Accueil > Sociétés Civiles à Parlement Européen > Deux experts américains jugent l’échec de Mitchell

Enfin ! (ndlr)

Deux experts américains jugent l’échec de Mitchell

Mardi, 26 janvier 2010 - 22h45

mardi 26 janvier 2010

===================================================

« Si l’envoyé spécial américain au Proche-Orient George Mitchell veut terminer sa carrière en gardant sa réputation intacte, il est temps pour lui de donner sa démission » : c’est le conseil que donne à l’envoyé spécial de Barack Obama, un universitaire américain spécialiste des relations entre les Etats-Unis et Israël, Stephen M. Walt, professeur de relations internationales à l’Université de Harvard.

Dans une analyse postée sur le site de la revue Foreign Policy, vendredi dernier, après l’échec de la dernière tentative de relance du processus de paix, Stephen Walt constate que Mitchell a été réduit à l’impuissance par les erreurs ou les carences de Barack Obama. L’objectif, constate-t-il, était au départ admirablement clair : deux Etats pour deux peuples. Ce qui a manqué c’était une stratégie permettant d’atteindre ce but et la volonté politique pour avancer.

Sans sous-estimer les multiples difficultés du côté palestinien, l’obstacle principal a été le rejet délibéré par le gouvernement Netanyahou de tout ce qui aurait pu ressembler à un projet d’Etat palestinien viable. Rejet complété par une implacable détermination à engloutir davantage de terres. Tant que le président américain ne voudra ni ne pourra exercer sur Israël des pressions aussi fortes (voire plus fortes) que celles qu’il exerce sur les palestiniens, la paix sera tout simplement impossible.

Pourtant, estime Stephen Walt, Obama n’ignore rien de l’importance de cette question. Son discours du Caire l’a montré. Et son Conseiller pour la sécurité nationale, James Jones, a affirmé clairement qu’il tient la question israélo-palestinienne pour absolument centrale : ce n’est pas notre seul problème au Moyen-Orient mais il a des effets sur tous les autres. Le résoudre serait une formidable aubaine.

Alors ? Alors, estime l’universitaire, cette administration se heurte au même écueil que les administrations Clinton et Bush : l’idée que les Etats-Unis doivent utiliser les leviers disponibles pour exercer une pression sur Israël demeure tabou pour Obama, pour Mitchell et ses conseillers et pour tous les experts qui sont prisonniers du consensus qui règne à Washington sur cette question.

Que va-t-il se passer maintenant ? « Israël a montré clairement qu’il entendait continuer à construire des colonies, y compris dans les plus gros blocs comme Male Adoumim qui sont conçus pour morceler la Cisjordanie et rendre la création d’un Etat palestinien impossible », constate Stephen Walt.

« Mahmoud Abbas, l’Autorité palestinienne et les autres forces politiques modérées vont être de plus en plus discrédités comme collaborateurs ou dupes. La capacité de l’Iran à exploiter la cause palestinienne va être renforcée et les régimes pro-américains en Egypte, en Jordanie et ailleurs seront affaiblis par leur impuissance et leur relations intimes avec les Etats-Unis. Cela pourrait même offrir de nouvelles possibilités à al-Qaida ; Et la vraie tragédie est que tout cela aurait pu être évité si les responsables du pays le plus puissant du monde avaient bien voulu faire usage de leur influence sur les deux parties de façon plus directe ».

Presque au même moment, un autre spécialiste du dossier israélo-palestinien, Robert Malley, ancien conseiller de Bill Clinton pour le Proche-Orient, directeur du programme Moyen-Orient pour International Crisis Group, dresse, lui aussi un réquisitoire sévère (dans le monde du 24-25 janvier) contre la diplomatie américaine dans la région. A ses yeux, le bilan très décevant de l’administration Obama - surtout au regard des espoirs que l’élection du nouveau président, puis son discours du Caire avaient fait naitre - est dû à trois déficits.

- Déficit tactique : choix d’un objectif louable mais douteux (gel des colonies), sans évaluation sérieuse des difficultés, puis volte-face et pressions sur Mahmoud Abbas, qui se retrouve affaibli alors qu’il s’agissait de le renforcer. Le tout en oubliant, en même temps de rassurer l’opinion publique israélienne.

- Déficit de vision stratégique : indécision visible d’Obama qui n’a pas fait les gestes nécessaires pour hisser le dossier israélo-palestinien au niveau d’importance du dossier iranien, et qui a négligé de lui donner « cohérence et continuité ».

- Déficit d’ajustement à la nouvelle donne régionale : incapacité de l’administration à mesurer que les relais traditionnels de l’influence américaine - Egypte, Jordanie, Arabie saoudite - ont perdu du terrain au profit d’autres acteurs - Syrie, Iran, Turquie. Mauvaise analyse de la scène palestinienne plus émiettée que jamais. Recours à un outil diplomatique (les négociations bilatérales israélo-palestiniennes sur un statut final) désuet et discrédité.

L’un des principaux défauts de la présidence de George Bush, estime Robert Malley « était son incapacité à se renouveler et à adapter ses dogmes aux réalités du terrain. Au nouveau président de prouver qu’il peut faire mieux et autrement ».