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L’irresponsabilité patente de l’Europe, la factice et programmée indignation de la France :

Durban : Israël a gagné la bataille, la lutte contre le racisme l’a perdue

par Michel Warschawski - Samedi, 2 mai 2009 - 20h05

samedi 2 mai 2009

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Durban II contre le racisme était supposée faire le bilan des décisions de Durban I. En réalité, elle fut planifiée pour l’assassiner et lui faire ses funérailles.

Entre Durban II et Durban I, il n’y a pas plus en commun qu’il n’y en a entre la Première Intifada et la soi-disant Seconde Intifada, c’est-à-dire absolument rien.

La Conférence des Nations unies, Durban I, qui s’est tenue en Afrique du Sud en 2001, fut une puissante déclaration de la quasi-totalité des nations du monde contre le racisme et, en dépit de quelques incidents antisémites marginaux, un cri extraordinaire de la société civile internationale. En réalité, Durban était la dernière manifestation internationale de l’ère de la décolonisation, commencée avec la défaite de l’Allemagne nazie et l’éveil des nations colonisées.

Durban I fut aussi le point de départ d’une contre-réforme mondiale, lancée par les grandes puissances sous la direction des administrations néoconservatrices US et israélienne. Cette contre-offensive s’est servie de l’accusation terrible d’antisémitisme comme d’un étendard et d’un chantage permanent pour paralyser toute opposition potentielle.

La Conférence de Durban II contre le racisme était supposée faire le bilan de la mise en œuvre des décisions de Durban I. En réalité, elle fut planifiée pour l’assassiner et lui faire ses funérailles. L’Etat d’Israël et les USA ont joué le premier rôle dans cette opération extrêmement bien préparée, avec l’aide de certains pays européens. Pendant au moins trois ans, ils ont travaillé activement pour fixer de nouvelles lignes directrices à la conférence, « les lignes rouges » comme ils les ont appelées, surtout destinées à éviter toute critique contre Israël qui avait été effectivement en 2001 la proie des critiques tant de la part de la Conférence des Etats que de celle de la Société civile. Il faut se rappeler que c’était l’année où Ariel Sharon est devenu Premier ministre et qu’il réprimait par la violence la Seconde Intifada du peuple palestinien, et le ciblage d’Israël fut la conséquence directe et naturelle de cette violence dans les territoires occupés.

L’une des principales « lignes rouges » a été de décider de ne citer aucun exemple spécifique de racisme (sic), ni de ses victimes ni de ses auteurs, et de limiter les déclarations à des dénonciations d’ordre général de pratiques racistes. En outre, le Forum parallèle habituel des ONG a été annulé et remplacé par un tout petit « Forum de la société civile », imposé par quelques courageuses et efficaces ONG et qui s’est réuni avant la conférence des Etats. Contrairement à la précédente conférence des Nations unies, la résolution des ONG n’a pas été lue à l’assemblée plénière des Etats, mais remplacée par des déclarations individuelles d’ONG sélectionnées.

Après avoir imposé leurs lignes rouges, les USA et Israël boycottent la conférence des Nations unies !

La résolution finale de la conférence officielle n’est pas mauvaise dans son contenu mais rendue inefficiente en raison, comme indiqué ci-dessus, de la décision de ne pas mentionner des victimes spécifiques et les Etats coupables.

Même les journalistes les plus critiques ont dû admettre qu’à Genève, il n’y eut pas même l’ombre d’une déclaration ou d’actes antisémites, et afin de continuer la campagne de délégitimité autour de l’accusation d’antisémitisme, la machine de propagande israélienne a dû falsifier le discours du président iranien Ahmadinejad qui, selon le protocole officiel et le secrétariat de la Conférence onusienne, ne niait pas l’existence du génocide des juifs, comme cela lui fut attribué largement par les médias. Une simple et rude manipulation opérée par le lobby israélo-US, « UN Watch ». Le fait même qu’UN Watch n’ait pas hésité à ajouter un paragraphe au discours du président iranien confirme à quel point le lobby israélo-US était prêt à agir pour délégitimer la Conférence des Nations-Unies contre le racisme, et les Nations-Unies en général, en employant l’accusation terrible de l’antisémitisme.

Pour le Forum de la société civile, leur tactique fut différente sachant que celle utilisée pour la Conférence des Etats ne pourrait fonctionner. Différente, mais pas moins efficace. Ils ont utilisé une partie de la délégation africaine pour marginaliser la question palestinienne et neutraliser sa centralité en la mêlant à d’autres crises à travers le monde, en particulier avec les massacres du Darfour. En poussant les Africains contre les Arabes avec des arguments démagogiques comme : « Seriez-vous satisfaits d’être ignorés et marginalisés à cause de la question palestinienne ? » et « Le Darfour est-il moins pénible que la Palestine ? », la campagne israélo-US a réussi à créer de grandes tensions au sein du le Forum des ONG.

Bien qu’Israël ait boycotté la Conférence, il était pour autant omniprésent : 1 500 jeunes juifs organisés par UN Watch, le ministère des Affaires étrangères israélien, l’Union française des étudiants juifs et Bnei-Brith (organisation Juive internationale), ont été envoyés à Genève et ont littéralement investi la place. Leur présence agressive et l’omniprésence des agents de sécurité israéliens ont créé un climat de territoire occupé à la fois sur le lieu des Nations-Unies, dans son proche voisinage et dans la ville de Genève où plusieurs grands rassemblements se sont tenus avec la participation de personnalités telles qu’Elie Wiesel, Nathan Sharansky et Alan Dershowitz, répétant le faux mantra sur la « Conférence antisémite ».

Un pays dont les lois constitutionnelles sont ouvertement racistes et dont le ministre des Affaires étrangères est Avigdor Lieberman ne peut légitimement participer à une conférence internationale consacrée à la dénonciation du racisme. Il ne peut que tenter de la saboter et s’il ne peut la faire annuler, il la boycotte. L’Etat d’Israël a fait les deux et il nous faut l’admettre, avec succès. Espérons que pour la Conférence de Durban +10, planifiée en 2010, les Etats et les organisations véritablement antiracistes seront mieux préparés et seront plus courageux pour promouvoir un monde sans racisme ni discrimination, un monde basé sur une véritable égalité entre tous les peuples et nations, où les Liebermans et les Berlusconis ne seront qu’un triste souvenir du passé.

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27 avril 2009 - Alternative Information Center - traduction : JPP