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Tsahal va devoir apprendre à barboter indéfiniment ! (ndlr)

Un problème de navire pour Israël

Vendredi 16 juillet 2010 - 09h:31 AM Source Info-Palestine

vendredi 16 juillet 2010

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Sherine Tadros -
Al Jazeera


Le ministère des Affaires étrangères israélien s’est chargé de maîtriser les dégâts provoqués par l’opération bâclée contre la flottille, mais il a bien fait comprendre à ceux de la Sécurité qu’une autre bourde sur un navire anéantirait tous ses efforts.

Navire, bateau, camion ou avion, la réussite et le danger de l’initiative se situent simplement dans la façon de toucher le point le plus faible d’Israël.

Le siège israélien de la bande de Gaza consiste essentiellement à encercler le territoire et à contrôler tous les points d’entrée et de sortie. Logiquement, quand vous entrez ou quand vous sortez du territoire contre la volonté d’Israël, vous brisez le siège. Sortir sans sa permission n’est pas le sujet, parlons de ces navires...

En théorie, c’est une idée simple, c’est même peut-être une idée géniale. Elle a germé peu après le début du siège ; alors, Israël avait laissé sporadiquement de petits bateaux apporter de l’aide. Israël les a laissés entrer parce qu’il avait plus à perdre à les arrêter qu’à permettre à quelques militants gauchistes (et politiciens bizarres) de transporter une aide gratuite.

Mais les bateaux sont devenus des navires, et avec eux, vint le problème. Israël décida alors que ces navires étaient un « risque pour sa sécurité » et il commença à les intercepter en mer pour les empêcher d’accoster à Gaza. Pour beaucoup de militaires israéliens, l’erreur a été commise il y a quelques années, quand les premiers bateaux ont été autorisés à entrer ; ils auraient été stoppés dès le début, peut-être que l’idée de briser le blocus n’aurait pas pris cette ampleur, et Israël ne serait pas dans le pétrin comme il l’est aujourd’hui.

Une Intifada de flottilles

Ce qui s’est passé à bord du Mavi Marmara le 31 mai n’est pas loin d’un désastre pour Israël : son image publique en a pris un coup et sa politique illogique à vouloir bloquer la nourriture et l’approvisionnements de la population de Gaza a été mise sur la sellette. Ce qui était transporté à bord du navire - des fauteuils roulants et des livres scolaires - a souligné à quel point ce blocus est absurde et carrément cruel. Même les maîtres de la désinformation en Israël ont dû se démener pour expliquer comment des bloc-notes pouvaient constituer un risque pour la sécurité de l’Etat.

Le ministère des Affaires étrangères s’est chargé de maîtriser les dégâts provoqués par l’opération bâclée contre la flottille. Il y est presque arrivé, mais il a bien fait comprendre à ceux de la Sécurité qu’une autre bourde sur un navire anéantirait tous ses efforts. Cela met les militaires dans une situation quelque peu fâcheuse, car ce qui vient dans le sillage du Mavi Marmara et par vent arrière, c’est une Intifada de navires (et de convois) pour l’été.

Dès le raid contre la flottille, de nouveaux convois humanitaires se sont préparés. La Campagne européenne pour la fin du siège de la bande de Gaza organise une « Flottille de la Liberté 2 », qui doit appareiller et mettre le cap sur Gaza le mois prochain. Elle a dit qu’elle sera composée de plus de navires que la première, et qu’il y aura jusqu’à 4 000 militants. Un navire humanitaire du Liban s’est trouvé beaucoup retardé mais ses organisateurs sont toujours décidés à partir pour Gaza. Un convoi terrestre jordanien a commencé son voyage aussi vers la bande de Gaza cette semaine. (Et celui de la Libye aujourd’hui détourné sur El Arish en Egypte - ndt).

Ce que peut changer un navire...

A part attirer l’attention sur la situation désespérée des Gazaouis, et faire soudain de nous des spécialistes de la mer capables de suivre à la trace tout navire en Méditerranée d’un seul clic de souris, que vont changer de plus ces navires ? Dans les semaines qui ont suivi le raid meurtrier sur le Mavi Marmara, Israël a annoncé qu’il « allégerait » le siège de Gaza. Cela voulait dire normalement qu’Israël allait augmenter la quantité de nourriture et de ravitaillements entrant dans la bande de Gaza par les passages terrestres qu’il contrôle et qu’il clarifierait sa politique sur ce qui est autorisé à entrer.

La situation à Gaza est si désespérée que rien que cela a été vu comme une totale réussite.

Mais il faut prendre en compte que cette initiative était programmée avant même que le Mavi Marmara ne prenne la mer. Il y des mois de cela, les Egyptiens ont commencé la construction d’un mur souterrain qui doit neutraliser avec quelque efficacité les tunnels de contrebande qui courent entre Gaza et l’Egypte. Si ce mur est terminé avant l’ « allègement », il crée tout simplement la famine dans Gaza. Les Palestiniens comptent presque totalement sur les tunnels non seulement pour la nourriture et les cigarettes, mais pour le carburant, les générateurs et d’autres produits de base. Israël ne va pas laisser un million sept cent mille personnes mourir de faim en direct à la télé. Bref, quelque chose devait arriver avant que le mur ne soit fini.

Considérez aussi que l’un des « gestes » des Etats-Unis pour amener l’Autorité palestinienne à accepter des négociations indirectes pour la paix (l’AP a finalement été d’accord dans un volte-face apparent) était de faire pression sur Israël pour qu’il allège le siège de Gaza. Je ne dis pas que la flottille n’a eu aucun impact sur la décision d’assouplir le siège, mais elle pourrait bien être plus un catalyseur qu’un instigateur.

Navire c/siège : juste combat ?

Le véritable succès de la flottille doit être pris dans un contexte plus large. Elle est devenue le flambeau d’une forme non violente de la résistance contre l’occupation d’Israël, et qui a fait des avancées énormes.

Le mouvement actuel de boycott en Cisjordanie attire l’attention ; il embarrasse Israël en projetant une ombre sur l’Etat démocratique, moral, que celui-ci prétend être et beaucoup comparent ce boycott à la politique de désinvestissement contre l’Afrique du Sud durant l’apartheid des années 80.

Les évènements à bord du Marmara se sont terminés dans le sang et la violence mais la théorie que sous-tend la flottille était logique et pacifique. Israël est un Etat fortement militarisé. Agir par la violence est ce qu’il sait faire de mieux. Un soldat israélien face à un homme qui tient un fusil et qui s’avance vers lui a appris exactement ce qu’il doit faire. Mais à la place du fusil mettez une banderole avec dessus « Free Gaza », et le soldat se met à paniquer. Il a été formé pour la guerre pas pour affronter une foule.

Et c’est pourquoi, que ce soit un navire, un bateau, un camion ou un avion, la réussite et le danger de l’initiative se situent simplement dans la façon de toucher le point le plus faible d’Israël.

Sherine Tadros écrit pour Al Jazeera ; elle fut l’un des quelques journalistes étrangers à couvrir la guerre de Gaza en décembre 2008/janvier 2009 depuis l’intérieur du territoire.

Elle possède deux diplômes en politique sur le Moyen-Orient et elle a donné des cours de politique à l’école des études orientales et africaines (SOAS) de l’université de Londres.