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Le rôle majeur de la Turquie

La diplomatie régionale turque s’illustre à nouveau dans l’affaire de la caravane internationale de solidarité pour Gaza.

Lundi, 18 janvier 2010 - 7h52 AM

lundi 18 janvier 2010

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Shaimaa Magued
lundi 18 janvier 2010 - 07:00

La récente Odyssée de la caravane « Viva Palestina » à destination de Gaza vient à nouveau de permettre à la Turquie de montrer sa présence diplomatique au Proche-Orient.

Rappelons qu’à l’occasion du premier anniversaire du déclenchement de l’intervention israélienne à Gaza, le 27 décembre 2008, une troisième caravane « lignes de vie pour Gaza » a pris la route afin de briser le blocus israélien et de fournir aux habitants de l’enclave palestinienne des secours de première nécessité. Parti le 3 décembre 2009 de Londres, ce convoi humanitaire est arrivé au port d’Aqaba en Jordanie (après avoir traversé la Turquie et la Syrie), avec le projet d’entrer à Gaza par l’Egypte, le jour anniversaire du déclenchement de la guerre. Mais, il a été stoppé par les autorités égyptiennes, qui ont refusé de lui permettre d’atteindre la bande de Gaza par l’Egypte, après avoir débarqué dans le port égyptien de Nouweiba, qui fait face à celui d’Aqaba sur la mer Rouge. Les organisateurs de la caravane ont été surpris par l’attitude du gouvernement égyptien qui, pour sa part, a interprété, comme un véritable défi, le comportement de ces derniers et leur insistance à suivre leur trajet initial (au demeurant le plus simple et le plus rapide pour l’arrivée de l’aide à Gaza). La Turquie est intervenue afin d’arbitrer ce différend et de trouver un itinéraire de compromis avec les autorités égyptiennes. Après de longues négociations menées sous égide turque, la caravane a finalement été autorisée à accéder à Gaza à partir du port égyptien d’El-Arich (au nord du Sinaï), ce qui l’a obligée à remonter jusqu’en Syrie de façon à atteindre El-Arich, en passant par le port syrien de Lattaquié, avant de rallier Rafah dans la bande de Gaza.

Cet incident a mis une fois de plus en relief le dynamisme diplomatique de la Turquie que les médias arabes qualifient désormais « de grand soutien » à la cause palestinienne.

Au-delà de cette initiative diplomatique, qui a fait intervenir les ministres turc et égyptien des affaires étrangères, il faut rappeler que 117 Turcs (dont 17 députés) ont participé à la caravane en question.

Cette omniprésence de la Turquie met la diplomatie égyptienne dans une situation délicate vis-à-vis de ses voisins arabes. Ces derniers ont, en effet, critiqué la position prise par Le Caire à l’égard de la caravane. Les violents incidents (qui ont fait une cinquantaine de blessés) opposant, dans le port d’El-Arich, les forces de sécurité égyptiennes aux participants à cette opération humanitaire, ont provoqué de nombreuses réactions diplomatiques et médiatiques de réprobation.

En effet, l’Egypte a été le seul pays où cette initiative a rencontré de tels problèmes, une situation qui a tranché avec l’accueil chaleureux qu’elle a reçue dans les autres pays de passage. De surcroît, malgré la médiation turque, des difficultés de dernière minute ont surgi à propos du nombre des véhicules d’assistance autorisés à transiter vers Rafah, les autorités égyptiennes ayant finalement refusé le passage à 59 d’entre eux (sur environ 200 au total), parce qu’ils ne transportaient pas, selon elles, du matériel purement humanitaire (vivres ou médicaments).

Cette intervention turque n’a pas été la première dans un dossier palestinien que l’Egypte considère pourtant comme l’une de ses chasses gardées dans la région, eu égard à l’importance stratégique qu’il revêt pour sa sécurité nationale. Depuis 1948, date de la création de l’Etat d’Israël, l’Egypte apparaît comme le point de passage obligé dans la recherche d’un règlement au conflit israélo-arabe.

Toutefois, ce qui a longtemps été vu comme une exclusivité égyptienne s’est fortement érodé après la guerre des Six jours, qui n’a pas seulement remis en question la notoriété régionale de l’Egypte, mais qui a aussi ébranlé les fondements du nationalisme arabe dont Le Caire était la source.

Cette remise en cause a été accentuée plus tard, en 1979, par la signature du traité de paix entre l’Egypte et Israël, car ce traité a eu deux conséquences majeures dans la configuration des rapports de force dans la région.

En premier lieu, l’idée d’un leadership arabe égyptien, susceptible de porter les efforts de médiation dans les conflits majeurs de la région, a perdu de son importance, d’autres pays arabes ayant normalisé (ou cherché à normaliser) leurs relations avec Israël et le conflit israélo-arabe s’étant réduit à un conflit israélo-palestinien à l’égard duquel les pays arabes ont adopté une position quasi-neutre.

En second lieu, l’incapacité des Etats arabes à coordonner leurs efforts pour définir une position commune a engendré un vide idéologique totale, qui a accru la méfiance et l’individualisme au sein des pays de la région, tout en rendant celle-ci de plus en plus hétérogène. Cet état de fait a compromis toute possibilité de médiation fructueuse. A ce stade, on a donc assisté à une succession d’initiatives unilatérales de médiation venant d’acteurs arabes potentiels qui cherchent, soit à satisfaire des intérêts propres, soit à accéder à certaines ressources financières ou stratégiques. On peut évoquer à cet égard les initiatives prises par l’Arabie Saoudite, qui ont joué un rôle important dans le règlement de certaines crises régionales comme la guerre civile libanaise, avec l’accord de Taëf, en 1989, la médiation entre les factions palestiniennes de la Mecque, en juin 2006, ou le règlement de la crise présidentielle libanaise, également en 2006. Mais ces médiations unilatérales sont apparues comme autant de règlements ponctuels, éveillant la méfiance de certains protagonistes, ce qui leur a donné finalement une portée très limitée dans la gestion des crises régionales.

Eu égard à cette situation bloquée, l’appel à l’aide du ministre égyptien des affaires étrangères, Ahmed Abou Al Gheit, en direction d’Ankara, lors de la crise de Gaza, l’année dernière, notamment pour rechercher un règlement au contentieux inter-palestinien et convaincre Israël de mettre un terme à son intervention militaire, a illustré l’incapacité des médiations égyptienne ou saoudienne à faire face à des crises graves, et a clairement démontré l’utilité et l’efficacité des interventions de la Turquie. Bien que la médiation turque soit un phénomène récent, on remarque qu’elle a gagné rapidement une grande popularité auprès des gouvernements et des populations arabes. Le dernier épisode de la caravane « Viva Palestina » vient encore de mettre en relief la dynamique de médiation turque dans la région, en ouvrant probablement la voie à sa pérennisation.
Shaimaa Magued

Article original de l’Ovipot

Source : Ovipot, le 17.01.10