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Démocratie & socialisme - n°172, février 2010

CRIME ET DIVERSION

par Philippe Lewandowski - Mercredi, 17 février 2010 - 6h58 AM

mercredi 17 février 2010

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« La diversion est une opération militaire destinée à détourner l’ennemi d’un point », selon les dictionnaires. Dans le cadre d’une guerre de conquête multiforme et ininterrompue, elle peut cependant relever de la stratégie tout autant que de la tactique. Et l’opération en question peut comprendre tant un aspect militaire qu’un aspect idéologique ou de propagande. À son tour, cette propagande peut s’adresser tant à l’ennemi qu’aux alliés honteux de l’agresseur. Ces derniers, en particulier, en viennent à ne plus savoir comment réagir face à un conflit auquel ils prétendent vouloir mettre un terme.

Ces réflexions à première vue abstraites et obscures trouvent néanmoins une illustration éclatante dans la phase actuelle de ce qu’il faut bien appeler « le nettoyage ethnique de la Palestine ». Conformément à ce que se refusent à reconnaître les grandes puissances et les grands médias occidentaux, cette entreprise se poursuit en effet toujours, et la prise en compte d’un tel cadre permet de comprendre une situation qui autrement semblerait chaotique.

Le blocus de Gaza en tant que crime et diversion

Le blocus de Gaza, nous ne le répèterons jamais assez, est par définition même un acte de guerre qui peut prendre comme il y a un an un aspect purement militaire, mais ne se limite pas à lui ; cette immense prison à ciel ouvert est devenue un enfer : « J’ai vu des pays déchirés par la guerre mais Gaza, c’est pire que tout, pire même que la Somalie d’où je reviens. Au-delà des ravages causés par les bombardements de janvier 2009, il y a une crise de la dignité humaine, une destruction du tissu social. Les Israéliens maintiennent un blocus sans faille » dit ainsi Jean-Luc Lambert, le chef de mission de Médecins Sans Frontières pour la Palestine .
Jusqu’à présent, un fragile réseau de tunnels vers l’Égypte permettait à une population exsangue de se procurer quelques biens indispensables. Mais « L’Egypte est en train d’installer un gigantesque mur souterrain, constitué de plaques métalliques, pour stopper le marché noir des tunnels. Peut-être est-ce là la dernière phase de l’asphyxie de Gaza ? »

Si ce blocus constitue indubitablement un crime , s’il rend véritablement impossible (et condamne donc) la vie d’un million et demi d’êtres humains, et si tout doit bien entendu être tenté pour le faire cesser , il n’en constitue pas moins en même temps une opération de diversion (ainsi que, il ne faut pas l’oublier, de division des Palestiniens).

Nouvelles du front principal

Car si les journalistes de bonne foi se concentrent (à juste titre) sur l’enfer de Gaza, ne sont-ils pas aussi en quelque sorte invités à laisser simultanément dans l’ombre la poursuite forcenée de la colonisation implacable et illégale au regard du droit international de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie ? Il ne se passe pas de mois sans destructions (ou confiscation pure et simple par des colons sous la protection de l’armée) de maisons appartenant à des Palestiniens, et annonces de construction de nouvelles habitations destinées aux mêmes colonisateurs.

Saluons au passage les militants palestiniens et les Justes israéliens qui n’ont pas hésité à manifester le 15 janvier pour protester contre les démolitions de maisons palestiniennes à Jérusalem-Est . Car c’est bien sur ce terrain que se porte actuellement l’offensive principale des colonisateurs.

Face à cette réalité, que pèse encore le discours d’Ehud Barak déblatérant sur la perspective des deux États ? Presque simultanément, le même ministre « promeut au statut d’université le collège établi dans la colonie d’Ariel en Cisjordanie . Il est difficile d’être plus cynique et de se moquer plus ouvertement de l’opinion mondiale.

Urgent : crier

Ne laissons pas la désinformation gagner cette partie . Il importe de rappeler inlassablement les réalités et la vérité du terrain, que les ténors de la dite ingérence humanitaire ont la fâcheuse habitude d’omettre dans leurs diatribes d’ordinaire si virulentes. Il importe surtout d’amplifier la campagne visant à obliger l’État d’Israël à se conformer lui aussi au droit international, et à traiter les Palestiniens comme des êtres humains égaux à tous les autres.

Il importe de rejoindre sans plus tarder la campagne BDS.

Philippe Lewandowski
(Démocratie & socialisme n°172, février 2010)