite aussi pour la résistance face à Israël, a décidé de boycotter les élections.

Mustafa Barghouti, ancien candidat à l’élection présidentielle et qui avait remporté à cette occasion 20% des voix, a formé une liste indépendante appelée « Palestine Indépendante », qui comprend près de 50 candidats. Il a recruté un certain nombre de professionnels et d’intellectuels respectés, dont Salam Fayad, ancien ministre des finances et fonctionnaire de la Banque Mondiale, Hanane Ashrawi, ancienne ministre et militante des droits de l’homme, et l’ancien ministre Yasser Abd Rabbo.

« Nous représentons la majorité silencieuse. Le parti insiste sur la libération par rapport à l’occupation par une résistance non violente, populaire et de masse, et sur l’établissement d’un Etat Palestinien Indépendant » nous a dit Barghouti. Ce nouveau front va tenter d’attirer les voix des déçus du Fatah, et de ceux qui ne sont pas partisans du projet islamiste du Hamas. Néanmoins, de récentes enquêtes montrent que beaucoup de Palestiniens continuent de soutenir la résistance contre Israël, ce qui devrait amener encore plus de voix aux candidats du Hamas. « 33% des personnes interrogées soutiennent les actions armées contre Israël à partir de la Bande de Gaza si Israël maintient son contrôle sur la traversée des frontières », d’après une enquête menée par l’université An-Najah à Naplouse en Cisjordanie.

D’autres facteurs vont rendre encore plus attractifs pour les électeurs les candidats du Hamas. La liste Palestine Indépendante « sera libérale et contre la corruption, et c’est justement ce qui attire les électeurs vers les listes du Hamas », dit Ali Jarbawi, un commentateur et professeur en Sciences Politiques à l’Université de Bir Zeit, aussi candidat sur cette liste.

Et alors que le FPLP (Front Populaire de Libération de la Palestine) autrefois si fort, est en train de se redéfinir lui-même, des groupes tels que le Fida, le FDLP (Front Démocratique de Libération de la Palestine) et le Parti du Peuple (People’s Party) apparaissent comme hors de la compétition, chacune de ces formations a en effet obtenu au mieux 1,5% des votes lors des élections précédentes.

Une nouvelle fois les Palestiniens font face au défi formidable de mener des élections libres et transparentes dans les conditions de l’occupation israélienne. La restriction dans les déplacements était un obstacle très sérieux lors de la dernière élection présidentielle, pour laquelle il n’y avait que 7 candidats. A présent, avec des centaines de candidats essayant de mener leur campagne, environ 700 barrières et checkpoints vont définitivement poser d’insurmontables problèmes.

L’Autorité Palestinienne (AP) est en train d’organiser les élections législatives prévues le 25 janvier, donnant l’impression partiellement crédible que les élections prévues de longue date vont se tenir sans entraves.

Les différentes organisations palestiniennes, dont le Hamas et le Fatah, ont déjà finalisé leurs listes de candidats, et un ensemble de règles définit le processus électoral. De même, les listes d’électeurs enregistrés sont aussi prêtes, ce qui tend à calmer les tensions venant des problèmes rencontrés lors de l’élection présidentielle de l’an passée en ce qui concernait les votants habilités ou non. Les officiels de l’AP, dont le Président Mahmoud Abbas et le Premier Ministre Ahmed Qurei, continuent d’affirmer qu’ils tiendront leur engagement et que les élections auront lieu à la date prévue.

Cependant, sous la surface un nombre grandissant de problèmes émergent avec force, suggérant que les élections pourraient ne pas avoir lieu à la date convenue. Pour commencer, le Fatah, le parti gouvernant de facto dans l’AP, subit un changement qu’un responsable du Fatah à Hébron qualifie de « travail difficile et qui dure dans le temps ».

Ce processus est inscrit dans les modes de prises de décision plus ou moins autoritaires à l’intérieur de l’AP. A l’époque de l’ancien Président Yasser Arafat, il y avait une tendance dans les cercles politiques à suivre simplement ce modus operandi autoritaire, ce comportement étant imposé par l’autorité d’Arafat, son rôle historique et son contrôle absolu sur les rênes dans les affaires palestiniennes.
De plus, jusqu’à l’arrivée au pouvoir d’Abbas, le Fatah a continué à être perçu comme le mouvement de libération qu’il avait été à l’origine ; les militants du Fatah et leurs sympathisants se voyaient eux-mêmes comme des soldats devant respecter des ordres et non pas discuter avec leurs supérieurs ou leurs chefs. Mais depuis la mort mystérieuse d’Arafat l’an passé, tout ceci a changé. Beaucoup, si ce n’est la majorité, des responsables et militants régionaux du Fatah ne veulent plus jouer le rôel du « béni oui-oui » [« yes-men » - N.d.T].

Un tel manque évident d’autorité pose un problème aussi évident, et le Fatah est en train de se transformer rapidement en quelque chose s’apparentant à un supermarché d’idées parfois conflictuelles. Dans une tentative de dépasser ce problème, le Fatah a décidé de tenir des élections internes, ou primaires, pour désigner ceux qui seront ses candidats pour les prochaines élections législatives. Cependant, au lieu de résoudre le problème par la voie démocratique, les élections [internes] ont été gâchées par de fréquentes irrégularités, par de la fraude, des votes truqués et le chaos, obligeant la direction du Fatah et l’AP, dont Abbas, à considérer les primaires « uniquement comme un facteur intervenant dans la sélection des noms des candidats », au lieu du facteur déterminant.

La décision d’Abbas de jouer la carte la plus diplomatique qu’il avait à sa disposition était lié au fait qu’il comprenait qu’il serait damné s’il acceptait tel quel le résultat des primaires, et damné également s’il ne le faisait pas. S’il acceptait ces résultats [internes], il se serait aliéné des pans entiers du Fatah qui étaient convaincus que les primaires étaient une farce et qu’elles ne reflétaient en rien la volonté collective du mouvement. S’il n‘acceptait pas ces résultats, il se serait aliéné de façon similaire les vainqueurs des primaires et leurs soutiens et clans respectifs.

Abbas devait fixer les noms des candidats du Fatah pour mercredi [14 décembre], date limite pour la soumission des candidatures et pour la constitution des listes électorales. Cependant, selon des sources liées au Fatah et qui se sont exprimées devant Al-Ahram Weekly sous couvert de l’anonymat, Abbas était susceptible d’exclure des listes plusieurs des gagnants des élections primaires, et de les remplacer par des figures connues appartenant à la vieille garde du mouvement, comme Ahmed Qurei, Nabil Shaath et Abba Zaki. Une telle décision pourrait provoquer un désenchantement important et même de l’amertume parmi des dizaines de milliers de supporters traditionnels du Fatah qui souhaitent renouveler la direction nationale du mouvement.

En attendant, d’autres problèmes hantent le mouvement vieillissant, dont le risque d’une véritable désintégration qui serait provoquée par des divisions grandissantes. Il y a aussi de sérieux signaux d’alarmes venant des responsables régionaux du Fatah exclus des listes et qui pourraient former des listes concurrentes pour participer aux élections ou au contraire appeler à les boycotter. Chaque scénario entraînera une dispersion des voix qui en temps normal se seraient portées sur les candidats du Fatah. Il y a des indices que cela pourrait se produire si le mouvement ne réussissait pas à trouver une formule qui puisse satisfaire chacun - et une telle formule parait virtuellement impossible à trouver à ce stade [de la crise].

Et les signes d’une fissure apparaissent déjà. Cette semaine Jebril Rajoub, l’ancien Chef de la Sécurité Préventive en Cisjordanie, a critiqué vertement « ceux qui veulent être candidats mais manquent de références révolutionnaires ». A Dura, au sud de la Cisjordanie, des militants que l’on pense appartenir au Fatah ont distribué des tracts attaquant l’ancien Ministre de l’Information de l’AP Nabil Amr en l’accusant de contacts avec la CIA et avec le lobby juif américain. Amr a nié le contenu des tracts, disant qu’il s’agissait « de piaillements de campagne électorale ». Le chef emprisonné et populaire du Fatah, Marwan Barghouti, a parait-il prévenu qu’il pourrait quitter le Fatah si sa direction ne respectait pas le choix populaire. Barghouti a emporté le plus grand nombre de voix à Ramallah lors des primaires dans le Fatah trois semaines auparavant.

En attendant, l’organisation des élections à Jérusalem peut déterminer l’avenir du processus électoral dans son ensemble. Cette semaine, Qurei a prévenu que les élections législatives dépendaient de la bonne disposition israélienne à autoriser le processus électoral à Jérusalem-est, la capitale pressentie pour le futur Etat Palestinien. Israël, qui est lui-même en train de préparer des élections cruciales, est peu susceptible de répondre au besoin des candidats palestiniens en permettant que la campagne électorale et le vote aient lieu dans ce qu’il considère comme étant « sa capitale une et indivisible ». De plus, toute concession du gouvernement israélien à cet égard serait utilisée à des fins de propagande contre le premier ministre israélien Ariel Sharon par ses rivaux politiques comme le Likoud et autres partis d’extrême-droite.

En théorie, l’AP devrait arriver à un compromis sur cette question dans la mesure où le vote serait organisé par correspondance, comme cela avait été le cas lors des élections législatives en 1995. Cependant, l’AP est très tentée de rejeter une telle perspective, même si ce n’est que pour disposer d’un prétexte pour repousser ou annuler les élections. Le report ou l’annulation des élections mettrait en colère le groupe de la résistance islamique Hamas, principal adversaire du Fatah, qui pourrait réagir en annulant son engagement à respecter la tahdia, la trêve ou cessez-le-feu de facto avec Israël.

Dans tous les cas, le responsable du bureau politique du Hamas Khaled Mashaal, a prévenu que la tahdia ne serait pas renouvelée au-delà de cette année. Les responsables du Hamas dans la Bande de Gaza se sont cependant empressés de clarifier les remarques de Mashaal, disant que le mouvement demeurerait lié par le cessez-le-feu aussi longtemps qu’Israël agirait de façon réciproque et que l’AP adhérerait à l’Accord du Caire mis au point plus tôt cette année. L’accord stipule que l’AP rendrait possible l’organisation d’élections parlementaires dans les territoires sous occupation si le Hamas et les autres groupes palestiniens acceptaient un cessez-le-feu avec Israël.

Bande de Gaza et Cisjordanie - Erica Silverman et Khaled Amareyh - Al-Ahram Weekly

Traduction de l’anglais : Claude Zurbach