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Texte original en anglais en 2è partie de l’article

« Les israéliens ne paient pas le prix de l’injustice de l’occupation »

Source : Ha’aretz et Gideon Levy - Lundi, 20 juillet 2009 -6h47AM

lundi 20 juillet 2009

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par Gidéon Lévy

Au fond, à quoi bon tout ce remue ménage ? Le président des Etats Unis consacre une part considérable de son temps et de son énergie, fort précieux, à essayer de se montrer convaincant sur la nécessité de mettre fin au conflit Arabo-Israélien. Les européens sont prêts à passer à l’action, la moitié du monde attend, mais reconnaissons les choses comme elles sont. Qu’est-ce que c’est que tout ce tohu-bohu à notre propos. Les colons peuvent bien pousser leurs hurlements et bloquer les carrefours des autoroutes. Les Forces de défense Israéliennes peuvent bien devenir moins déterminantes et les nouvelles peuvent bien devenir préoccupantes. Les vignes des hauteurs du Golan peuvent bien fermer, tout comme la boutique du vignoble de l’implantation d’Ofra.

La vie en Israël est tout simplement épatante, et personne ne veut avoir la tête rompue avec la paix, les négociations, les retraits, le « prix » qu’il nous faut payer et toute ces histoires inutiles. Les cafés sont pleins et les restaurants n’ont plus une place de libre. Les gens sont e vacances. La télévision nous abrutit, les routes sont encombrées, et les festivals sont en plein éclat. La Scala a joué dans le parc et Madonna va suivre, et les plages sont remplies de touristes locaux et étrangers. L’été 2009 est merveilleux. Pourquoi donc devrions-nous changer quoi que ce soit ?

Les israéliens ne paient en réalité aucun prix pour l’injustice de l’occupation. La vie en Israël est infiniment meilleure que dans la plupart des autres pays. La crise financière globale a frappé Israël moins cruellement que d’autres endroits. Nous avons des pauvres, mais pas comme dans les pays en développement, et les riches et les classes moyennes n’ont pas subi de dommage critiques.

La situation, en matière de sécurité, est également satisfaisante. Pas d’attaques terroristes. Pas d’Arabes. Et , quand le terrorisme se calme, comme c’est le cas depuis les dernières années, qui se souvient qu’il y a un « problème Palestinien » ? L’armée et le premier ministre Benjamin Netanyahu peuvent continuer à nous faire peur avec la menace terroriste, mais pour l’instant, en tous cas, elle n’existe pas. La menace nucléaire Iranienne n’est elle aussi qu’une vague possibilité à l’heure actuelle. La vie en Israël est résolument sécurisée.

Il est vrai que, à des intervalles réguliers de quelques années, une vague de violence surgit, mais c’est le plus souvent limité aux zones périphériques du pays et cela n’intéresse personne dans la partie centrale. Des Qassam à Sdérot ou des Katyouchas à Kiryat Shmona ? Qui s’y intéresse ? Et de tels épisodes sont suivis par une nouvelle période de calme, comme maintenant. La barrière de séparation, le système d’éducation et la propagande politique font un travail formidable pour créer une illusion qui nous fait oublier ce que nous devons oublier et cacher ce qui doit être caché. Ils sont là et nous sommes ici, et, ici, la vie est un grand bol de cerises, sinon même une fête. Comme la Suisse ? Non, encore mieux.

Nous avons toujours su comment ajouter une dose de signification aux plaisirs de la vie. Nous pratiquons le culte de la sécurité, qui est la véritable religion de notre société, et nous perpétuons la mémoire de l’Holocauste. Vous pouvez vivre agréablement en Israël et en même temps jouer le rôle de victime, festif et protestataire à la fois. Y a-t-il un autre endroit comme celui-ci ?

Les israéliens ne paient aucun prix pour l’injustice de l’occupation, et a par conséquent l’occupation de finira jamais. Elle ne s’arrêtera pas un instant avant que les israéliens comprennent le lien entre l’occupation et le prix qu’ils seront obligés de payer. Ils ne s’en débarrasseront jamais de leur propre initiative, et pourquoi le feraient-ils ,

Même les attaques terroristes les plus cruelles qui aient frappé le pays n’ont pas fait passer chez les israéliens la compréhension entre cause et effet, entre occupation et terrorisme. Grâce aux médias et aux politiciens – qui sont deux des agents les plus pernicieux pour abrutir et aveugler la société israélienne – nous avons appris que les Arabes étaient nés pour tuer, que le monde entier est contre nous, que c’est l’antisémitisme qui détermine comment traiter avec Israël, et qu’il n’y a pas de lien entre nos actes et le prix que nous payons.

Ni un blocus international ni un terrible bain de sang n’apparaissent à l’horizon, pour notre grand bonheur. Et alors, pourquoi devrions-nous nous faire du souci ? Il est vrai que le monde commence à en avoir assez d’Israël. Et alors ? Le monde nous hait de toutes façons, et les israéliens en sont convaincus. Tant que les israéliens ne sont pas privés des plaisirs du monde, ils n’ont aucun raison de s’inquiéter. Essayez de leur demander pourquoi ils sont critiqués, et vous entendrez aussitôt des paroles de mépris à l’égard du monde plutôt qu’aucun mot d’autocritique. Les israéliens sont également très satisfaits d’eux-mêmes - c’est-à-dire de leur niveau de moralité, que ce soit en tant que personnes ou pour celui de leur armée et de leur état.

Tout cela pourrait en vérité être magnifique, sauf que l’aveuglement est une attitude dangereuse et que la fin de l’histoire, pas très agréable, est connue d’avance. Nous avons un nouvel été superbe à Tel Aviv – comme à Gaza et à Jénine – mais toute une partie du monde finira par nous exploser au visage.

Et alors nous ferons semblant d’être des victimes stupéfaites et malheureuses, comme nous aimons tant l’être

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et voici le texte original :

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Sun., July 19, 2009 Tamuz 27, 5769

Israelis don’t pay price for injustice of occupation

By Gideon Levy

Really, who needs all this ? The U.S. president is devoting a considerable amount of his precious time and goodwill trying to be persuasive about the need to end the Arab-Israeli conflict. The Europeans are ready to act, half the world is waiting, but let’s admit the truth : Why all the commotion about us ? The settlers might scream and block highway intersections. The Israel Defense Forces would become less important and the news could actually become boring. The vineyard in the Golan Heights is liable to close, as might the boutique winery in the settlement of Ofra.

Life in Israel is just peachy, and who wants to think about peace, negotiations, withdrawals, the "price" we have to pay and all this unnecessary mess ? Cafes are bustling and restaurants are packed. People are vacationing. The markets are surging. Television dumbs us down, highways are jammed, and the festivals are blaring. La Scala performed in the park and Madonna is to follow, and the beaches are full of foreign tourists and locals. The summer of 2009 is wonderful. So why should we change things ?

The Israelis aren’t paying any price for the injustice of occupation. Life in Israel is immeasurably better than in most countries. The global financial crisis has hit Israel less than other places. It has poor people but not like in the developing world, and the rich and middle class here have not been critically harmed.

The security situation is also in good shape. No terrorist attacks. No Arabs. And when terrorism subsides, as it has over the past several years, who remembers that there is a "Palestinian problem" ? The army and Prime Minister Benjamin Netanyahu can continue to scare us with the terrorism threat, but for the meantime, at least, it doesn’t exist. The Iranian nuclear threat is also just a vague option at the moment. Life in Israel is currently secure.

True, every few years a wave of violence erupts, but it usually happens in the country’s outskirts and doesn’t interest anyone in the center. Qassam rockets in Sderot or Katyushas in Kiryat Shmona ? Who cares ? This is followed by another period of quiet, like now. The separation fence, media, education system and political propaganda do a great job in creating an illusion to make us forget what we need to forget and hide what needs to be hidden. They are there and we are here, and here life is a bowl of cherries, if not a blast. Like Switzerland ? Even better.

We always knew how to add a measure of significance to the pleasures of life. We practice the cult of security, society’s true religion, and we perpetuate the memory of the Holocaust. You can enjoy yourself in Israel and also play the victim, party and gripe. Where else is there a place like this ?

The Israelis don’t pay any price for the injustice of the occupation, so the occupation will never end. It will not end a moment before the Israelis understand the connection between the occupation and the price they will be forced to pay. They will never shake it off on their own initiative, and why should they ?

Even the most cruel terrorist attacks to befall the country haven’t instilled an understanding among the Israelis about the connection between cause and effect - between occupation and terrorism. Thanks to the media and the politicians - two of the worst agents for dumbing down and blinding Israeli society - we learned that the Arabs were born to kill, the whole world is against us, anti-Semitism determines how Israel is dealt with, and there is no connection between our actions and the price we pay.

Neither an international blockade nor terrible bloodletting appear to be on the horizon, to our great fortune. So why should we worry ? It’s true that the world is beginning to scowl at Israel. So what ? The world hates us anyway, Israelis are convinced. As long as they are not deprived of the world’s pleasures, there is no reason to worry. Try to ask them why they are ostracized and you will immediately hear scorn about the world, rather than any self-criticism, God forbid. The Israelis are not only enjoying themselves. They are also very satisfied with themselves - over their level of morality and that of their army and state.

All this really could have been peachy if not for the fact that blindness is dangerous and the not-so-good ending is known in advance. It’s another wonderful summer in Tel Aviv - and Gaza and Jenin - but a part of the world will blow up in our faces. And then we will pretend to be amazed, miserable victims, as we so much like to be.