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LE VIRAGE ou LE DEBUT DE LA FIN (ndlr)

Une visite qui tourne à l’aigre

par Khaled Amayreh - Samedi, 9 mai 2009 - 18h30

samedi 9 mai 2009

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De plus en plus d’indicateurs montrent qu’Obama agira pour voir la mise en place d’un état palestinien, quels que soient les faux-fuyants de Tel Aviv, écrit Khaled Amayreh depuis Jérusalem-Est occupé.

Mitchell et Netanyahu - Jusqu’où les Etats-Unis peuvent-ils aller dans la critique de leur protégé à qui ils ont toujours accordé un soutien et une protection sans limites ?Au cours de sa dernière visite en Palestine-Israël la semaine dernière, l’émissaire étatsunien au Proche-Orient, George Mitchell, a poussé de manière répétée le gouvernement israélien de droite à appuyer la solution biétatique avec les Palestiniens, mais apparemment sans résultat.

Le Premier Ministre israélien Benyamin Netanyahou a dit à Mitchell qu’Israël ne souhaitait pas « gouverner un autre peuple » et qu’Israël était toujours intéressé à parvenir à un accord de paix avec les Palestiniens. Mais les faux-fuyants évidents n’ont guère impressionné l’ancien sénateur US, qui a résolument déclaré à ses hôtes que l’administration Obama s’engageait dans la création d’un état palestinien sur des territoires occupés par Israël en 1967.

Mitchell serait allé jusqu’à dire à ses interlocuteurs israéliens que la création d’un état palestinien en Cisjordanie, dans la Bande de Gaza et à Jérusalem-Est était un intérêt stratégique américain. Peu habitués à entendre des responsables étatsuniens dire « non » ni même un « demi-oui » à Israël, les dirigeants israéliens sont à présent perplexes quant à la gestion de la « crise » à Washington. En effet, un rapide coup d’œil aux médias les plus à droite d’Israël pourrait donner l’impression que la dernière menace contre la sécurité nationale israélienne vient de surgir d’outre-Atlantique plutôt que des voisins d’Israël.

Car l’accueil manifestement grossier infligé à Mitchell par le Ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman à Jérusalem-Ouest la semaine dernière, incompatible avec les traditions diplomatiques, peut s’interpréter comme le réflexe défensif d’un gouvernement - et d’un pays - qui a toujours considéré les Etats-Unis comme acquis et attendait des administrations américaines successives qu’elles soient aux ordres d’Israël. En toute arrogance Lieberman, les mains enfoncées dans ses poches, a refusé de faire quelques pas avec l’émissaire étatsunien et de lui serrer la main après leur rencontre. L’ancien immigrant moldave a déclaré à Mitchell : « les Américains ont leurs points de vue et nous avons les nôtres, et Israël est un état démocratique ».

De son côté, Mitchell a dit aux journalistes après la rencontre : « J’ai répété au ministre des Affaires étrangères que la politique des Etats-Unis privilégie, par rapport au conflit israélo-palestinien, une solution biétatique avec un état palestinien vivant en paix aux côtés de l’état juif d’Israël ».

Conseillé de s’abstenir de tester les limites de la patience d’Obama, Netanyahou recourt de plus en plus à diverses tactiques de diversion et de temporisation, dans le but de renvoyer la balle dans le camp palestinien. Avant la visite de Mitchell, Netanyahou avait déclaré que la reprise des pourparlers de paix avec l’Autorité Palestinienne (AP) était conditionnée par la reconnaissance palestinienne d’Israël comme « l’état du peuple juif ». La déclaration n’est pas plus inoffensive qu’innocente. La reconnaissance palestinienne - même une mention informelle - d’Israël donnerait à Israël le droit d’expulser, tôt ou tard, la majorité du million et demi environ de citoyens d’Israël qui sont palestiniens, sur la base qu’Israël est un état exclusivement juif.

Les dirigeants de la communauté palestinienne en Israël prennent l’affaire très au sérieux car elle concerne leur survie même et la poursuite de leur existence dans la patrie de leurs ancêtres. L’an dernier, un certain nombre de membres arabes de la Knesset ont reçu l’engagement du Président de l’AP, Mahmoud Abbas, qu’il n’y aurait pas de reconnaissance palestinienne d’Israël comme état juif. En outre, le « mantra de l’état juif » exclurait d’emblée le retour de millions de réfugiés palestiniens dans leurs maisons et leurs villes dans ce qui est maintenant Israël. La détresse des réfugiés, qui perdure depuis la création d’Israël en 1948, est justement considérée comme le cœur du conflit israélo-palestinien.

Commentant le dernier subterfuge de Netanyahou, le Département d’Etat US publiait le 19 avril un communiqué disant que les Etats-Unis continueraient de promouvoir une solution biétatique. Le rejet de la demande de Netanyahou a fini par forcer le Premier ministre israélien à changer d’avis, ostensiblement, disant que la reconnaissance de la judaïté d’Israël était une préférence et non une condition préalable.

Selon des commentateurs israéliens, Netanyahou explore à présent toutes les voies pour esquiver une reprise sérieuse du processus de paix. Parmi les idées qui circulent dans le cabinet du Premier ministre, il y a par exemple : utiliser le Hamas comme diversion, en reprenant la question du « terrorisme », et imposer à Washington de lier la reprise des pourparlers avec l’AP à un engagement américain de forcer l’Iran à renoncer à son programme nucléaire par tous les moyens nécessaires.

Quant à l’expansion des colonies, Netanyahou projetterait de dire à l’administration Obama que la plupart des unités coloniales construites sur des terres arabes occupées ont été planifiées et approuvées par le précédent gouvernement et que le droit israélien ne permet pas de démanteler les implantations prévues. Cependant, il est de plus en plus clair que l’administration Obama n’a pas envie de recevoir des « instructions » de Netanyahou et de son ministre des affaires étrangères extrémiste.

La semaine dernière, la Maison Blanche a rabroué Netanyahou en décommandant une rencontre proposée à Washington pour début mai. Netanyahou avait espéré capitaliser sur sa présence à la Conférence du Comité des Affaires Publiques américano-israélienne (AIPAC) pour rendre visite à la Maison Blanche. En outre, Obama ne cesse maintenant d’exiger le gel de l’expansion coloniale juive en Cisjordanie. Selon des sources à Washington, l’administration Obama est en train d’abandonner l’ancienne opposition américaine à la participation du Hamas à un futur gouvernement d’unité nationale palestinien.

Dans de telles circonstances, si les relations avec une administration US donnée tournent à l’aigre, ou si Israël n’obtient pas ce qu’il veut de Washington, Israël demande au centre nerveux sioniste aux Etats-Unis (dont l’AIPAC est un noyau) de se servir de ses muscles, en particulier de harceler le gouvernement US pour qu’il tienne compte des exigences israéliennes. Toutefois, Netanyahou et ses supporters croient qu’il est prématuré et trop risqué de recourir à des tactiques de pression contre l’administration Obama, de crainte que cela n’entraîne un effet boomerang non mesurable et inattendu.

La semaine dernière, la presse israélienne rapportait que « notre homme à la Maison Blanche » (le secrétaire général de la Maison Blanche Rahm Emanuel) avait dit à un dirigeant juif non nommé que « dans les quatre prochaines années il y aura un accord de statut permanent entre Israël et les Palestiniens sur la base de deux états pour deux peuples, et peu importe pour nous qui est Premier Ministre en Israël ».

Le média de masse Yediot Aharonot citait également Emanuel, dont le père commandait le groupe terroriste « Etzel » (Irgoun) avant la création d’Israël, que « tout traitement du problème nucléaire iranien dépendra des progrès dans les négociations et de l’abandon israélien du territoire cisjordanien ». « En d’autre termes, la sympathie US pour la position d’Israël vis-à-vis de l’Iran dépend de la bonne volonté d’Israël de respecter son engagement de quitter la Cisjordanie et d’y permettre l’établissement d’un état palestinien ainsi qu’à Gaza et à Jérusalem-Est ».

Dans cette perspective, on s’attend que le gouvernement israélien passera les prochaines semaines à étudier méticuleusement « les voies et moyens appropriés » pour gérer la « nouvelle réalité » à Washington. Certains commentateurs israéliens ont argué qu’Israël est confronté à un réel dilemme dans ses relations avec son tuteur et allié. Car si le gouvernement Netanyahou refuse de plier devant Washington, une vraie crise éclatera, tandis que si le gouvernement capitule devant la pression américaine en ce qui concerne la solution des deux états, il risquera sa propre chute, vu l’opposition de presque tous les partenaires de coalition de Netanyahou à des « concessions territoriales » aux Palestiniens.