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Terrorisme médiatique capitaliste, anti social et manipulateur (ndlr)

Du charme discret du vocabulaire (ndlr)

Texte de Philippe Arnaud (Amis du Monde Diplomatique) - 07/05/09 - 17h45

jeudi 7 mai 2009

Chers tous,

Hier, mercredi 6 mai, les médias ont annoncé une grosse « bavure » de l’aviation américaine qui, dans l’ouest de l’Afghanistan, a tué au moins 100 personnes, dont une majorité de civils. Et voici ce qu’en disait Gérard Grizbec au journal de 13 h de France 2 d’hier mercredi 6.
« ...alors que la population afghane semble être prise en otage par des
talibans qui se cachent dans les villages et utilisent les civils comme
boucliers humains ». [Cette partie de phrase avait disparu du commentaire de Grizbec lors du journal de 20 h du même France 2].

Remarque n° 1. L’expression « prise en otage » est celle qui est
rituellement employée par la droite, le Medef ou le gouvernement pour
qualifier non pas même les récentes séquestrations de patrons mais
toutes les grèves - souvent dans les transports, tant publics que privés
- que dans l’Education nationale. Il y a ainsi un « pont » qui est établi,
dans l’esprit des gens, entre les salariés ou syndicalistes, d’une part,
les opposants musulmans à la politique américaine et (car c’est quand
même l’origine de l’expression), les gangsters qui veulent assurer leur
fuite. D’où l’équivalence : syndicalistes = talibans = gangsters =
gibiers de potence.

Remarque n° 2. Ces « boucliers humains » des talibans rappellent les tout
récents « boucliers humains » soi-disant employés par le Hamas à Gaza ou
le Hezbollah au Liban lors de la guerre de 2006. Comme les armées
occidentales se reposent avant tout sur leur aviation (pour perdre le
moins d’hommes au sol), il est évident que les frappes ne peuvent être
précises. Mais comme, par définition, ces armées ne représentent que le
« Bien », il est évident que les guérilleros font exprès de se cacher
parmi la population rien que pour attirer sur elle des bombardements et
déconsidérer les justes causes occidentales. Comme il n’y a rien de
nouveau sous le soleil, j’avais entendu le même reproche d’anciens
pétainistes qui accusaient les Résistants de commettre des attentats
contre les Allemands rien que pour provoquer des représailles contre les
civils (et saboter ainsi l’entente exemplaire entre les Français et les
autorités d’occupation).

Autre nouvelle, qui remonte au 3 mai. Ce jour-là, tous les médias ont
fait un grand battage autour du transfert, à Lyon, de plus de 400
détenus de deux prisons vétustes vers la nouvelle prison de Corbas. J’ai
trouvé ce battage particulièrement indigne en ce qu’on traitait des
prisonniers (entourés d’un luxe de précautions) comme s’il s’agissait de
combustible nucléaire ou d’animaux de zoo. On parlait (sur le site de
Libération) de la « dangerosité ou de la fragilité » des prisonniers comme
s’il s’était agi de crocodiles (pour les premiers) ou de koalas (pour
les seconds). On évoquait les cellules individuelles de 10 m2, comme si
l’on avait dit « la cage de l’ours sera plus grande » et on parlait de
ceux qui ne voulaient pas rester seuls, comme les chevaux ou les ânes
qu’il faut (dit-on) ne jamais laisser seuls dans leur enclos (quitte à
ne leur laisser qu’une poule) pour ne pas les voir déprimer. Bref, j’ai
vu là un mépris immense des prisonniers, soit considérés comme un
« danger » universel (à l’instar de produits chimiques ou nucléaires ou
d’obus de la dernière guerre qu’on désamorce) ou d’animaux dont les
seules caractéristiques sont d’être dangereux ou fragiles (c’est-à-dire
infra-humains).