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Pour Beyrouth, un défi de taille

Le dossier libano-palestinien enfin sur la table des négociations

Communiqué par Nacera Brik

vendredi 16 décembre 2005

Pour Beyrouth, un défi de taille : renoncer à l’application « à la lettre » de la 1559, sans en ignorer le fond
Le dossier réalisé par Jeanine JALKH
Entamé depuis un mois, au lendemain de l’encerclement des camps palestiniens au Liban-Nord, le dialogue entre les factions palestiniennes et le gouvernement est désormais sur les rails. Initié par les autorités sur fond des accords de Taëf et de la résolution 1559 qui prévoit le désarmement de toutes les milices, notamment palestiniennes, l’assainissement des relations entre le Liban et les réfugiés palestiniens est devenu incontournable.
Face au clivage interne suscité par la 1559 à l’heure où la tension est à son paroxysme dans la région, parler de désarmement signifie, pour les réfugiés, renoncer à leur dernière carte de pression face à Israël pour ce qui est de leur sacro-saint droit de retour au pays natal. Paradoxalement, ces armes, qui circulent notamment à l’intérieur des camps, représentent un danger certain pour les réfugiés eux-mêmes, qui se sont souvent entre-tués au cours des dernières décennies, divisant leurs rangs internes et fragilisant ainsi leurs positions et leur situation.
Aujourd’hui, les temps et les circonstances ont changé. Mûrs de leurs expériences passées qui se sont souvent soldées par une série de déceptions et une bonne dose d’amertume, les Palestiniens du Liban savent désormais pertinemment que le radicalisme ne saurait plus jouer en leur faveur. Convaincus que seul le dialogue peut et doit mener à un modus vivendi avec le gouvernement libanais, les Palestiniens posent cependant leurs conditions à un éventuel règlement de leurs problèmes. Pour eux, ce dossier ne saurait être examiné « sous le seul angle sécuritaire », qu’ils perçoivent comme une tentative de désarmement forcé que tente de leur imposer la communauté internationale par le biais de la résolution onusienne, mais plutôt dans sa globalité - droits politiques et sociaux, questions de sécurité et résolution 194 sur le droit du retour.
Une exigence que les autorités libanaises seraient, dans une certaine mesure, prêtes à prendre en considération, ayant accepté le principe de mettre sur la table des discussions toutes les questions qui préoccupent les réfugiés.
Autant de têtes de chapitre qui ont été évoquées par les parties au dialogue qui serait, de l’avis des interlocuteurs, sur la bonne voie, tant que la volonté et la bonne foi existent des deux côtés.
D’où l’idée de réussir à tout prix ce dialogue sur lequel les Palestiniens fondent beaucoup d’espoir pour assainir une fois pour toutes leurs relations avec les autorités du pays hôte.
Grâce à ce dialogue, les réfugiés aspirent ainsi à s’assurer le soutien du Liban au fameux droit de retour, et à acquérir des droits sociaux et politiques qui leur permettront d’améliorer leurs conditions de vie à l’intérieur des camps, en attendant « des solutions plus satisfaisantes », à savoir le retour au pays natal, un rêve que continue de caresser une majorité d’entre eux.
La question des armes aux mains des milices palestiniennes est, elle aussi, au centre des débats, entendue non pas comme « un désarmement des milices » comme le prévoit la 1559, mais plutôt sous l’angle de la « réorganisation des armes à l’intérieur des camps ». Un principe sur lequel seraient tombés d’accord les deux parties au dialogue.
Reste la question des armes à l’extérieur des camps, dont une grande partie serait enfouie dans des dépôts souterrains dans la région de Héloué et Koussay, au sud de Beyrouth - deux localités aux mains du Commandement général d’Ahmed Jibril, une formation prosyrienne.
Si la majorité des factions palestiniennes - l’OLP, Fateh, FPLP, FDLP, d’une part, et la Saïka, Fateh-intifada, Jihad islamique, Hamas, Commandement général, d’autre part - conviennent aujourd’hui qu’il faut trouver une solution viable à cette question, il n’en reste pas moins que le Commandement général d’Ahmed Jibril semble à ce jour récalcitrant à rendre les armes. C’est sur ce point précis que devront s’entendre les factions palestiniennes entre elles dans les semaines à venir. Elles devraient également se mettre d’accord sur la formation d’une délégation unifiée au dialogue, autre point d’achoppement sur lequel continuent de diverger les factions proches de l’OLP et les factions qui relèvent du Front de salut.
Une chose est sûre, les factions palestiniennes affirment quasi unanimement avoir tiré la leçon de leurs expériences et relations passées. Elles savent que seule leur union peut renforcer leur position à la table des négociations avec le Liban. Elles affirment également avoir tiré la conclusion suivante : désormais, les réfugiés palestiniens ne serviront plus de carte aux mains des acteurs régionaux, en particulier de la Syrie qui se s’est jamais privée au cours des vingt dernières années de les instrumentaliser au profit de sa politique régionale.

La résistance de l’intérieur
À la lumière des développements survenus depuis la première intifada palestinienne à l’issue de laquelle les Palestiniens ont réalisé que leur résistance ne devait plus être menée qu’à partir des seuls territoires occupés, les réfugiés du Liban ont compris que c’est vers cet objectif ainsi que celui du droit de retour qu’ils doivent désormais canaliser leurs efforts. Ainsi, la lutte armée à partir de l’extérieur n’a plus de sens et le port des armes par les réfugiés n’est plus, selon eux, qu’une « simple mesure d’autoprotection » et « un pouvoir symbolique » pour contrer une éventuelle action perpétrée par Israël.
Reste toutefois à savoir dans quelle mesure le Liban pourra trouver un juste milieu entre les inquiétudes des Palestiniens et la stabilité interne du pays. Tiraillé entre son aspiration à la souveraineté, qui suppose le monopole de la force de coercition et de la force armée sur son territoire, et les équilibres délicats qui se profilent à l’ombre de la nouvelle crise régionale, le gouvernement fait face à un véritable défi : renoncer à l’application « à la lettre » de la 1559, pour ce qui est des armes palestiniennes sans toutefois ignorer cette résolution dans le fond.
C’est vers cette solution médiane que l’actuel gouvernement libanais entend s’acheminer avec l’aide des Palestiniens qui disent comprendre parfaitement le besoin des Libanais de consolider leur État de droit. La Syrie viendra-t-elle une fois de plus ébranler ce nouveau consensus en gestation ? La réponse dépendra de l’issue des négociations en cours et du degré de maturité de chacune des parties en présence.
Qu’en pensent les principales factions palestiniennes concernées ?
Souhail Natour (FDLP), Sultan Abou el-Aïnayn (Fateh), Ali Fayçal, (FDLP), Abou Imad al-Rifaï (Jihad islamique), Oussama Hamdane (Hamas) répondent aux questions de L’Orient-Le Jour. Nous publions aujourd’hui les interviews du FDLP et dans le prochain article celles du Fateh, du Hamas, du Jihad islamique et du Commandement général d’Ahmed Jibril.