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BDS et Droit international - Source : J.L.Moragues

Nicole Kiil-Nielsen, parlementaire, monte au créneau au parlement européen

Vendredi, 8 janvier 2010 - 19h03

vendredi 8 janvier 2010

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Question initiale de Nicole Kiil-Nielsen

Alors que l’Union européenne réitère son appel au gel de la colonisation israélienne des territoires palestiniens occupés, qu’elle considère illégale et contraire au droit international (déclaration de la présidence de l’UE du 9 septembre 2009), un nouvel accord a été signé entre l’Union européenne et l’Etat d’Israël concernant les mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche. Un autre accord sur la mise en place d’un cadre de certification des produits pharmaceutiques devrait être signé prochainement.

D’après le rapport d’Amnesty International du 27 octobre 2009 « Israël et territoires palestiniens occupés : Les Palestiniens ont soif de justice. Les restrictions de l’accès à l’eau dans les territoires palestiniens occupés », Israël utilise plus de 80% de l’eau provenant de la nappe aquifère montagneuse, principale source souterraine en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, tout en limitant à seulement 20% la consommation des Palestiniens. Les Palestiniens vivant dans les zones rurales n’ont pas d’accès à l’eau courante alors que les colons israéliens ont recours à l’irrigation intensive pour leurs exploitations agricoles et disposent de jardins luxuriants et de piscines. Or, conformément à l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et à nombre d’autres traités internationaux, le droit à l’eau est un droit fondamental et chacun doit en bénéficier pour garantir ses droits à la santé et à l’alimentation.

L’UE reconnaît les frontières de l’Etat d’Israël dans les limites résultant de l’armistice de 1949 (frontières dites « de 1967 »). On peut donc considérer que les accords commerciaux UE-Israël ne devraient pas s’appliquer aux produits venant des colonies israéliennes dans les territoires occupés palestiniens. En réalité, Israël vend depuis longtemps en Europe les produits agricoles venant de ces colonies : l’entreprise israélienne Agrexco, détenue à 50% par l’Etat israélien, exporte en Europe environ 70% de produits agricoles issus des colonies israéliennes illégalement installées dans les territoires palestiniens occupés. Les fruits, les légumes ou les fleurs des territoires palestiniens occupés sont vendus en tant que produits « made in Israël », bénéficiant ainsi des conditions avantageuses prévues par les accords d’association UE-Israël.

La dissimulation des exportations agricoles d’Agrexco (en mélangeant les produits des colonies avec les produits de l’intérieur d’Israël) n’est pas un phénomène isolé. Selon Dov Weisglass, conseiller de l’ancien premier ministre Ariel Sharon : « si Israël maintenait son refus de marquer les produits des colonies, toutes les exportations israéliennes vers l’Europe (c.à.d. les 2/3 du total des exportations israéliennes) pourraient être taxées… » (Haaretz, 5 septembre 2009).

J’aurais donc voulu connaître les mesures concrètes que compte prendre la Commission européenne pour que l’Etat d’Israël respecte ses obligations internationales conformément au Pacte International sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels, et notamment mette fin à la politique actuelle de restriction arbitraire de l’accès à l’eau aux Palestiniens dans les territoires occupés.

J’aimerais également que vous me fassiez part des mesures et des mécanismes effectifs de contrôle que la Commission a mis en place dans le cadre du nouvel accord relatif aux mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche, pour s’assurer que les produits venants des colonies israéliennes des territoires palestiniens occupés ne bénéficient pas des nouvelles mesures avantageuses.

Réponse de la commission

Le principe général est le suivant : l’Union européenne considère que l’accord entre l’UE et Israël s’applique exclusivement au territoire d’Israël tel que reconnu par la communauté internationale et conformément aux résolutions pertinentes de l’ONU. Cela signifie que les produits venant des territoires occupés ne bénéficient pas de traitement préférentiel.

En ce qui concerne la question plus spécifique du nouvel accord agricole qui a été signé début novembre et entrera en vigueur le 1er janvier 2010 le même principe s’applique. Les produits agricoles et piscicoles provenant des colonies ne bénéficieront pas de tarifs préférentiels dans le cadre d’une importation dans l’Union européenne.

Pour ce qui concerne votre autre question, sur le problème du partage de l’eau entre Israël et la Palestine et qui s’appuie sur un rapport d’Amnesty : la Commission est tout à fait consciente de ce rapport et se penche dessus. Nous l’étudierons en profondeur, mais ce rapport est tout à fait nouveau.

Si l’eau et l’assainissement ne font pas partie de manière explicite du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Commission économique de l’ONU travail à l’extension de ses principes pour que l’eau en fasse partie, arguant que l’eau fait partie des conditions d’une vie adéquate. Nous nous reconnaissons tout à fait dans les nouvelles réflexions internes de l’ONU sur le droit à l’eau. La Commission reconnait que les défis liés à l’utilisation des ressources aquatiques relèvent tout à fait d’une problématique en termes de droits humains.

Ce dossier a des implications en matière de droits à l’eau. Nous avons toujours essayé d’encourager Israël et ses voisins à aborder cette question, qui est une question clé. La Commission a soutenu nombre de projets liés à cette question. Ainsi, elle a lancé un projet de base de données régionale sur l’eau qui implique Israël, la Palestine et la Jordanie. Nous continuons également à fournir une assistance humanitaire et à exercer une pression sur Israël pour flexibiliser la distribution de l’eau. Cela fait partie de notre assistance financière à la Palestine, et nous continuerons à financer en Cisjordanie nombre de projets liés à la distribution, à l’assainissement et à l’agriculture. Mais nous continuerons à aborder cette question dans le cadre du dialogue bilatéral UE-Israël.

Réponse de Nicole Kiil-Nielsen à l’issue de l’intervention de la Commission

Je vous remercie pour votre réponse qui ne m’a toutefois pas rassurée sur la question de la traçabilité des produits importés d’Israël.

Nous savons qu’à l’arrivée tous les fruits et légumes sont mélangés.

Des associations israéliennes anti-colonialistes effectuent des recherches approfondies sur les entreprises israéliennes qui tirent profit de la colonisation. Elles ont mis à la disposition des organisations intéressées une base de données importante qui concerne plus de 1000 entreprises dont 300 accessibles sur le site. Parmi ces grandes entreprises se trouvent Véolia, Dexia, Agrexco, etc.

Dans la vallée du Jourdain, Agrexco, société d’Etat, commercialise à l’exportation 70% des fruits et légumes. 95% des travailleurs sont des Arabes palestiniens, dont les conditions de travail sont très dures et les salaires très inférieurs à ce que prévoit la loi israélienne pour les travailleurs agricoles. Nous savons que des produits cultivés dans les colonies sont parfois étiquetés « Produits de Palestine », à destination de certains pays européens où les produits israéliens sont refusés, en raison de l’appel au boycott lancé par la société civile, des syndicats et comités d’agriculteurs palestiniens. Il faut une réelle volonté politique pour savoir réellement d’où proviennent les figues, dates, tomates, etc. que nous vend Agrexco.

Conclusion du président de séance, Andrzej Grzyb

Je vous remercie pour cette réponse. Je comprends que vous n’êtes pas satisfaite de la réponse de la commission à votre question. Nous espérons donc que la Commission va continuer à travailler sur la question et qu’ils nous tiendrons au courant lors d’une prochaine séance.