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INDIGNATION

Lettre du Pr. Christophe Oberlin à Bertrand Delanoë

Vendredi, 12 mars 2010 - 6h52 AM

vendredi 12 mars 2010

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Source : CAPJPO Europalestine

C’est une avalanche de lettres indignées par la décision de la Mairie de Paris d’inaugurer une "Esplanade Ben Bourion" sur les quais de Seine, que nous recevons depuis mardi. Nous sommes dans l’incapacité de publier tous ces courriers adressés à Bertrand Delanoë, et nous nous en excusons. Ci-dessous celui du Pr. Oberlin, chirurgien qui se rend régulièrement en mission à Gaza.

Lettre du Pr. Christophe Oberlin à Bertrand Delanoë

Mon cher Bertrand,

Je me permets ce tutoiement familier, car j’ai eu ma carte du parti socialiste pendant plus de 15 ans, et ai eu un modeste mandat de conseiller du 19ème arrondissement de Paris entre 1995 et 2001. A cette occasion je me suis occupé activement de lutte contre le Sida, notamment. En 2001, tu ne t’en souviens peut être pas, Nous n’étions au début, que… 4 socialistes de l’arrondissement à soutenir ta candidature face à Jack Lang. Nous avons bataillé ferme lors des réunions de campagne, et je me souviens de ta visite dans le 19ème : tu étais arrivé seul, très discrètement, et par ton talent la réunion s’était terminée par une ovation debout ! J’avais pour toi de l’estime, et ton parcours à la tête des parisiens confirme que nous avons eu raison de te faire confiance… à une regrettable exception près.

J’ai commencé à travailler comme chirurgien en Palestine fin 2001, et je me souviens qu’au retour d’une zone sinistrée en Amérique du sud, tu avais décidé un don de 500 000 francs pour une aide sanitaire à la Palestine, et grâce à Alain Lhostis j’en ai été le bénéficiaire, bien qu’une partie de ton entourage ait retardé au maximum l’octroi de cette subvention. Je me souviens en particulier que des mots inacceptables ont été prononcés en réunion par des membres de la délégation aux relations internationales de la Mairie de Paris. Quoi qu’il en soit cet argent a été utile. D’autres financeurs ont par la suite pris le relais, et nous avons aujourd’hui un solide bilan en matière de traitement des blessés palestiniens, et surtout de formations des chirurgiens locaux.

Mais je suis en même temps effaré par des gestes politiques dont manifestement tu ne mesures pas la gravité, à la fois par leur retombées dans l’opinion palestinienne (et donc mondiale) et sur ton image personnelle. Imagines toi un instant que j’étais à Gaza en janvier 2009 avec nos amis palestiniens, sous les bombardements, alors que dans le même temps tu venais de décréter « citoyen d’honneur de la ville de Paris » un soldat israélien capturé en uniforme par les palestiniens, et que 11 000 palestiniens croupissaient (et croupissent encore) dans les prisons israéliennes. En une signature, tu t’es discrédité à vie du monde musulman et bien au-delà.

Le fameux jugement « équilibré » entre les deux parties, israélienne et palestinienne, est aujourd’hui complètement battu en brèche tant l’opinion internationale sait aujourd’hui qu’il y a un oppresseur et un opprimé, un envahisseur et une population spoliée. Plus de dix lois israéliennes sont totalement indéfendables par leur caractère raciste. Et les déclarations racistes, j’en viens au sujet de ce message, ne manquent pas, tant dans les textes de Théodore Herzl que de David Ben Gourion, deux personnages sinistres que tu as accepté d’honorer en donnant leur nom à un lieu public parisien. Ces lieux, comme ceux honorant Alexis Carrel, seront débaptisés un jour. Je suis sincèrement attristé que, surement par ignorance de la réalité des faits et de l’Histoire, tu aie pu te laisser entrainer à des décisions aussi regrettables.

J’ose te demander, sans grand espoir de réponse, un rendez vous pour en parler en tête à tête. Je te propose aussi, naïvement sans doute, de t’accompagner à Gaza, afin que tu puisses prendre connaissance directement des réalités du terrain.

Avec mes sincères salutations,

Christophe Oberlin

publié le jeudi 11 mars 2010