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03.02.2010 | Patrick Seale | Al Hayat

Mais où est donc passé Barack Obama ?

Mercredi, 3 février 2010 - 15h02

mercredi 3 février 2010

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Le règlement du conflit israélo-palestinien était l’une de ses priorités. Aujourd’hui le président américain semble avoir renoncé à jouer un rôle moteur face à l’intransigeance de Tel-Aviv.© AFP

Des habitants de Jérusalem manifestent pour la résolution du conflit, novembre 2009.

Le président américain est interpellé par un jeune homme : « Obama, montre que tu as mérité ton prix Nobel, fais respecter les lois internationales » dit son panneau.

Dans une cassette vidéo diffusée par la chaîne satellitaire Al-Jazira, le 24 janvier, le chef d’Al-Qaida, Oussama Ben Laden, a menacé les Etats-Unis de poursuivre les attaques contre eux tant qu’ils maintiendraient leur soutien à Israël. « Il est injuste que vous meniez une vie tranquille alors que nos frères à Gaza vivent dans les pires conditions », a-t-il déclaré. Les autorités américaines ont aussitôt dénoncé ces propos comme une opération de propagande. Certains estiment que Ben Laden n’est plus à la tête d’Al-Qaida. D’autres, parmi lesquels figure David Axelrod, le conseiller politique du président Barack Obama, ont promis de faire le maximum pour l’abattre ou le capturer. Mais, comme d’habitude, les Américains n’ont pas voulu admettre qu’en tolérant pendant des décennies l’occupation de territoires palestiniens par Israël, ils avaient contribué à exacerber le terrorisme.

Barack Obama avait pourtant fait exception au début de son mandat. A son entrée en fonction, il avait annoncé qu’il comprenait parfaitement que la poursuite du conflit israélo-arabe ne faisait qu’alimenter l’hostilité des Arabes et des musulmans envers les Etats-Unis. Il avait ajouté qu’il était dans l’intérêt du pays de parvenir à un règlement global du conflit dans les meilleurs délais. Dans ses discours prononcés en Turquie et en Egypte, il avait tendu la main au monde arabo-musulman. Il s’était engagé à œuvrer pour un règlement du conflit qui permette à un Etat palestinien de cohabiter avec Israël dans la paix et la sécurité. Mais ces efforts ont jusqu’ici été vains. Dans un entretien paru dans l’édition du 21 janvier de Time, le président américain a concédé que ce conflit était le plus difficile qu’il ait jamais connu. Les Israéliens et les Palestiniens ont beaucoup de mal à engager un dialogue constructif, a-t-il expliqué. Puis il a eu cette phrase révélatrice : « Je pense que nous avons surestimé notre capacité à les convaincre de dialoguer. » A travers ces mots, il a donné l’impression de baisser les bras. Le processus de paix qu’il avait relancé avec éclat il y a un an semble sur le point d’être lâché.

Mais Washington ferait bien de prendre au sérieux le message d’Oussama Ben Laden. Si les Etats-Unis ne parviennent pas à imposer la paix - et il semble bien que Barack Obama ait échoué dans cette tâche -, il faut s’attendre à l’apparition d’un profond sentiment de désespoir chez les Palestiniens, à une intensification des tensions dans les Territoires occupés, à des opérations de terrorisme et de contre-terrorisme, voire à une guerre totale. Les va-t-en-guerre israéliens parlent ouvertement de la nécessité d’"une autre intervention" contre le Hezbollah au Liban et contre le Hamas à Gaza. Israël pourrait bien décider de frapper à nouveau ces mouvements s’ils lui offrent le moindre prétexte. Pour l’heure, les relations israélo-palestiniennes sont au point mort. Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, ne peut envisager de reprendre les négociations - comme les Etats-Unis et Israël le pressent de le faire - tant que le Premier ministre Benyamin Nétanyahou ne gèlera pas les activités de colonisation dans les territoires occupés. Or il ne faut rien attendre de tel du Premier ministre israélien. Son « gel partiel » de dix mois n’a pas empêché Israël d’achever la construction de 2 500 logements dans les territoires occupés de Cisjordanie, ni de poursuivre celle d’édifices publics tels que synagogues, écoles et centres de soins. Autant dire qu’il n’y a eu aucun gel. Pendant ce temps, le gouvernement israélien a renforcé sa mainmise sur Jérusalem-Est et les localités arabes environnantes, d’où des Palestiniens sont régulièrement expulsés. Les Etats-Unis ont exprimé leur « indignation » face à la démolition de maisons palestiniennes, mais n’ont rien fait pour y mettre un terme.

Politiquement affaibli dans son propre camp par ses tergiversations autour du rapport Goldstone commandé par l’ONU au sujet de l’intervention d’Israël à Gaza [un rapport qui se montrait très critique vis-à-vis d’Israël mais aussi du Hamas] - et par les signes d’épuisement physique qu’il manifestait -, Mahmoud Abbas a visiblement le sentiment qu’il ne peut se permettre de s’engager dans des négociations avec le Premier ministre israélien sans que les Etats-Unis proposent des garanties acceptables. Et ces derniers n’ont toujours rien fait dans ce sens. Mahmoud Abbas ne peut ignorer le contexte historique. Il a lui-même longuement négocié avec le prédécesseur de Benyamin Nétanyahou, Ehoud Olmert, et n’a rien obtenu pour les Palestiniens. Pendant ce temps, le territoire palestinien est tombé aux mains de colons et de fanatiques ultraorthodoxes. Le chef de l’Autorité palestinienne ne peut pas se permettre de refaire la même erreur.

De même, l’accord négocié par les Egyptiens pour libérer Gilad Shalit, le soldat israélien capturé par le Hamas, en échange de prisonniers palestiniens détenus dans des prisons israéliennes, semble dans l’impasse. L’Egypte a perdu de son influence. Le pays est critiqué dans l’ensemble du monde arabe pour la barrière métallique qu’il a enfouie dans le sol le long de sa frontière avec Gaza et qui risque d’obstruer les tunnels dont les Gazaouis assiégés dépendent pour leur survie. Dans ses négociations à propos de Gilad Shalit, Israël a refusé de libérer Marwan Barghouti, de crainte probablement que ce chef palestinien charismatique n’encourage le Fatah et le Hamas à s’unir et qu’il ne se retrouve en position de force pour négocier avec Israël.

Tout espoir serait-il donc perdu ? Il semble en tout cas qu’avec l’actuelle coalition de Benyamin Nétanyahou il ne puisse plus y avoir de progrès vers la paix. Les plus optimistes pensent qu’il pourrait remanier son gouvernement en se débarrassant d’Israël Beiteinou, le parti raciste d’Avigdor Lieberman, son ministre des Affaires étrangères, et en intégrant Kadima, la formation plus modérée dirigée par Tzipi Livni. Selon eux, en agissant ainsi, il pourrait ouvrir la voie à un compromis. Les sondages continuent à montrer que plus de 60 % des Israéliens sont prêts à restituer une partie, si ce n’est la totalité, des Territoires occupés en échange de la paix. Si les Etats-Unis renoncent à œuvrer pour la paix, l’Union européenne pourra-t-elle prendre le relais, avec le concours de la Russie, de la Chine et des Nations unies ? Des observateurs estiment que, si les Européens se chargent de faire adopter une résolution contraignante en faveur de la solution à deux Etats par le Conseil de sécurité, les Etats-Unis ne pourront pas s’y opposer. De tous les acteurs susceptibles de négocier un accord, la Turquie peut s’avérer le plus efficace. Les relations qu’Istanbul entretient avec la Syrie, l’Irak, l’Iran, le Golfe et le Pakistan, ainsi que ses efforts pour rétablir la paix en Afghanistan, ne sont guère du goût de Jérusalem, mais Israël ne peut se permettre de rompre ses liens avec Ankara. Lui faire une place dans les négociations d’un accord israélo-arabe pourrait être le meilleur moyen pour Tel-Aviv de récupérer cet inestimable allié régional.