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Version en anglais, après nos commentaires, en 3ème partie de cet article (ndlr)

La honte à La Haye

par Gideon Levy - Dimanche, 20 septembre 2009 - 10h02 AM

dimanche 20 septembre 2009

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http://www.haaretz.com/hasen/spages/1115240.html

Ha’aretz et Gideon Levy

Il y a un nom écrit sur chaque balle, et il y a un responsable pour chaque crime. La cape de téflon dans laquelle Israël se drape depuis l’opération Plomb Durci s’est déchirée, une fois pour toutes, et il faut maintenant faire face aux questions difficiles. Il est maintenant superflu de se demander si oui ou non des crimes de guerre ont été commis à Gaza, parce des réponses sérieuses et sans ambiguïté ont déjà été données. Alors il faut maintenant s’occuper de la question qui en résulte : qui doit être condamné ? Si des crimes de guerre ont été commis à Gaza, cela signifie que des criminels de guerre sont en liberté parmi nous. Ils doivent être tenus pour responsables et punis. C’est là la rude conclusion qui doit être tirée du rapport détaillé de l’ONU.

Pendant près d’un an, Israël a tenté d’expliquer que le sang versé à Gaza était en fait de l’eau. Et pourtant un rapport suivait l’autre, chacun précisant des détails identiques dans l’horreur : le siège, le phosphore blanc, les souffrances des civils innocents,la destruction des infrastructures – des crimes de guerre dans chaque rapport. Maintenant, après la publication du rapport le plus important et le plus accusateur de tous, compilé par la commission conduite par le juge Richard Goldstone, les tentatives d’Israël pour discréditer ces rapports semblent grotesques, et les discours creux de ses porte paroles pathétiques.

Jusqu’ici, ils se sont concentrés sur les messagers plutôt que sur les messages : la personne qui a mené les recherches pour Human Rights Watch serait un collectionneur de souvenirs nazis, et Amnesty International une organisation antisémite. Tout cela n’est que de la propagande de bas étage. Cette fois, cependant, le messager est protégé contre toute propagande d’un tel niveau. Personne ne peut sérieusement prétendre que Goldstone, qui est un sioniste actif et ardent, avec des liens profonds avec Israël, est antisémite. Ce serait ridicule.

Bien qu’il se soit trouvé quelques propagandistes pour vraiment essayer d’utiliser contre lui l’arme de l’antisémitisme, même ceux-là savaient bien que c’était ridicule. Il faut écouter l’interview émouvant accordé hier par la fille de Goldstone, Nicole, à Razi Barkaï sur la radio de l’armée, pour comprendre qu’il est en fait un chaud partisan et un ami sincère d’Israël. Elle a parlé, en Hébreu, de la souffrance endurée par son père et elle a fait part de sa conviction que, s’il n’avait pas été là, le rapport aurait été autrement plus sévère. Tout ce qu’il veut c’est qu’Israël soit plus juste, a-t-elle expliqué.

Personne ne peut non plus mettre en doute sa compétence en matière juridique, car c’est un juriste international de haut niveau avec un réputation impeccable. L’homme qui a fait remonter à la surface la vérité sur le Rwanda et la Yougoslavie a maintenant fiat la même chose pour Gaza. L’ancien procureur général de la Cour Criminelle Internationale de La Haye n’est pas seulement une autorité juridique, c’est aussi une autorité morale, et donc les récriminations concernant le juge ne tiennent pas un instant. Au lieu de cela, il est temps de se regarde de plus près les accusés. Ces responsables sont, d’abord et avant tout, Ehud Olmert, Ehud Barak et Gabi Ashkenazi. Jusqu’ici, et cela est à peine croyable, aucun d’eux n’a eu à payer le moindre prix pour se mauvaises actions.

L’opération Plomb Durci a été un assaut sans retenue mené contre une population civile assiégée, totalement dépourvue de protection, qui n’a pratiquement pas montré de signe de résistance au cours de cette opération. Cela aurait dû immédiatement soulever une tempête de fureur en Israël. C’était un Sabra et Chatila,mais cette fois mené directement par nous. Mais, s’il y a eu une tempête de protestations dans ce pays après Sabra et Chatila, cette fois, les simples mentions de Plomb Durci ont été évacuées.

Il aurait dû être amplement suffisant de s’interroger sur l’épouvantable disparité dans le nombre des victimes – 100 Palestiniens pour chaque israélien – pour que l’ensemble de la société israélienne en soit secouée. Il n’était pas nécessaire d’attendre Goldstone pour comprendre que quelque chose de terrible s’était passé entre le David Palestinien et le Goliath israélien. Mais les israéliens ont préférés regarder dans une autre direction, ou même s’installer avec leurs enfants sur les collines entourant Gaza et applaudir aux bombes faisant des carnages.

Sous la couverture de médias acquis à sa cause, et d’analystes et d’experts aux préjugés véritablement criminels – qui ont tous veillés à ce que les informations ne sortent surtout pas – et avec une opinion publique complaisante et aux cerveaux soigneusement lavés, Israël s’est comporté comme si rien ne s’était passé. Goldstone a mis fin à cet état de choses, et nous devrions lui en être reconnaissants. Maintenant que son travail a été fait, les mesures pratiques évidentes vont être prises.

Israël ferait mieux de rassembler son courage et de changer de cours alors qu’il en est encore temps, et d’enquêter honnêtement sur ce qui s’est véritablement passé, et certainement as dans le cadre des enquêtes grotesques des forces de défense israéliennes, bien qu’à ce point cela ne serve plus à grand chose. Maintenant que le rapport est en route pour la Cour Pénale Internationale, et que des mandats d’arrêt pourraient être bientôt envoyés, tout ce qu’il reste à faire est de réunir immédiatement une commission d’enquête publique afin d’éviter la honte La Haye.

Peut-être que la prochaine fois que nous déciderons de lancer une autre guerre vaine et misérable, nous tiendrons compte, non seulement du nombre de morts que nous risquons d’avoir, mais aussi des très lourds dégâts politiques que causent de telles guerres.

En cette veille de nouvel an juif, constatons qu’Israël devient, à juste titre, un pays paria et détesté. Nous ne devons pas l’oublier un instant.

(*) Il semble qu’on puisse réaliser des tissus, à base de divers matériaux comme le téflon, qui permettraient de se rendre, à toutes fins utiles, invisible.

Un papier sérieux est disponible sur le lien :

http://piers.mit.edu/piersonline/download.php?file=MDcxMDE3MjE0NDUzfFZvbDRObzVQYWdlNTk2dG82MDAucGRm.

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Commentaires de la rédaction

La honte 17/09/09

Comment ne pas comprendre les déchirements de Gidéon Levy ? Mais ce que nous devons aux victimes, c’est de refuser la voie qu’il propose, qui au fond relève de la vieille technique du bouc émissaire, qu’on charge de tous les péchés d’Israël avant de le chasser dans le désert où il périra à coup sûr.

Bien sûr qu’Olmert, Barak, Ashkenazi portent une responsabilité écrasante dans ces crimes. Mais ils ne sont jamais que la partie émergée de cet iceberg du mal qu’est maintenant Israël, depuis bien des années.

Ils n’étaient pas venu au pouvoir à la suite d’un putsch, non plus d’ailleurs que leurs successeurs les Netanyahou, Lieberman, et autres Yishaï. Ces gens ont tous été portés au pouvoir par un processus démocratique et reflètent fidèlement l’orientation d’une importante majoritéde la population sioniste.

Ce n’est pas « seulement » le général ou le ministre qui sont des criminels contre lesquels la morale exige qu’on prenne des mesures : c’est cet état lui-même et tout ce que sous-entend le terme "Etat".

LaMaison Blanche répéte, enfin, pour la première fois depuis longtemps, que la construction de quoi que ce soit du côté Palestinien de la Ligne Verte éest en contradiction avec le droit international, et Netanyhou persiste à déclarer qu’il n’a pas l’intention de respecter quoi que ce soit ; et cela avec l’assentiment de l’immense majorité de la population sioniste, et les vifs regrets de notre diplomatie.

La lâcheté des occidentaux à l’égard d’Israël a eu le résultat qu’on pouvait aisément prédire : elle a réduit à presque rien le camp de la paix, et installé solidement au pouvoir la pensée raciste, colonialiste et impérialiste.

On peut tout aussi aisément prédire la suite, même si la chronologie est encore floue. Puisqu’il n’y a que la violence pour permettre aux Palestiniens et aux autres peuples Arabes de vivre en paix, eh bien, la violence viendra, inéluctablement.

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Original, en anglais :

Disgrace in The Hague

By Gideon Levy

There’s a name on every bullet, and there’s someone responsible for every crime. The Teflon cloak Israel has wrapped around itself since Operation Cast Lead has been ripped off, once and for all, and now the difficult questions must be faced. It has become superfluous to ask whether war crimes were committed in Gaza, because authoritative and clear-cut answers have already been given. So the follow-up question has to be addressed : Who’s to blame ? If war crimes were committed in Gaza, it follows that there are war criminals at large among us. They must be held accountable and punished. This is the harsh conclusion to be drawn from the detailed United Nations report.

For almost a year, Israel has been trying to argue that the blood spilled in Gaza was merely water. One report followed the other, with horrifyingly identical results : siege, white phosphorous, harm of innocent civilians, infrastructure destroyed - war crimes in each and every report. Now, after the publication of the most important and damning report of all, compiled by the commission led by Judge Richard Goldstone, Israel’s attempts to discredit them look ludicrous, and the empty bluster of its spokespersons sound pathetic.

So far they have focused on the messengers, not their messages : the researcher for Human Rights Watch collects Nazi memorabilia, Breaking the Silence is a business and Amnesty International is anti-Semitic. All cheap propaganda. This time, though, the messenger is propaganda-proof. No one can seriously claim that Goldstone, an active and ardent Zionist, with deep links to Israel, is an anti-Semite. It would be ridiculous.

Although there were some propagandists who actually tried to use the anti-Semitism weapon against him, even they knew this was farcical. One had to hear the moving interview that Goldstone’s daughter Nicole gave to Razi Barkai on Army Radio yesterday, to understand that he is in fact a lover of Israel and its true friend. She spoke, in Hebrew, of the mental anguish her father experienced and of his conviction that, had he not been there, the report would have been much worse. All he wants is an Israel that is more just, she explained.

Neither can anyone doubt his legal credentials, as a top-level international jurist with an impeccable reputation. The man who found out the truth about Rwanda and Yugoslavia has now done the same regarding Gaza. The former chief prosecutor of the International Criminal Court in The Hague is not only a legal authority, he is also a moral authority ; therefore complaints about the judge won’t hold water. Instead, it is time to look closer at the accused. Those responsible are first and foremost Ehud Olmert, Ehud Barak and Gabi Ashkenazi. So far, incredibly, none of them has paid any price for their misdeeds.

Cast Lead was an unrestrained assault on a besieged, totally unprotected civilian population which showed almost no signs of resistance during this operation. It should have raised an immediate furor in Israel. It was a Sabra and Chatila, this time carried out by us. But there was a storm of protest in this country following Sabra and Chatila, whereas after Cast Lead mere citations were dished out.

It should have been enough just to look at the horrendous disparity in casualties - 100 Palestinians killed for every Israeli - to shake the whole of Israeli society. There was no need to wait for Goldstone to understand that a terrible thing had occurred between the Palestinian David and the Israeli Goliath. But the Israelis preferred to look away, or stand with their children on the hills around Gaza and cheer on the carnage-causing bombs.

Under the cover of the committed media, and criminally-biased analysts and experts - all of whom kept information from coming out - and with brainwashed and complacent public opinion, Israel behaved as if nothing had happened. Goldstone has put an end to that, for which we should thank him. After his job is done, the obvious practical steps will be taken.

It would be better for Israel to summon up the courage to change course while there is still time, investigating the matter genuinely and not by means of the Israel Defense Forces’ grotesque inquiries, without waiting for Goldstone. Olmert and Tzipi Livni must be brought to pay for their scandalous decision not to cooperate with Goldstone, although at this point that is spilled milk. Now that the report is on its way to the ICC and arrest warrants could soon be issued, all that remains to be done is to immediately set up a state inquiry commission in order to avert disgrace in The Hague.

Perhaps next time we set out to wage another vain and miserable war, we will take into account not only the number of fatalities we are likely to sustain, but also the heavy political damage such wars cause.

On the eve of the Jewish New Year, Israel, deservedly, is becoming an outcast and detested country. We must not forget it for a minute.