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« Quand le moment sera-t-il venu pour nous, Palestiniens ? »

« Il vient un moment où le peuple ne peut plus supporter l’injustice, et ce temps est venu pour la Palestine »

par Mustafa Barghouthi - Vendredi, 25 décembre 2009 - 10h21 AM

vendredi 25 décembre 2009

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Israël, qui préfère tragiquement dominer plutôt qu’admettre ses voisins palestiniens, aura conduit à un nouveau combat contre lui-même, en poussant toujours plus loin son entreprise coloniale. Personne ne pourra dire qu’il n’a pas été prévenu.

Justement, c’est quand, le bon moment pour parler de la liberté des Palestiniens ?

J’ai passé ma vie d’adulte sous occupation, avec des Israéliens gardant un contrôle absolu sur mes mouvements et ma vie quotidienne.

Quand de jeunes policiers israéliens m’obligent à m’asseoir sur la terre froide et que des soldats me frappent lors d’une manifestation non violente, je me ronge. Aucun être humain ne devrait être contraint de s’asseoir à terre alors que l’exercice de ses droits est considéré comme allant de soi dans tout l’Occident.

C’est avec une préoccupation grandissante que je vois l’administration Obama incapable de tenir tête à Israël et au lobby proisraélien. Notre rêve de liberté est écrabouillé sous le poids des immeubles et des constructions constamment en expansion dans les colonies israéliennes.

Le mois dernier, le porte-parole du Département d’Etat US, Ian Kelly, n’a réussi qu’à dire que ces constructions illégales étaient « consternantes ». Le ministre des Affaires étrangères israélien, Avigdor Lieberman, se lève et quitte la salle à chaque fois que l’émissaire des Etats-Unis, George Mitchell, se met à parler de Jérusalem-Est.

Et Javier Solana, juste avant de terminer son mandat de haut représentant de la politique étrangère de l’Union européenne, affirme que l’initiative des Palestiniens pour proclamer leur Etat « demandait du temps et devait se faire dans le calme, au moment opportun. » Et d’ajouter : « Je ne pense pas que le moment soit venu aujourd’hui d’en parler ».

Justement, c’est quand, le bon moment pour parler de la liberté des Palestiniens ? J

e lance un appel à la remplaçante de Mr Solana, Catherine Ashton, pour qu’elle prenne des mesures concrètes pour faire pression en faveur d’une prochaine liberté palestinienne plutôt que de la remettre encore à plus tard.

Si Israël insiste pour se conformer à des notions archaïques pour déterminer le moment de la liberté d’un autre peuple, alors, il nous incombe à nous, Palestiniens, de nous organiser et de mettre en lumière l’aversion morale que doit inspirer une telle conception.

Malgré des décennies d’occupation et de dépossessions, 90% de la lutte palestinienne ont été non violents, avec la grande majorité des Palestiniens qui soutient ce mode de combat. Aujourd’hui, un nombre toujours plus grand de Palestiniens prend part à une résistance non violente organisée.

Face à l’inaction de l’Europe et des Etats-Unis, il est crucial pour nous de continuer à faire revivre notre culture du militantisme collectif en résistant avec énergie et non-violence à la domination d’Israël sur notre peuple.

Ce sont des actions que tout homme, toute femme et tout enfant peut mener. Le mouvement non violent s’est créé et se développe dans des villages comme Jayyous, Bil’in et Ni’lin, où le mur de ségrégation d’Israël menace d’anéantir toute l’activité productive du village.

Le Président Obama, peut-être sans le vouloir, a encouragé cette démarche quand il a fait appel à la non-violence palestinienne dans son discours du Caire. « Les Palestiniens, » a-t-il déclaré, « doivent abandonner la violence... Pendant des siècles, le peuple noir des Etats-Unis a souffert... de l’humiliation de la ségrégation. Mais ce n’est pas par la violence qu’il a conquis des droits pleins et égaux. C’est par une insistance pacifique et déterminée sur les idéaux qui sont au coeur de la fondation de l’Amérique. »

Et pourtant, c’est sans que l’Amérique ne réagisse publiquement que les militaires israéliens ont pu tuer et blesser de nombreux Palestiniens non violents durant ces 10 mois de présidence d’Obama, le plus connu étant Bassem Abu Rahme, qui fut tué en avril dernier par une bombe lacrymogène à grande vitesse. Le citoyen états-unien, Tristan Anderson, fut gravement blessé par l’armée israélienne en mars, par un projectile identique, et est toujours dans un coma profond. Ces deux hommes manifestaient [non violemment] contre les saisies illégales de terres par les Israéliens et contre le mur d’Israël. Il y en a des centaines d’autres aussi, mais inconnus du monde extérieur.

Une nouvelle génération de dirigeants palestiniens essaie actuellement de parler au monde avec le langage d’une campagne non violente de boycott, de désinvestissements et de sanctions, précisément comme Martin Luther King Jr et des milliers d’Afro-Américains l’ont fait [victorieusement] pour le boycott de la compagnie de bus de Montgomery [Alabama] dans le milieu des années 50.

Nous aussi avons le droit d’utiliser cette tactique pour faire avancer nos droits. Le même monde qui rejette tout usage de la violence palestinienne, même quand il s’agit manifestement de se défendre, ne peut assurément nous reprocher une non-violence utilisée par des hommes tels que King et Gandhi.

La léthargie de l’Occident signifie que, peut-être, le temps n’est plus à la solution à deux Etats. S’il en est ainsi, la faute en incombera à son incapacité à stopper l’activité de colonisation israélienne. La déclaration du Premier ministre Benjamin Netanyahu, selon laquelle la construction dans les colonies se poursuivra à Jérusalem-Est, comme celle des immeubles publics et des milliers de logements déjà en construction en Cisjordanie, cette déclaration se moque bien du sens du mot « gel ».

Nous, Palestiniens, sommes tout à fait habitués - mais peu disposés à les accepter - à de telles annonces de la part de Mr Netanyahu.

La disparition de la solution à deux Etats ne fera que conduire à un nouveau combat pour des droits égaux, à l’intérieur d’un seul Etat. Israël, qui préfère tragiquement dominer plutôt qu’admettre ses voisins palestiniens, aura conduit à un nouveau combat contre lui-même, en poussant toujours plus loin son entreprise coloniale. Personne ne pourra dire qu’il n’a pas été prévenu.

Finalement, nous serons libres dans notre propre pays, soit par une solution à deux Etats, soit dans un Etat mixte nouveau.

Il vient un moment où le peuple ne peut plus supporter l’injustice, et ce temps est venu pour la Palestine.

Dr Mustafa Barghouthi est secrétaire général d’Initiative nationale palestinienne (INP) et membre du Conseil législatif palestinien.

Source : http://www.info-palestine.net/