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Source : Rela Mazali - The Huffington Post

BDS : un appel pour un avenir vivable

Lundi, 28 juin 2010 - 11h59 AM

lundi 28 juin 2010

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Traduction : M.C.

Que faire quand le pays que j’habite perd totalement la boussole ? Perd toute vergogne ? Que faire quand le régime qui perçoit mes impôts les utilise pour déployer ses soldats high-tech, armés jusqu’aux dents, contre des bateaux de militants qui s’opposent à un siège criminel ? Quand les politiciens de ce pays autorisent les soldats à tirer-pour-tuer dans une foule rassemblée sur un pont de bateau ? Et que [ces politiciens] me disent ensuite qu’ils me protègent ? Que faire quand les gouvernements du monde sont trop profondément impliqués pour demander des comptes à ce régime, à ce pays ?

J’ai vu gouvernement sur gouvernement d’Israël se présenter comme membre respectable et normal du club des pays développés ; ouvert, démocratique, cultivé et libéral. Israël a récemment lancé une grande campagne pour redorer son blason, mettant l’accent sur sa diversité, sa richesse et sa créativité pour détourner l’attention de sa bellicosité guerrière. Les dirigeants d’Israël sont absolument résolus à cultiver une image positive d’eux-mêmes.

J’ai remarqué les privilèges spéciaux accordés à maintes reprises sous le prétexte de cette image. Chaque année, les USA offrent pour la « défense » d’Israël des milliards sous forme d’avions, de missiles, de fusils et de munitions. En mai dernier, l’organisation des pays soi-disant développés (OCDE) a accordé à Israël le statut de membre à part entière, après des années de lobbying israélien. Israël fonde l’égalité de traitement qu’il a dans ce genre de clubs sur sa prétention de démocratie.

L’heure est venue que nous le prenions au mot. Responsable. Pas seulement « privilègié-able ». Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) pour mettre fin à l’occupation, rejeter et ôter par l’action le masque « tout est normal » d’Israël.

Chacun d’entre nous, chacun d’entre vous, peut mettre le holà [en étant acteur du] BDS et agir en tant que citoyen du monde responsable et soucieux de ses responsabilités. Mettre fin aux 43 ans d’occupation israélienne. Mettre fin au siège inacceptable et criminel de Gaza. Mettre fin aux lois racistes et politiques à l’intérieur d’Israël, qui ciblent ouvertement les citoyens palestiniens d’Israël. Mettre fin à plus de soixante ans de dépossession continue du peuple palestinien.

À l’intérieur d’Israël, le BDS a déjà commencé à fonctionner. Il fonctionne là où des années d’autres stratégies de la société civile ont beaucoup trop peu obtenu. Pour la première fois depuis très longtemps, beaucoup d’Israéliens autour de moi se réveillent et se rendent compte : ils se rendent compte qu’il y a encore une occupation en place depuis 43 ans d’affilée, une occupation « là-bas » hors de leur vie « normale » et hors de la « menace existentielle » qui se nourrit d’elle-même. Ils se rendent compte que des millions de gens partout dans le monde pensent que les Israéliens « ordinaires » —tant individuellement que collectivement— ont quelque chose à voir avec cette occupation. Ils se rendent compte qu’au bout du compte, cette occupation leur coûte vraiment trop cher.

Voilà maintenant des semaines que, dans les media israéliens, des dizaines d’articles font état de la montée en puissance du BDS et spéculent sur ses chances [de réussite] et ses conséquences. Le cabinet [ministériel] d’Israël a récemment réagi au boycott des produits des colonies par l’Autorité Palestinienne. En mai, un professeur de Harvard a averti lors d’une conférence à l’Université de Tel Aviv de la grave menace stratégique [que constitue] l’effritement de la légitimité d’Israël. Ignorant les antécédents du pays, il a imputé ce déclin de légitimité au BDS et accusé les personnes qui militent, sous-entendant en fait que ce sont des traîtres. Les militants BDS d’Israël reçoivent régulièrement des menaces plus ou moins voilées (dont, récemment, une menace de mort) via les media, à travers les remontrances de certains employeurs, sous la forme de menaces (jusqu’à présent) de poursuite en justice, par le biais des listes de diffusion universitaires et de pétitions de collègues. Un nouveau projet de loi qui circule au parlement d’Israël pourrait criminaliser le faire de soutenir le BDS, par le passé ou actuellement, —transformant ainsi cet article en preuve à charge contre son auteur. Le ministre de l’éducation d’Israël a devancé le vote de cette loi en promettant de punir les universitaires qui soutiennent le BDS. Tout cela est la preuve évidente que BDS a commencé à s’imposer à la société ici, en Israël.

Parallèlement, sur le plan international, des organisations de la société civile (syndicats, groupes d’étudiants, municipalités, équipes de football, et même un gouvernement) passent des résolutions de soutien au BDS en Norvège, en Suède, en Grande-Bretagne, au New Hampshire, en Californie, en Suède, en France.

En 2005, les organisations de la société civile palestinienne se sont regroupées pour émettre un puissant appel commun au Boycott, Désinvestissement, Sanctions. Des associations de militants du monde entier et d’Israël ont souscrit à cet appel et déclaré leur soutien. Le BDS est un outil politique dont s’est emparé et se sert la société civile internationale, où les autres outils semblent inefficaces : quand les institutions internationales et les gouvernements sont défaillants, quand le besoin de mettre fin à une grave oppression se fait sentir depuis trop longtemps et n’est pas satisfait. Aujourd’hui, le BDS est peut être le seul outil non-violent capable de pousser Israël à se défaire de ses mécanismes de brutalité militarisée.

Avec courage et ingéniosité, le BDS affronte la violence avec une ferme détermination à la non-violence. Il est là par solidarité d’abord et avant tout avec les Palestiniens et ensuite avec l’humanité —avec les milliers d’internationaux et d’Israéliens qui ont choisi la résistance non-violente comme moyen de s’opposer et de mettre fin à l’oppression de la Palestine.

Outil et stratégie mais pas fin en soi, le BDS est destiné à marcher. Comme çà a déjà été le cas quand le boycott des bus ségrégués de 1953 a servi de déclencheur aux années cruciales du Mouvement des Droits Civiques aux États-Unis ; quand la communauté afro-américaine de Bâton Rouge a boycotté et combattu une décision du tribunal de Louisiane ; quand, deux ans plus tard, Rosa Parks a refusé de s’asseoir à l’arrière d’un bus de Montgomery et lancé le boycott des bus de Montgomery ; quand le boycott scolaire massif de 1965 a re-galvanisé le mouvement dans le Comté de Cook et que plus de 100 000 élèves afro-américains ont cessé d’aller dans leurs écoles en dessous de tout malgré une injonction du tribunal ; quand le mouvement mondial de résistance à l’apartheid sud-africain a progressivement gagné du terrain tout au long des années 60 au grand dam des gouvernements américains et britanniques successifs ; quand ce mouvement a continué à prendre de l’ampleur et refusé de s’estomper.

Aujourd’hui, le BDS peut rendre de plus en plus difficile pour le gouvernement israélien de maintenir l’occupation et la répression interne. En en faisant grimper le prix, il peut rendre d’occupation non rentable et le racisme honteux. De plus, et non moins important, il permet déjà à la société israélienne de reprendre contact avec la claire réalité en réfléchissant à l’image qu’elle donne d’elle-même à la société civile internationale et en saisissant ce qu’elle est devenue.

Le BDS est un moyen de rendre justice à ceux à qui elle a été déniée. Non pas contre mais plutôt pour Israël et la Palestine, il a pour but de mettre fin aux stratégies qui détruisent la vie des Palestiniens et dévorent l’humanité des Israéliens. Le BDS est un combat pour que toutes les personnes de cette terre aient un avenir vivable et viable.

* Israélienne, Rela Mazali est auteur, chercheuse indépendante et militante féministe de la paix. Militant depuis 1980 contre l’occupation israélienne, R. Mazali a co-fondé le mouvement New Profile pour la démilitarisation de la société israélienne. Nommée candidate au Nobel de la Paix par le programme 1000 Femmes de Paix, elle a siégé au Jury de Conscience du Tribunal Mondiale sur l’Irak (2005).

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