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L’EXPLOITATION ECONOMIQUE DES TERRITOIRES OCCUPES DE PALESTINE

Mardi, 2 février 2010 - 7h 11 AM

mardi 2 février 2010

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La défense des droits des Palestiniens passe par la sanction de l’exploitation économique illicite des territoires occupés. C’est l’affaire des Palestiniens, mais dans un monde de civilisation, c’est l’affaire de tous. Le dernier mot ne doit pas revenir à la force, mais au droit.

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2ème partie

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b>CHAPITRE 3 - LE DROIT EUROPEEN

75. Le cadre général de la coopération (I) a donné naissance à une politique illégale (II).

I – Le cadre général de la coopération

76. Le cadre général repose sur deux axes : L’Europe et la défense des droits (A) et un accord technique de coopération économique (B).

A – L’Europe et la défense des droits

77. Toute la construction européenne est tendue vers l’objectif qu’est le respect du droit, comme le rappelle le Préambule :

« Confirmant leur attachement aux principes de la liberté, de la démocratie et du respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et de l’Etat de droit. »

78. L’Union Européenne, qui aux termes de l’article 3-1 a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples, s’est fixée des engagements stricts en son article 3-5, notamment vis-à-vis de la Charte des Nations Unies :

« Dans ses relations avec le reste du monde, l’Union affirme et promeut ses valeurs et ses intérêts et contribue à la protection de ses citoyens. Elle contribue à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l’élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l’homme, en particulier ceux de l’enfant, ainsi qu’au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect des principes de la Charte des Nations Unies. »

79. Le PESC reprend des objectifs similaires, en son article 21 :

« 1. L’action de l’Union sur la scène internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement, principes qu’elle vise à promouvoir dans le reste du monde : la démocratie, l’Etat de droit, l’universalité, et l’indivisibilité des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d’égalité et de solidarité et le respect des principes de la Charte des Nations Unies et du droit international.

2. L’union s’efforce de développer des relations et de construire des partenariats avec les pays tiers et avec les organisations internationales, régionales ou mondiales qui partagent les principes visés au premier alinéa. Elle favorise des solutions multilatérales aux problèmes communs, en particulier dans le cadre des Nations Unies.

3. L’Union définit et mène des politiques communes et des actions et œuvre pour assurer un haut de degré de coopération dans tous les domaines des relations internationales afin :

c- de préserver la paix, de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité internationale, conformément aux principes de la charte des Nations Unies, ainsi qu’aux principes de l’acte final d’Helsinki et aux objectifs de la charte de Paris, y compris ceux relatifs aux frontières extérieures ; »

80. On peut encore citer l’article 205 du Traité sur le fonctionnement de l’UE :

« L’action de l’Union sur la scène internationale, au titre de la présente partie, repose sur les principes, poursuit les objectifs et est menée conformément aux dispositions générales visées au chapitre 1 du titre V du traité sur l’Union Européenne. »

B – L’accord UE / Israël

81. Il convient d’analyser le texte de l’accord (1) et son application (2).

1 – Le texte de l’accord

82. Le processus de Barcelone, de 1995, a conduit à des partenariats de l’Union européenne avec les pays du bassin méditerranéen : Algérie, Chypre, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Malte, Maroc, Syrie, Tunisie, Turquie et Autorité palestinienne. C’est ainsi qu’a été conclu à Bruxelles, le 20 novembre 1995, l’accord CE Israël approuvé le 19 avril 2000, entré en vigueur le 1er juin 2000. (30)

83. Le préambule proclame l’importance que les parties attachent « au principe de la liberté économique et aux principes de la Charte des Nations Unies, en particulier le respect des droits de l’homme et de la démocratie, qui constituent le fondement même de l’association ».

84. L’article 2 de l’accord d’association UE-Israël dispose :

« Les relations entre les parties, de même que toutes les dispositions du présent accord, se fondent sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, qui inspire leurs politiques internes et internationales et qui constitue un élément essentiel du présent accord. »

85. L’article 8 instaure une exonération des droits de douane à l’importation et à l’exportation entre la Communauté et Israël. Est instauré un conseil d’association, chargé d’examiner les problèmes importants qui se posent dans le cadre de cet accord, (31), qui peut être saisi de tout différend relatif à l’application ou à l’interprétation de l’accord CE Israël. (32)

86. L’article 79, paragraphe 2, prévoit qu’une partie est en droit de prendre des mesures appropriées si elle considère que l’autre partie n’a pas satisfait à une obligation découlant dudit accord, à condition, toutefois, de fournir au préalable au Conseil d’association toutes les informations pertinentes nécessaires à un examen approfondi de la situation en vue de la recherche d’une solution acceptable pour les parties.

87. Le champ d’application territorial de l’accord CE Israël est défini à l’article 83, en lien avec le protocole n° 4. Sont considérés comme produits originaires d’Israël les produits entièrement obtenus en Israël ainsi que les produits obtenus en Israël et contenant des matières qui n’y ont pas été entièrement obtenues, à condition, toutefois, que ces matières aient fait l’objet en Israël d’ouvraisons ou de transformations suffisantes au sens de l’article 5 du protocole.

88. Au titre de l’article 32, les produits bénéficient des dispositions de l’accord sur présentation d’un certificat de circulation, délivré par les autorités douanières de l’État d’exportation, et lorsque les autorités douanières de l’État d’importation ont des doutes sur l’origine des produits, elles peuvent solliciter un contrôle a posteriori.

2 – L’application de l’accord

89. La mise en œuvre de cet accord, qui s’inscrivait dans l’expérience acquise par l’important niveau d’échanges, a toujours prêté à discussion. En effet, l’accord n’a vocation à s’appliquer que dans le cadre des frontières reconnues internationalement d’Israël, c’est-à-dire les frontières de 1967. Les produits obtenus dans les territoires occupés sous administration israélienne depuis 1967 ne doivent pas ouvrir droit au régime préférentiel.

90. Les autorités européennes ont à plusieurs reprises fait part de leurs doutes existant au sujet de la validité des certificats, et ce dès 1997 : Avis aux importateurs du 8 novembre 1997 (JO C 338, p. 13), du 23 novembre 2001 (JO C 328, p. 6) mais également lors de la deuxième session du Conseil d’association UE Israël du 20 novembre 2001.

91. Le point de vue de la Commission résulte d’un avis aux importateurs n° 2005/C 20/02, applicable au 1° février 2005, qui pose des règles d’apparence correcte, mais qui en réalité permettent tous les abus car elles ignorent les bases du droit international.

92. L’avis pose le principe essentiel, mais il était difficile de faire autrement, à savoir la reconnaissance de la frontière de 1967, mais il n’en tire pas les conséquences : « Selon la Communauté, les produits obtenus dans les territoires placés sous administration israélienne depuis 1967 ne leur ouvrent pas le bénéfice du régime préférentiel défini dans l’accord d’association UE-Israël. .

93. L’avis indique que sera exigé à compter du 1er février 2005 sur tous les certificats de circulation « le nom de la ville, du village ou de la zone industrielle où a eu lieu la production conférant le statut d’origine ». La Commission reconnait la fraude généralisée en ajoutant : « Cette indication permettra de réduire considérablement le nombre de cas pour lesquels il existe des doutes raisonnables quant au statut d’origine des produits importés d’Israël ».

94. Et la Commission annonce la sanction : « Le régime préférentiel sera refusé aux produits pour lesquels la preuve d’origine indique que la production conférant le statut d’origine a eu lieu dans une ville, un village ou une zone industrielle placé sous administration israélienne depuis 1967. »

95. À première lecture, cet avis, qui a tout d’une disposition réglementaire, paraît satisfaisant, car il fait référence aux frontières de 1967, et à la nécessité d’un certificat précis pour l’origine. En réalité, cette protection est parfaitement inefficace.

II – Une politique illégale

96. Le caractère illégal de cette politique, mis en lumière par l’affaire Brita (A), repose sur un procédé de certification inefficace (B) et la violation du droit international humanitaire (C).

A – L’affaire Brita

97. Il se trouve que frontalement la question a été posée par les douanes allemandes à propos de l’entreprise allemande Brita qui avait importé des produits fabriqués par la société Soda Club, installée dans une colonie illégale. La société Brita s’est vue imposer les droits de douane, qu’elle a contestés devant le tribunal d’Hambourg, lequel a saisi la Cour Européenne de Justice de Luxembourg d’une question préjudicielle. L’affaire est venue à l’audience en octobre 2009, et l’avocat général a affirmé que ces produits ne pouvaient pas bénéficier de l’accord douanier. L’arrêt est attendu pour les premières semaines de 2010.

98. Après une démonstration particulièrement étayée, l’avocat général a conclu :

« Au vu de ce qui précède, la Cour ne peut, nous semble t il, que constater que les territoires de Cisjordanie et de la bande de Gaza ne font pas partie du territoire de l’État d’Israël. » (33)

99. Le Conseil avait déjà indiqué que l’accord ne s’appliquait qu’au territoire de l’État d’Israël, « dans le cadre de ses frontières reconnues sur le plan international conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies à ce sujet ». (34)

100. La perspective à court terme est donc un arrêt de la Cour de Justice, reconnaissant la frontière de 1967, et privant Israël de tout droit à l’exploitation sur les territoires occupés.

B – Un procédé de certification inefficace

101. L’avis du 1er février 2005 demande que les certificats de circulation mentionnent « le nom de la ville, du village ou de la zone industrielle où a eu lieu la production conférant le statut d’origine ». Ce processus est d’une efficacité très faible, et les conclusions de M. Bot identifient la cause de l’échec du processus : l’accord s’en remet à l’entreprise exportatrice et aux autorités israéliennes pour établir ce document. La Commission ne se donne aucun moyen de contrôle contradictoire sur place. Dans l’affaire Brita, la localisation de la production ne fait pas de doute, mais avec un processus de fabrication plus complexe, ou plus dissimulé, la valeur du certificat devient aléatoire. L’avis encourage à la sophistication des procédés, alors que l’expérience devrait conduire à imposer un contrôle contradictoire.

C – La violation du droit international humanitaire

102. Lorsqu’un produit issu des colonies est identifié, la seule réponse de la Commission est d’imposer le droit de douane, de telle sorte que la Communauté légitime l’exploitation économique des territoires occupés. La contrariété de l’avis de 2005 avec le droit international humanitaire, intégré dans l’ordre communautaire par les traités constitutifs, est double.

103. La Commission a recours à la formulation ambiguë, et juridiquement inexacte, de « sous administration israélienne de 1967 », en évitant celle de territoire occupé. Or, l’occupation de territoires est admise comme conséquence d’une opération de guerre, dans le respect du droit international humanitaire (La Haye 1907 et Genève 1949) : un simple rôle d’usufruitier, pas de transfert de population, pas d’exploitation des richesses, pas d’implantation d’un nouveau régime juridique. Aussi, il peut y avoir des exportations depuis un territoire occupé (situation de l’Allemagne d’après guerre), mais à condition que le droit international humanitaire soit respecté.

104. Les décisions de la Commission sont illégales, car elles se limitent à l’application du droit douanier communautaire, et ignorent le droit international humanitaire. Ainsi, il ne s’agit pas d’appliquer les droits de douanes sur des productions illicites, mais d’interdire ces exportations lorsqu’elles sont clairement illicites, l’objectif étant de conduire à la réappropriation des richesses économiques par les Palestiniens.

105. L’obligation de l’Union européenne, et des Etats-membres, à imposer le respect du droit n’est pas contestable et la CIJ l’a rappelé solennellement dans l’affaire de l’avis sur le mur :

« Tous les Etats sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette construction ; tous les Etats parties à la Quatrième convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, ont en outre l’’obligation, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans cette convention. » (35)

CHAPITRE 4 - VERS UNE APPLICATION EFFECTIVE DU DROIT

106. Pour défendre les principes du droit international humanitaire, il convient de réécrire l’accord européen (I) et d’engager des actions pour sanctionner ces violations du droit (II).

I – La nécessaire réécriture de l’accord européen

107. L’analyse du contexte (A) conduit à engager des recours contre l’accord de 2000 et sa modification de 2009 (B).

A – Contexte

108. L’accord de 2000, signé entre l’Union Européenne et l’Etat d’Israël, prévoit en son article 2 que le but est l’avancée de la défense des droits de l’homme et la démocratie. Cet objectif n’est pas réalisé dès lors que cet accord sert de cadre à Israël pour exploiter les territoires occupés. C’est de notoriété, et la démonstration dans l’affaire Brita est éclatante.

109. De plus, Israël a commis l’un des crimes contre l’humanité les plus graves de ces dernières décennies avec l’opération Plomb durci , faits établis par les rapports de John Dugard, au nom de la Ligue arabe et de Richard Goldstone, au nom du Conseil des droits de l’Homme.

110. L’accord UE/ Israël permet à Israël d’exporter des quantités importantes de produits issus des territoires occupés, et, par l’utilisation illégale qui en est faite, il assure ainsi la pérennité économique de cette occupation illégale. La Cour Européenne de Justice a reconnu dans un arrêt de septembre 2008 que toutes les actions européennes sont marquées par le respect du droit constitutionnel européen, lequel inclut la défense des droits et libertés fondamentaux.

111. Or, c’est dans ce contexte que vient d’être adopté un rehaussement de l’accord UE/Israël, par la décision du Conseil du 20 octobre 2009, visant une libéralisation réciproque en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche .

112. Ce renforcement de l’accord UE-Israël devra s’accompagner d’un vigilance renforcée. Il est tout de même assez rare de voir une instance de l’UE déplorer la mauvaise application d’un accord, comme permettant des fraudes de grande ampleur, et une autre accepter le renforcement de cet accord dans le sens d’une plus grande libéralisation.

B – Recours contre l’accord de 2000 et sa modification de 2009

113. La compétence juridictionnelle est établie (1) et plusieurs procédés sont possibles (2).

1 – Compétence juridictionnelle

114. La Cour de Justice de Luxembourg ayant une compétence de principe, définie par l’article 263 alinéas 1&2 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne :

« La Cour de justice de l’Union européenne contrôle la légalité des actes législatifs, des actes du Conseil, de la Commission et de la Banque centrale européenne, autres que les recommandations et les avis, et des actes du Parlement européen et du Conseil européen destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers. Elle contrôle aussi la légalité des actes des organes ou organismes de l’Union destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers. »

« À cet effet, la Cour est compétente pour se prononcer sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir, formés par un État membre, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission. »

115. S’ouvrent ainsi de nombreuses perspectives de recours, liées à la diversité des situations rencontrées. Mais dans le même temps, est nécessaire la mise en lumière de ses travers, bien connus par les acteurs économiques, mais ignorés du grand public. Les faits gagneront à être établis par des enquêtes civiles, pour décrire les mécanismes, déterminer des vraies solutions de contrôle et évaluer le montant des sommes fraudées par des exonérations indues.

2 – Procédés

• Parlement

116. Le Parlement européen est en mesure d’engager cette démarche, et notamment d’ouvrir une enquête, dans les termes de l’article 128 de son règlement intérieur :

« 1. Dans les délais fixés par les traités et par le statut de la Cour de justice de l’Union européenne pour le recours des institutions de l’Union européenne ou de personnes physiques ou morales, le Parlement examine la législation de l’Union et les mesures d’exécution pour s’assurer que les traités, notamment en ce qui concerne les droits du Parlement, ont été pleinement respectés.

2. La commission compétente fait rapport au Parlement, au besoin oralement, lorsqu’elle présume qu’il y a violation du droit de l’Union.

3. Le Président introduit un recours devant la Cour de justice au nom du Parlement conformément à la recommandation de la commission compétente. »

117. Il s’agit de s’engager, sur le terrain politique et juridique, et sur celui de la mauvaise application du traité de coopération, la fraude aux certificats d’origine étant établie. La Commission et le conseil d’association ont constaté ces abus, massifs, et dans l’affaire Brita, l’avocat général a décrit les mécanismes. Une inaction de la commission justifierait d’un recours en carence.

118. Une enquête parlementaire justifierait d’une mission pertinente : analyse des procédés mis en lumière par l’avocat général, des travaux du conseil d’association ou de la Commission, initiatives des douanes nationales, étude sur le terrain pour analyser les processus actuels et pour mettre en place de véritables procédés de traçabilité, et enfin chiffrage des droits de douanes fraudés depuis la signature du traité.

• Groupes menacés de concurrence

119. Les groupes économiques, européens ou non, dont les intérêts sont directement atteints par la concurrence illicite qu’induisent la mise en œuvre de l’accord et son renforcement, ont qualité à agir.

• Société civile

120. Les groupes de la société civile pourraient agir dans le même sens, à savoir identifier les problèmes sur place, définir les circuits des produits, et proposer des solutions pour une vraie traçabilité. Ces groupes peuvent obtenir l’accès aux documents publics établis, retraçant les difficultés d’application de l’accord, et ayant conduit à adopter trois avis successifs, ces avis reconnaissant l’existence des fraudes. Ce travail d’information est tout à fait essentiel, et les réseaux de la société civile peuvent apporter un concours d’une grande efficacité, avec à terme la publication de travaux de qualité, que les instances européennes ne pourront ignorer.

• Négociations vis-à-vis des autres partenaires

121. L’examen des faits laisse apparaître que l’Union européenne a été négligente, et que l’accord UE / Israël a été l’occasion d’organiser une concurrence déloyale. Loin de tirer les leçons de ces fraudes sur l’origine des produits, l’Union européenne vient de conclure un accord qui facilite les échanges. Une évaluation de la situation s’impose, avec de nécessaires ajustements des accords, pour parvenir à une concurrence loyale.

II – La sanction des violations du droit

122. La colonisation, qui doit être analysée d’abord au regard des grandes règles du droit international humanitaire, répond à deux qualifications criminelles retenues par le statut de la Cour.

« iv) La destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire. »

« viii) Le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe, ou la déportation ou le transfert à l’intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité ou d’une partie de la population de ce territoire. »

Il s’agit de sanctionner la poursuite de la colonisation (A) et la complicité de crime de guerre par les entreprises qui participent à la colonisation (B).

A – Poursuite de la colonisation

123. La colonisation se poursuit sous nos yeux, et notamment dans Jérusalem Est.

124. La Cour est compétente en fonction du lieu où ont été commis les crimes ou de la nationalité des auteurs. L’Autorité palestinienne a donné compétence à la Cour pour les territoires de Palestine depuis 2002. Mais cette déclaration de compétence n’est pas limitée à l’opération militaire Plomb durci. Elle donne le cadre pour toute plainte concernant des crimes commis sur ces territoires, et définis par le Traité de Rome.

125. Peuvent être envisagées des plaintes devant la Cour Pénale Internationale sur le fondement de l’article 15.1 qui permet à toute personne d’adresser au Procureur des informations sur des faits susceptibles de constituer des crimes sanctionnés par la Cour.

B – Complicité de crime de guerre par les entreprises qui participent à la colonisation

126. Les responsables de sociétés participant à cette exploitation relèvent, pour un grand nombre, de pays européens ayant ratifié le Traité de la CPI.

127. Or, ces entreprises s’inscrivent étroitement dans l’action criminelle, au titre de la complicité . Dans le premier cas de figure, elle soumissionnent à des marchés publics, et répondent directement aux besoins des colonies. Dans le second cas, elles produisent de la richesse, à partir des territoires occupés. L’aspect le plus criant est l’utilisation de l’eau, mais le phénomène est général, et surtout, cette production de richesse est la condition et la cause de la poursuite de la colonisation, car sans exploitation économique des territoires occupés, les colonies n’ont plus d’avenir.

128. Il serait opportun d’engager un campagne d’explication et d’adresser des mises en demeure aux entreprises concernées en rappelant le caractère criminel de leur activité et en annonçant que si elles ne renoncent pas d’elles-mêmes, il n’y aura pas d’autre solution que d’agir en justice, pour mettre fin à cette complicité de crime. Rappelons que le crime de guerre est considéré d’une gravité telle qu’il menace la paix, ce qui oblige à le condamner.

129. Il s’ensuivrait une série d’actions.

• Plainte pénale

130. Le maintien de la situation en l’état conduirait inéluctablement à déposer plainte auprès du Procureur près la Cour Pénale Internationale, pour complicité de crime de guerre. L’action ne connaîtrait pas de débat sur la recevabilité, dès lors que les personnes visées par les plaintes seraient des ressortissants de pays européens, ayant ratifié le traité.

• Commercialisation illicite

131. Sous l’angle civil, les marchandises et produits obtenus dans ces conditions sont illicites, comme le seraient les marchés tendant à la commercialisation finale de ces produits. Des syndicats de producteurs et les groupes militants sont tiers aux contrats, mais ils ont un droit d’action, sur le plan civil, en concurrence déloyale ou au regard de l’objet de ces contrats qui est fondamentalement illicite, car il s’agit d’exploiter un crime de guerre, et qui rentre dans l’intérêt à agir de ces groupes.

• Application du droit douanier

132. Les services des douanes peuvent être saisis de plaintes, et une réaction résolue sera attendue, compte tenu des conclusions de l’affaire Brita.

• Fraude quant à l’origine du produit

133. Le droit pénal prévoit une infraction spécifique, à savoir la fraude sur la qualité du produit par une information erronée sur l’origine du produit. L’infraction est établie pour des produits marqués « Made in Israël » alors que toute l’origine du produit est en réalité palestinienne. S’agissant des productions agricoles, le critère central est celui de la terre, ce qui donne un critère simple d’appréciation. Ceux qui sont directement victimes de l’infraction, à savoir les producteurs palestiniens et européens, peuvent se constituer partie civile.

• Concurrence déloyale

134. Sont envisageables des actions en concurrence déloyale devant les juges nationaux à l’initiative des syndicats de producteurs palestiniens et français en dommages et intérêts. Il faut souligner le caractère stratégique de cette procédure, au regard des incidences économiques.

135. Dans ce cadre, doivent être envisagées des mesures conservatoires tels que la saisie des productions ou des blocages d’avoirs bancaires.

Notes de lecture :

(30) De jurisprudence constante, les accords d’association font partie de l’ordre juridique communautaire. La CJUE s’estime compétente pour les interpréter.
(31) Article 67.
(32) Article 75.
(33) CEJ, Brita GmbH c. Hauptzollamt Hamburg Hafen C 386/08, conclusions Y. Bot, avocat général, le 29 octobre 2009, par. 112.
(34) Question écrite P 2747/00 de M. Lipietz.
(35) CIJ, 9 juillet 2004, Edification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, par. 159.
(36) JOUE, 28 novembre2009, L 313/81
(37) Voir par. 51.

Première partie de ce dossier ici.

Source : Gilles Devers