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Qui arme Israël ?

par Patrice Bouveret - Vendredi 29 mai 2009 - 6h58 AM

vendredi 29 mai 2009

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Un ouvrage étudie les transferts d’armements vers Israël. Ce n’est pas une surprise : les Etats-Unis sont le premier fournisseur et l’Union européenne le second.

Quatre mois se sont écoulés depuis l’opération « Plomb durci » au bilan humain particulièrement lourd. De nombreuses analyses sur le contexte politique, stratégique, humanitaire ont été publiées.

Un domaine est souvent absent – tout particulièrement en langue française –, celui de l’analyse de la « question militaire » et plus spécifiquement de la fourniture en armes.

Le travail que nous publions ces jours-ci est centré principalement sur l’étude des transferts d’armements vers Israël [1]. Certes, les ventes d’armes ne sont pas en elles-mêmes causes des guerres, mais elles y contribuent et favorisent les nombreux conflits qui ensanglantent la planète. Durant les dix dernières années, la zone du Moyen-Orient a connu une véritable explosion de ses dépenses militaires : + 61,9 % entre 1998 et 2007 selon le Sipri, l’institut de recherche suédois de référence en la matière. De même, cette région est la principale récipiendaire des transferts d’armes.

À l’intérieur de cette zone du Moyen-Orient, Israël occupe une place prépondérante avec une augmentation de + 36,2 % de ses dépenses militaires depuis 1998. Le Sipri classe Israël au 8e rang, avec 3,5 % des importations mondiales d’armes durant les dix dernières années. Une spécificité d’Israël est qu’il est également devenu un exportateur important de matériel militaire (5e exportateur mondial avec environ 5 % de parts de marché sur la dernière décennie), venant même talonner la France ! Ce n’est pas une surprise, ce sont les États-Unis qui sont les premiers fournisseurs en armement de l’État hébreu. Depuis le milieu des années 1970, Israël est devenu le premier pays bénéficiaire de l’aide militaire distribuée par les États-Unis. Une aide qui passe par différents canaux et fait d’Israël le second importateur d’armes états-uniennes, après l’Arabie Saoudite.

Ce statut de « partenaire privilégié » est d’autant plus problématique qu’il n’est assorti d’aucune conditionnalité alors qu’il pourrait servir de levier pour amener Israël à respecter un minimum de règles du droit international.

Au contraire même, puisque les États-Unis n’ont pas jusqu’à ce jour hésité à brandir au sein du Conseil de sécurité des Nations unies leur veto vis-à-vis de toute résolution prise à l’encontre d’Israël. Barack Obama inversera-t-il cette politique de blanc-seing ?

L’Union européenne se situe à la place de second fournisseur d’armes à Israël, loin derrière les États-Unis en parts de marché : 5,7 % contre 94 % sur les cinq dernières années.

Cela dit, en termes de responsabilité, l’Union européenne ne fait pas vraiment mieux que les États-Unis ! En effet, les exportations d’armes européennes sont soumises à un code juridiquement contraignant qui interdit toute exportation en direction d’États ne respectant pas certaines normes, notamment en matière de droit international, de droits de l’homme, etc. Exporter du matériel militaire vers Israël est en contradiction avec ces principes européens. Cela soulève non seulement des problèmes éthiques et juridiques de taille, mais pose également la question de la complicité des États exportateurs

L’attitude française est également très ambiguë. Après avoir largement contribué dans les années 1950 et 1960 à l’équipement de son armée et à la construction de son industrie militaire, y compris de son arsenal nucléaire, la France, après une période d’embargo, a opéré un retour sur le marché israélien en devenant le premier exportateur européen de matériel de guerre. Il s’agit d’ailleurs d’un échange gagnant-gagnant pour les industries militaires des deux États dans la mesure où la France acquiert des technologies israéliennes, notamment au niveau des drones, bénéficiant ainsi d’un retour d’expérience sur du matériel expérimenté dans des combats en zone urbaine…

Le président Dwight D. Eisenhower, à la fin de son second mandat en 1961, a attiré l’attention des autorités françaises sur les dangers que l’influence croissante du complexe militaro-industriel pouvait faire peser sur la démocratie et les libertés. Il parlait des États-Unis bien sûr. Mais n’est-ce pas au niveau de l’État d’Israël que cette question se pose aujourd’hui avec le plus d’acuité ?