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Une histoire de chêvre et de choux qui patauge dans la semoule ! (ndlr)

Avigdor Lieberman s’oppose au réchauffement diplomatique avec la Turquie

Par Louis-Marie Bureau - Samedi, 9 janvier 2010 - 11h37 AM

samedi 9 janvier 2010

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L’allocution, ce 28 décembre, du ministre israélien des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, a profondément perturbé la reprise timide des relations diplomatiques entre Ankara et Tel-Aviv. Confirmant son opposition à toute médiation turque dans les négociations israélo-syriennes, le chef de la diplomatie de l’État hébreu a déclaré qu’elle ne reprendrait pas tant qu’il conserverait son portefeuille. Ce démenti sans ambages des rumeurs sur une reprise possible des négociations complique un peu plus la situation du premier ministre Benjamin Netanyahou, placé dans une posture délicate aux niveaux diplomatique et politique.

Les remous provoqués par la déclaration d’Avigdor Lieberman.

Diplomatique d’abord, car cette allocution est venue « torpiller » les initiatives menées, depuis le mois de novembre, par plusieurs personnalités israéliennes pour renouer des liens distendus avec la Turquie. Le président Shimon Pérès, le ministre de la défense Ehud Barak ou le ministre du commerce Benyamin Ben Eliezer avaient ainsi multiplié les démarches dans ce sens, initiatives qui s’étaient concrétisées par la visite officielle de Ben Eliezer en Turquie le 24 novembre. Au cours de ce voyage, le premier d’un officiel israélien à Ankara depuis l’opération « Plomb durci » à Gaza, le ministre avait rappelé l’importance du « partenariat stratégique » unissant les deux pays, et déclaré « en tant que représentant du Premier ministre » que la Turquie pouvait contribuer à « remettre les choses en place » dans le conflit entre Israël et la Syrie.

Politique ensuite car cette mise en porte-à-faux d’une partie du gouvernement israélien recoupe les clivages de la coalition dirigée par Netanyahou et accentue les divisions entre nationalistes et travaillistes. Si la gauche travailliste a vu le premier ministre se rapprocher de ses positions concernant des dossiers cruciaux, comme l’acceptation de la création d’un Etat palestinien ou le gel de la colonisation pour une durée de dix mois, il n’en va pas de même à droite : le parti nationaliste de Lieberman, « Israël Beytenou », refuse systématiquement d’assouplir la politique étrangère de l’État hébreu et condamne avec vigueur la moindre ouverture, qu’elle concerne l’Autorité palestinienne qualifiée encore récemment de « bandes de terroristes » ou l’arbitrage turc sur le dossier syrien. Entendant tuer dans l’œuf le réchauffement turco-israélien et la reprise des pourparlers indirects avec la Syrie, cette sortie de Lieberman éclaire sous un jour nouveau la lutte d’influence qui divise le gouvernement.

Une médiation incertaine, une rupture improbable.

Pour compromise qu’elle soit, l’ouverture diplomatique de Netanyahou en direction d’Ankara n’en reste pas moins possible pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’enquête pour corruption qui touche actuellement Lieberman pourrait changer la donne : si celle-ci aboutissait à sa mise en examen, le chef de la diplomatie israélienne se verrait en effet contraint de quitter le gouvernement, démission qui entraînerait le départ « d’Israël Beytenou » de la coalition et laisserait une meilleure marge de manœuvre aux initiatives des travaillistes.

Ensuite, le conflit qui divise actuellement le parti « Kadima » en raison du refus opposé par sa dirigeante, Tzipi Livni, d’entrer au gouvernement, pourrait entraîner le ralliement à la coalition de plusieurs de ses députés. Décidé à prendre « au moins une partie de Kadima », Netanyahou aurait en effet contacté près d’une vingtaine d’élus, dont douze se seraient dits « intéressés ». Partisans d’une politique étrangère d’ouverture, ceux-ci pourraient devenir un soutien précieux pour les initiatives israéliennes concernant le processus de médiation d’Ankara.
Si elle se concrétisait, cette « renaissance » de la médiation turque devrait cependant prendre en compte un facteur de taille, à savoir l’amélioration spectaculaire des relations turco-syriennes. Les ambitions régionales de la Turquie, traduites dans le cas syrien par la signature de multiples accords de coopération, ont ainsi abouti à la création d’un Conseil de coopération stratégique, et à la suppression de l’obligation mutuelle de visas.

Une sortie d’Israël de son isolement international, un rapprochement avec Ankara et la reprise des pourparlers que souhaitent Shimon Pérès et Bachar Al-Assad obligeraient alors la Turquie à apparaître comme un interlocuteur acceptable pour les deux parties, en ménageant la chèvre syrienne et le chou israélien, alors qu’elle a plutôt privilégié la première au cours de l’année écoulée.

Louis-Marie Bureau