Accueil > Sociétés Civiles à Parlement Européen > « Nous traitons les Palestiniens comme des animaux »

Confessions d’un soldat israélien :

« Nous traitons les Palestiniens comme des animaux »

Mundo Obrero (Info-Palestine.net) - 16 mars 2009 - 23h36

lundi 16 mars 2009

===================================================

Dans la société israélienne, les premières voix contre la guerre commencent à s’élever.

Dimanche, une marche à Tel Aviv pour demander la fin des bombardements à Gaza et au Liban.

Aujourd’hui, une nouvelle qui toucha l’opinion publique : le sergent Itzik Shabbat annonça qu’il refusait de participer à l’offensive contre Gaza. « Je le fais pour m’opposer à cette folie et pour mettre fin à l’illusion que nous sommes tous en faveur de cette guerre inutile basée sur des mensonges », affirma ce jeune réserviste de 28 ans qui vit à Sderot, ville proche de Gaza dans laquelle les missiles Qassam du Hamas tombent régulièrement.

L’heure du retour à Gaza approche [janvier 2009]. Je termine les dernières interviews à Jérusalem. Dans un café de Jaffa Road, je me trouve avec Yehuda Shaul, fondateur de l’ONG Breaking the Silence ( rompre le silence).

« Tout est pure folie : l’occupation, la forme inhumaine avec laquelle nous traitons les Palestiniens », me dit-il. En Israël, tu entres dans l’armée à 18 ans parce que tu veux combattre l’ennemi de ton pays, parce que tu veux laisser une trace dans l’histoire, et tu fais ce qu’on te dit de faire, sans penser. Et tout est fait pour que tu ne penses pas. Des missions à accomplir, des ordres à suivre ».

« Et tu ne vois pas les Palestiniens comme des être humains, tu les vois comme des animaux. Tu entres dans leur maison, la nuit, tu les réveilles, les femmes d’un côté, les hommes de l’autre, et tu casses tout. C’est le genre de choses que tu ne ferais pas ici, en Israël, mais tu le fais chez eux. Et, pour ce faire, tu refuses la réalité. C’est la seule manière. Tu crées entre toi et la réalité un mur de silence ».

« Voici un autre exemple : si, la nuit, tu trouves un paquet suspect qui pourrait être une bombe, tu appelles le premier Mohamed que tu trouves dans la rue et tu lui demandes de l’ouvrir. Tu pourrais appeler un expert qui le désactiverait, il mettrait dix minutes à venir, mais c’est beaucoup mieux qu’un Palestinien risque sa vie, puisque pour toi ça revient au même, tu ne le vois pas comme un être humain. Moi, je faisais ça avec mes soldats à Hebron ».

« De même à Naplouse, quand je voulais entrer dans une maison, si je pensais qu’il pouvait y avoir une bombe piégée, je prenais le Mohamed que j’avais sous la main et je l’obligeais à ouvrir la porte. Ça fait partie de la routine de l’armée : utiliser les Palestiniens tels des boucliers humains. »

« Pareil lorsque tu es à un check-point, tu les obliges à attendre beaucoup plus que le temps nécessaire, parfois pendant des heures, et tu choisis un Palestinien au hasard à qui tu donnes des coups, tous les quinze ou vingt qui passent, de sorte que les autres aient peur et restent tranquilles. C’est seulement ainsi que toi, avec quatre soldats, tu peux les dominer eux qui sont des milliers. »

« Et quand tu entres à Gaza avec ton char de combat et que tu vois une voiture neuve, même si tu as assez de place sur la route, tu passes dessus. De même, tu tires sur les réservoirs d’eau. Pour leur faire peur, pour qu’ils te respectent, parce que c’est ça la logique qu’on enseigne aux soldats israéliens ».

« De plus, tu es jeune et tu commences à profiter de ce pouvoir, que les gens fassent tout ce que tu leur dit de faire. C’est comme un jeu vidéo. Tu es à un check-point au milieu de la route, tu as vingt voitures qui attendent, et par un simple mouvement du doigt ils font ce que tu veux toi. Tu joues avec eux. Tu les fais avancer, reculer. Tu les rends fous. Tu as 18 ans et tu te sens puissant ».

« Trois mois avant d’abandonner l’armée, je dirigeais une unité à Hébron, j’avais fait une bonne carrière, de sorte que j’avais du temps libre. Un matin, je me suis regardé dans le miroir et j’ai compris que tout ceci était une erreur et j’ai su que je ne pourrais pas continuer à vivre si je ne faisais pas quelque chose. C’est pourquoi, à peine sorti, avec les soldats de mon unité, nous avons monté une exposition avec nos photos, elle s’appelait Amener Hébron à Tel Aviv ».

« Elle est tombée comme une bombe dans la société. Des parlementaires et des journalistes y sont venus. Donc, nous avons créé Breaking the Silence, où nous offrons de l’espace pour que les soldats racontent les abus qu’ils commettent systématiquement. Plus de 350 l’ont fait. A présent, nous avons des expositions et des vidéos en Europe, en Israël ».

« Certaines personnes disent que ce sont des cas isolés. Les mères disent : mon fils, qui fait son armée actuellement, est bon, il ne fait pas ce genre de choses, ce sont uniquement les soldats bédouins ou éthiopiens qui font ça. Mais ce n’est pas si sûr. On fait tous ce genre de choses, parce que c’est la logique de l’occupation israélienne : terroriser les Palestiniens ».

« Les Check-points ne servent pas à empêcher les Palestiniens d’entrer en Israël, c’est pour que la réalité n’entre pas en Israël. Parce que c’est une société de soldats, nous passons tous par l’armée pendant trois années quand nous sommes jeunes et ensuite un mois par an. Et nous le faisons tous. C’est pourquoi il existe le mur de silence, de négation, parce que nous sommes tous responsables et nous ne voulons pas l’admettre ».

« Eux sont les victimes, nous sommes les bourreaux. Mais en tant que bourreaux, nous payons également un prix. Ceci est une société qui ne s’encourage pas à regarder ni la vérité en face, ni ses propres actes. C’est une société, par conséquent, moralement malade ».

Mars 2009 - Mundo Obrero - Vous pouvez consulter cet article ici : http://www.pce.es/q_pl.php ?id=2837 [Traduction : Assia B.

Mundo Obrero (Info-Palestine.net)