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Le courage d’être soi-même quoiqu’il en coûte (ndlr)

Mordechai Vanunu demande le retrait de sa candidature au Prix Nobel de la Paix

Dimanche, 14 mars 2010 - 9h45 AM

dimanche 14 mars 2010

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L’opposant israélien qui a fait 18 ans de prison dans les geôles israéliennes pour avoir dénoncé l’activité nucléaire clandestine de son pays, refuse d’être Nobelizable, en expliquant qu’il n’est pas question qu’on lui décerne un prix accordé au criminel de guerre Shimon Peres.

"Pas question, vient de déclarer Vanunu, d’être mis sur le même plan qu’un homme qui a joué un rôle ignoble dans l’introduction d’armes nucléaires au Moyen-Orient, dans le massacre de Qana et dans les crimes de guerre perpétrés à Gaza, comme de la brutale occupation israélienne de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie."

« Vanunu nous a écrit cette année et l’an passé des lettres dans lesquelles il indiquait explicitement qu’il ne voulait pas être candidat au Prix Nobel de la Paix. La raison qu’il a donnée était que Shimon Peres avait reçu ce prix, qu’il attribuait à Peres la paternité de la bombe atomique israélienne, et qu’il ne souhaitait être associé à Peres en aucune manière » , rapporte Geir Lundestad, Directeur de l’Institut Nobel de Norvège et Secrétaire du Comité Nobel, 24 février 2010.

Rannie AMIRI*, souligne dans Counterpunch :

Pour la première fois dans l’histoire du Comité Nobel de Norvège, a été présentée – par l’impétrant lui-même – une requête préalable de retrait de candidature. Il a été révélé la semaine dernière que, dans une lettre au Comité, Mordechai Vanunu avait demandé que sa candidature fût retirée. Le fait est suffisamment inhabituel en soi pour que Geir Lundestad reconnaisse le fait même qu’une candidature avait été reçue, et qui plus est, pour qu’il révèle la requête de Vanunu.

Mais pour Vanunu – un homme à qui le Nobel de la Paix devrait avoir été décerné voilà longtemps – la démarché était en pleine cohérence avec la dignité, l’intégrité et le caractère sans compromission de quelqu’un à qui le monde est grandement redevable.

Mordechai Vanunu a travaillé comme technicien sur le site nucléaire de Dimona ; dans le désert du Néguev, de 1976 à 1985. Dans une interview de 1986 au Sunday Times, il a révélé courageusement, pour la première fois, l’activité nucléaire clandestine de son pays. Une semaine avant la publication de l’interview, une ruse d’un agent du Mossad l’a amené de Londres à Rome, où il a été appréhendé et expédié vers Israël. Sous des procédures secrètes, Vanunu a été jugé pour trahison, prestement déclaré coupable et condamné à 18 ans d’emprisonnement. Il en a passé plus de onze en isolement.

Vanunu a été relâché de la prison Shikma d’Ashkelon en avril 2004, non contrit et non repentant. « Je suis fier et heureux d’avoir fait ce que j’ai fait », a-t-il déclaré. Quant à avoir enduré presque deux décennies d’incarcération ? « J’ai dit au Shabak [Shin Bet], au Mossad : ̎ Vous n’êtes pas parvenus à me briser, vous n’avez pas réussi à me rendre fou ̎ .

Les conditions de son élargissement lui interdisent de parler à des journalistes, des partisans ou des non-Israéliens de quelque sorte que ce soit. Ses déplacements sont limités à l’intérieur même du pays, avec interdiction complète d’en sortir.

En 2007, Vanunu fut pris en violation de ses engagements, en partie pour avoir tenté de voyager de Jérusalem à Bethléem, ce qui l’a ramené en prison pour trois mois de plus.

Le fait de sa conversion au christianisme et de son soutien aux droits des Palestiniens n’ont fait qu’aggraver le mépris dont l’accablent ses concitoyens, qui lui accolent le qualificatif de traître et délateur, alors qu’il a été comme une sirène qui a alerté le monde sur les bombes nucléaires clandestines d’Israël et sur l’introduction au Moyen-Orient d’armes de destruction massive.

Vanunu tient à rappeler que Shimon Peres (celui qui est invité par le maire de Paris à inaugurer "l’Esplanade bel Gourion" le 13 avril prochain, NDLR) censé inaugurer la : l’architecte du programme d’armes nucléaires d’Israël. En 1953, le premier ministre israélien David ben Gourion nomme le jeune Shimon Peres directeur général du ministère de la défense. C’est dans ces fonctions que Peres a contribué à établir en 1956 le Protocole de Sèvres (dans le contexte de l’attaque franco-britannico-israélienne contre Suez). Ces rencontres l’ont conduit à obtenir l’aide de la France dans la construction du centre de recherches nucléaires du Neguev. L’implication décisive de Peres dans le développement des capacités nucléaires d’Israël est exposée en détail dans Shimon Peres – The Biography de l’historien Michael Ben-Zohar. Le livre divulgue de nouvelles informations sur la manière dont Peres a servi d’architecte occulte de la puissance militaire israélienne, en acquérant secrètement des armes et en achetant à la France un réacteur atomique.

C’est cette prétendue « colombe » qui, en tant que ministre des affaires étrangères, avait été en 1994 le lauréat du Nobel de la Paix, en même temps que le premier ministre Yitzhak Rabin et que Yasser Arafat, président de l’autorité nationale palestinienne.

Shimon Peres fut aussi l’apologiste d’un massacre. Ce fut au cours de la campagne israélienne « Raisins de la colère » au Liban qu’a eu lieu en avril 1996 le massacre de Qana. Sur une base des Nations Unies proche du village de Qana, 800 civils libanais avaient trouvé refuge contre les combats. Avec le mépris le plus radical à la fois envers l’ONU et envers les civils qu’elle abritait, les Israéliens ont bombardé la base, tuant 106 innocents et en blessant plus d’une centaine.

Israël a d’abord prétendu avoir ciblé les positions du Hezbollah et non la base de l’ONU (dont il connaissait pourtant les coordonnées exactes). Il a ensuite déclaré que le site avait été frappé par inadvertance, par cause de « ciblage incorrect imputable à des données erronées » et d’utilisation de cartes périmées (les explications indéfiniment re-fabriquées qu’offrent les Israéliens sur une frappe délibérée d’un local des Nations Unies, et qui allaient se répèter en 2008-2009 pendant la guerre de Gaza).

C’est Peres, premier ministre d’alors, qui a finalement justifié l’attaque, en en faisant porter le blâme sur le Hezbollah par le prétexte usé, discrédité et rabâché du « bouclier humain » (un autre subterfuge exploité de nouveau par l’armée israélienne pour rationaliser le massacre de civils lors de la guerre de Gaza).

Une enquête subséquente des Nations Unies a conclu qu’il était invraisemblable que le bombardement du site de Qana ait été dû à de lourdes erreurs techniques ou procédurales. Une enquête conduite par Amnisty International a conclu que l’attaque était « intentionnelle et condamnable ». Le rapport établi par Human Rights Watch indiquait de même : « Nous avons déclaré qu’il s’agissait là d’un massacre intentionnel, perpétré au moyen de missiles et d’explosifs de haute efficacité ».

"Le Comité Nobel ne devrait pas seulement continuer à considérer Vanunu comme éligible, mais lui attribuer le prix, ne serait-ce que pour se réhabiliter lui-même, en tant que corps capable de reconnaître les actes, non les espérances. Les projecteurs de la honte seraient alors braqués sur Israël empêchant Vanunu de se rendre en Norvège comme lauréat – même si, probablement, il persisterait à décliner ce prix. S’il était permis à Vanunu de tenir une conférence de presse, l’occasion lui serait donnée de révéler au monde le rôle ignoble de Peres dans l’introduction d’armes nucléaires au Moyen-Orient, de rappeler le massacre de Qana commis sous son autorité, de parler des crimes de guerre perpétrés à Gaza et de la brutale occupation israélienne de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie. Il est temps que, de nouveau, résonne la sirène. "

Rannie AMIRI

http://counterpunch.org/amiri03052010.html